La Baie d’Açaï d’Amazonie : Exotisme, Antioxydants et Bienfaits Marketing
La baie d’açaï a été mise en avant comme « superfruit » pour ses composés bioactifs antioxydants tels que les phénols, les flavonoïdes et les anthocyanes. Cette baie amazonienne commercialisée est récoltée à partir de principalement deux plantes Euterpe oleracea et Euterpe precatoria. Néanmoins cette baie a des bénéfices controversés. L’idée de faire maigrir en consommant cette baie ou en compléments alimentaires est fausse par exemple.
Cette baie se trouve en Amérique Centrale et du Sud autour du bassin Amazonien. Le palmier E. precatoria mesure 20m de hauteur. Les baies mesurent entre 0,9 et 1,3 cm de diamètre, elles sont vertes au départ, puis deviennent rouges puis pourpres foncés à maturité. La baie ne se consomme généralement pas après cueillette (exception pour les marchés locaux). Les baies macèrent dans l’eau et sont séparés des graines pour obtenir un jus pourpre, la pulpe d’açaï. Chaque kilogramme de baie apporte environ entre 0,3 et 0,5L de jus. Cette pulpe est souvent ensuite surgelée puis incorporée dans les boissons ou des produits de cosmétiques. Chaque arbre produit entre 5 et 10 kg de baies.
Le Brésil produisait en 2011, 215 400 tonnes de baies d’açaï. D’après le Brazilian Institute for geography and Statistics (IBGE), le principal producteur et consommateur est l’état Brésilien Para.
Un fruit traditionnel
Les feuilles de ce palmier étaient utilisées comme remède contre les morsures de serpents et les maux musculaires. Les graines étaient utilisées pour préparer une huile noire utilisée comme un agent anti-diarrhéique. Les populations indigènes l’utilisaient en décoction pour traiter le paludisme. Cependant, le principal engouement de ces derniers temps portait sur les bénéfices suspectés par rapport aux antioxydants.
Notre corps produit des radicaux libres (ou espèces réactives à l’oxygène) suite à des réactions métaboliques dans les mitochondries. Pour les chimistes, c’est une espèce chimique qui possède un électron célibataire non apparié. Cette espèce est instable et hautement réactive avec les molécules environnantes. C’est ce qu’on appelle le stress oxydatif. Ce stress oxydatif à travers des mécanismes inflammatoires est suspecté être lié au développement de maladies chroniques. L’effet des baies a été testé in vitro et sur des modèles cellulaires pour ses effets antioxydants.
Dans des essais in vitro, la pulpe de E. oleracea a montré des effets antioxydants contre l’anion superoxyde, l’oxydation des liposomes et le peroxyde (Heinrich 2011, Yamaguchi 2015). Ces composés bioactifs ont été isolés : (+)-lariciresinol, (+)-pinoresinol, (+)-Syringaresinol et procatechuic methyl ester. L’utilisation de cette pulpe sur des cellules du cerveau ont montré un effet protecteur de l’inflammation. Sur des cellules humaines d’adénocarcinome du colon, l’extrait de baie d’açaï a montré des effets anti-prolifération celllaire avec les anthocyanines. Le jus d’açai pourrait également diminuer le risque d’athérosclérose en modulant l’expression des gènes impliqués dans l’homéostasie du cholestérol (étude chez le rat).
Des bénéfices à démontrer
Malgré toutes ces études, il n’y en a pas eu chez l’Homme. Et les résultats chez l’animale ou en modèle cellulaire sont loin d’être extrapolables. Par ailleurs, aucune allégation sur la baie d’açaï ou les antioxydants concernant la santé n’a été autorisé par l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire EFSA. D’autres questions sont à élucider :
- Il n’est pas pertinent d’extrapoler directement des résultats d’études in vitro ou animales sur l’Homme.
- Peut-on extrapoler les résultats d’études utilisant le fruit entier cru par rapport à la consommation de cette baie incorporée à une teneur très faible dans un produit industriel ?
- La biodisponibilité (absorption intestinale des nutriments) sur les antioxydants est méconnue. Est-il pertinent de classer les fruits selon leur concentration en antioxydant sans prendre en compte la biodisponibilité ?
Beaucoup d’études épidémiologiques chez l’Homme ont montré qu’une consommation accrue de fruits et légumes est un bénéfice pour la santé, mais cela reste incertain pour la consommation d’un type de fruit même super riche en antioxydants.
La composition nutritionnelle
La baie d’açaï contiendrait environ 31% de flavonoïdes, 23% de composés phénoliques, 11% de lignoïdes et 9% d’anthocyanes. Le reste serait des quinones, terpènes et acides gras. (Acides linoléique, oléique et palmitique) Les anthocyanes sont des molécules responsables de la couleur pourpre des fruits.
En ce qui concerne le jus de baie d’açaï, il est composé principalement de lipides (représentent 70 à 90% de l’apport calorique), ce qui lui confère une valeur énergétique importante. En matière sèche, le jus d’açaï contiendrait 50% de lipides, 25% de fibres et 10% de protéines et seulement 3% de glucides (Yamaguchi 2015). L’acide aminé limitant de ce jus est la méthionine. 1L de jus d’açaï apporterait environ 12,6g de protéines. Ces valeurs nutritionnelles sont néanmoins à prendre avec des pincettes comme les procédés industriels et la variabilité génétique des espèces peuvent faire varier cette composition nutritionnelle.
