D’où viennent la faim et la satiété ?

Manger à sa faim. Cela semble évident ! Or il n’est pas toujours facile d’identifier les signaux de faim et de satiété. Il est facile de se laisser tenter et de demander plus par gourmandise et d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Je vais tenter de vous montrer que la prise alimentaire est bien régulée par notre corps, mais que cet équilibre peut facilement se perdre ou être modifié.

Régulation de la prise alimentaire par des mécanismes physiologiques

La consommation d’aliments permet d’apporter l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Le comportement alimentaire est finement régulé : notre organisme essaye d’équilibrer les apports (prise du repas) et les dépenses (métabolisme de base, sport…) en énergie et en nutriments. Cette régulation est appelée homéostasie. Le comportement alimentaire est rythmé (on parle de rythme biologique ou circadien) par les périodes de prises alimentaires et de jeûne. La prise alimentaire comprend 3 phases :

1- Une phrase pré-ingestive, caractérisée par la faim.  La faim est un état qui se traduit au niveau du cerveau par un ensemble de sensations plus ou moins intenses (digestives, besoin énergétique métabolique) aboutissant à l’initiation d’un repas, cela correspond à un besoin physiologique. Elle est souvent combinée à l’appétit, l’envie de manger un aliment défini : en général, des aliments que vous avez déjà rencontrés et dont l’expérience sensorielle était positive.

2- Une phrase prandiale, définie par la prise alimentaire et le rassasiement. Le rassasiement est un processus progressif aboutissant à l’arrêt de la prise alimentaire.

3- Une phase postprandiale, caractérisée par la satiété, un état d’inhibition de la sensation de faim.

Le cerveau est régulièrement informé de nos stocks et nos besoins en énergie par des signaux, comme les hormones. La faim commence quand la glycémie (taux de sucres dans le sang) diminue d’environ 10 à 12% de sa valeur moyenne. Tout d’abord, elle est régulée à court terme par des signaux sensoriels.

Signaux sensoriels, ce qui vous fait saliver :

Des facteurs externes, comme la couleur, le goût, l’aspect, la texture de l’aliment conditionnent la prise alimentaire. Les expériences antérieures nous permettent en général d’associer une saveur à une perception hédonique (plaisir ou aversion), on parle d’adaptation anticipatoire.

La palatabilité (texture qui procure une sensation agréable en bouche) et la densité énergétique élevée (aliments forts caloriques) sont aussi deux facteurs externes qui ont un lien avec la production de plaisir. Ils peuvent favoriser une surconsommation alimentaire. En bref, méfiez-vous des aliments gras et sucrés. Ces aliments, hautement palatables, ont souvent une texture douce, crémeuse, onctueuse ou croquante. Les lipides renforcent également les arômes.

Regulation prise alimentaire sensoriel digestif hormonal

Signaux digestifs à court terme et hormonaux à long terme

La prise alimentaire est régulée est en partie contrôlé par un système complexe hormonal et de peptides (élément de la famille des protéines). L’intensité des signaux de régulation à long terme est liée à l’adiposité (excès de graisses). Ils agissent en modulant l’impact des signaux à court terme sur l’hypothalamus, qui contrôle l’équilibre énergétique.

La faim est enclenchée par l’estomac vide et une baisse de la glycémie.
  • La ghréline est une hormone sécrétée par l’estomac, qui déclenche une sensation de faim. Elle est sécrétée quand votre estomac (en distension gastrique) et votre intestin sont vides. Les contractions de ces organes provoquent des déplacements d’air ce qui peut donner lieu à des gargouillements.
  • La sécrétion d’un neuropeptide Y (NPY) de l’hypothalamus stimule la prise alimentaire. La diminution du taux de sucre dans le sang provoque une augmentation de sécrétion de glucagon et une diminution de sécrétion d’insuline par le pancréas. Cela provoque la sécrétion de NPY.
Après le repas, la prise alimentaire est inhibée
  • La leptine est une hormone relâchée par les adipocytes blancs du tissu adipeux (« la graisse »). Sa concentration dans le sang est proportionnelle à la quantité de masse grasse présente dans l’organisme. La leptine à l’inverse diminue l’appétit: si un repas bien gras vient d’être avalé, le tissu adipeux sécrète la leptine pour stopper la prise alimentaire. On parle de signaux d’adiposité. Le cerveau s’informe sur le moyen et long terme de la quantité d’énergie stockée dans ces tissus. La leptine de synthèse est d’ailleurs parfois utilisée pour traiter des cas d’obésité génétique avec une mutation du gène Ob.
  • Le polypeptide Y PYY (pas confondre avec NPY), la cholécystokinine CCK gastro-intestinale et l’hormone intestinale Glucagon-Like Peptide-1 GLP-1 sont des signaux de satiété, quand l’estomac est plein.