Mais on peut retenir que la baie d’açaï est une bonne source d’énergie, de protéines et de fibres.
Au final, quand on quantifie le pouvoir antioxidant avec la méthode TAC (Total Antioxydant Capacity), qui elle mesure également les antioxydants liposolubles indépendamment des hydrosolubles, l’açaï a un pouvoir faible en comparaison à d’autres fruits (Peter 2011).
Mais alors pourquoi ce produit fascine ?
Les consommateurs ont un intérêt croissant pour les jus de fruits naturels et exotiques qui semblent sains et nutritifs (attention, naturel n’est pas égal à bon pour la santé). Le besoin d’innovation, de la découverte de nouveaux goûts attirent. L’étude de Sabe et al. A montré que les consommateurs ont une bonne image des fruits tropicaux : « bon goût », « attirant », « sain », « nutritif » sont les principales caractéristiques ressorties.
Les limites de la commercialisation de ce fruit viennent du fait que cette baie périme rapidement (3 jours après la récolte), la disponibilité du fruit (pic de production entre Octobre et Février), le transport difficile des fruits. Le manque de familiarité envers cette baie et la faiblesse scientifique des allégations santé relatives à ce fruit sont également d’autres freins.
Après avoir jeté un coup d’œil en magasin et sur le web, il semble difficile de trouver des jus d’açaï ou même des baies. Si vous en achetez sur le web, vérifier la pureté du produit, la liste des ingrédients. Les baies lyophilisées perdent aussi de la valeur nutritive. Au final, il est plus facile d’en trouver dans son shampoing sous forme d’arôme artificiel qu’en fruits ou en jus en supermarché… Donc préférez acheter des fruits et légumes locaux et bio.
Le Center for Science in the Public Interest met en garde sur les arnaques sur internet pour les produits à base de baies d’açaï qui répandent de fausses allégations comme faire maigrir.
Et vous, avez-vous déjà testé des produits à base de baies d’açaï ?
Source :
Peter C. Wootton-Beard, Lisa Ryan – Improving public health?: The role of antioxidant-rich fruit and vegetable beverages – Food Research International 44 (2011) 3135–3148
« Analysing the market environment for açaí (Euterpe oleracea Mart.) juices in Europe – analysing-the-market-environment-for-acai-euterpe-oleracea-mart-juices-in-europe.pdf ». Consulté le 7 avril 2017. https://www.cambridge.org/core/services/aop-cambridge-core/content/view/4F8C50564263B13E07792184F3CA8C83/S024812940900022Xa.pdf/analysing-the-market-environment-for-acai-euterpe-oleracea-mart-juices-in-europe.pdf.
Heinrich, Michael, Tasleem Dhanji, et Ivan Casselman. « Açai (Euterpe oleracea Mart.)—A phytochemical and pharmacological assessment of the species’ health claims ». Phytochemistry Letters 4, no 1 (15 mars 2011): 10‑21. doi:10.1016/j.phytol.2010.11.005.
Marcason, Wendy. « What Is the Açaí Berry and Are There Health Benefits? » Journal of the American Dietetic Association 109, no 11 (1 novembre 2009): 1968. doi:10.1016/j.jada.2009.09.017.
Sadowska-Krępa, E, B Kłapcińska, T Podgórski, B Szade, K Tyl, et A Hadzik. « Effects of supplementation with acai (Euterpe oleracea Mart.) berry-based juice blend on the blood antioxidant defence capacity and lipid profile in junior hurdlers. A pilot study ». Biology of Sport 32, no 2 (juin 2015): 161‑68. doi:10.5604/20831862.1144419.
Yamaguchi, Klenicy Kazumy de Lima, Luiz Felipe Ravazi Pereira, Carlos Victor Lamarão, Emerson Silva Lima, et Valdir Florêncio da Veiga-Junior. « Amazon acai: Chemistry and biological activities: A review ». Food Chemistry 179 (15 juillet 2015): 137‑51. doi:10.1016/j.foodchem.2015.01.055.
CSPI – Consumers Warned of Web-Based Açai Scams – 23 Mars 2009 – https://cspinet.org/new/200903231.html
FAO – Assai – http://www.fao.org/docrep/v0784e/v0784e0b.htm
Bravo pour cet article très complet !
Auriez vous un lien vers la publication de Peter C. Wootton-Beard et Lisa Ryan ? Généralement la publication référence pour les valeurs ORAC des fruits est « USDA Database for the oxygen radical absorbance capacity (ORAC) of selected foods » de HAYTOWITZ DB. et BHAGWAT S. qui donne des valeurs très différentes.
Nossa a créé un document assez complet sur l’açai que vous pouvez trouver là : http://nossa-acai.com/wp-content/uploads/2018/08/Monographie-de-la%C3%A7ai.pdf.
Autre petite remarque : la photo du haut c’est des myrtilles et la 2e c’est une autre espèce de palmier