Tous ces signaux alimentaires sont réceptionnés par des zones du système nerveux central : l’hypothalamus et le noyau du tractus solitaire, au niveau du tronc central. Ces neurones forment 2 systèmes distincts : orexigène (qui stimule l’appétit) et anorexigène (qui l’inhibe).

Regulation faim appetit prise alimentaire La motivation hédonique peut court-circuiter toute cette régulation

La motivation hédonique est la recherche du plaisir alimentaire en bouche ou tout simplement la gourmandise ! Des études pointent la recherche d’une récompense génératrice de plaisir en mangeant. Les systèmes dopaminergiques mésolimbiques et opioïdergiques du noyau accumbens sont des parties du cerveau qui gèrent cet hédonisme. Le plaisir alimentaire est lié à la libération de dopamine dans ce noyau accumbens. L’expérience du désir d’obtenir une « récompense » (=plaisir) est associée aux comportements boulimiques, où la régulation énergétique physiologique est dépassée par ce désir.

« Oh cette tarte a l’air super bonne avec tous ces fruits colorés. Hum c’est délicieux, je vais en reprendre ! »

« Ce chocolat a l’air terriblement fondant en bouche. Je vais en gouter un petit bout ! »

Tout le monde a déjà pris une 2ème part de tarte ou un chocolat en plus alors qu’il n’avait plus faim. La perception sensorielle (visuel, olfactive…) et l’attente gustative jouent également un rôle important dans la prise alimentaire.

Il y a aussi cette fameuse volonté, cette voix dans notre tête qui veut nous raisonner, également appelée restriction cognitive « Non aujourd’hui j’ai dit que je fais régime, adieu l’éclair au chocolat ! ». Plus généralement, le pouvoir de décision alimentaire est un contrôle cognitif. Cette volonté peut être dépassée par des facteurs émotionnels et/ou externes (stress, vision d’un aliment, food craving…), qui outrepassent les besoins internes métaboliques qui régulent la faim et la satiété. Cela peut favoriser l’installation de troubles du comportement alimentaire.

D’autres facteurs génétiques, le mode de vie, la pression des pairs jouent un rôle dans le comportement alimentaire. Ces déterminants socio-psychologiques, culturels, individuels et économiques du comportement alimentaire feront l’objet de d’autres articles à venir ! 🙂

Le Dr Jan Chozen Bays, pédiatre, stigmatise le manque d’attention en mangeant. Elle propose de manger en pleine conscience, c’est-à-dire être plus à l’écoute de nos sensations et prendre son temps en mangeant au calme et à des horaires réguliers. Je ne sais pas si c’est efficace, mais c’est une piste à tester (et sans doute amusante !). Voici ci-dessous une petite vidéo d’un exercice de ce pédiatre. Et vous, qu’en pensez-vous ?

Sources :

Food reward and cocaine increase extracellular dopamine in the nucleus accumbens as measured by microdialysis Luis Hernandez, Bartley G. Hoebel doi:10.1016/0024-3205(88)90036-7

Masayasu Kojima et al. – Ghrelin is a growth-hormone-releasing acylated peptide from stomach – Nature 402, 656-660 (9 December 1999) | doi:10.1038/45230; Received 21 July 1999; Accepted 7 October 1999

Richard H. Thaler and Cass R. Sunstein – Livre Nudge, la méthode douce pour inspirer la bonne décision (2012)

D. Tomé, N. Darcel – Des hormones pleines d’appétit (Novembre 2008)- La Recherche

Serge Luquet – Régulation de la prise alimentaire (Octobre 2007) – Université Paris-7, CNRS UMR 7059 – Nutrition Clinique et Métabolisme

Valérie Godefroy – Fondation Louis Bonduel – Monographie Régulation de l’appétit et troubles du comportement alimentaire (2010)

Serge Luquet (CNRS) – Alimentation : besoin ou plaisir, un équilibre fragile entre deux voies nerveuses (août 2015) http://www2.cnrs.fr/presse/communique/4165.htm

Cours de physiologies du comportement alimentaire




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.