C’est quoi les lipides ? Quelles sources de graisses privilégier pour la santé ?
Souvent les avertissements « trop gras » laissent penser que les graisses sont mauvaises pour la santé et font grossir. Ce n’est pas forcément le cas. Par le passé, nous avons été invités à les bannir de notre alimentation autant que possible. Nous sommes passés à des aliments faibles en gras. Mais ce changement ne nous a pas forcément rendus plus sains, probablement parce que nous avons réduit nos apports en « bonnes » graisses et en graisses « nocives ». Il est important de différencier les graisses saturées, trans et insaturées.
Les lipides, les graisses : une large famille de molécules
Les graisses sont des macronutriments nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme. Les lipides assurent de nombreuses fonctions :
- substrat énergétique (acides gras) et stockage énergétique dans les tissus adipeux (triglycérides)
- rôle structural dans la membrane des cellules (phospholipides)
- implication dans la synthèse des hormones stéroïdiennes (œstrogènes, testostérones…)
- modulation de l’expression génique dans le métabolisme des lipides
Ces lipides sont retrouvés dans les produits animaux (poissons, œufs, fromages, charcuterie, viande) et végétaux (huiles, graines, fruits oléagineux) et dans les produits transformés. Les lipides sont des molécules énergétiques (1g lipide = 9kcal et 1g de sucre =4kcal). Un acide gras est une molécule formée d’une chaîne de carbones liés à des hydrogènes.

4 types d’acides gras sont différenciés selon leur structure chimique : la présence ou non de double liaison carbone-carbone (appelée « insaturation »)

- les acides gras saturés (AGS) ne possèdent aucune double liaison carbone-carbone (représenté dans le schéma ci-dessous par un double trait)
- les acides gras monoinsaturés (AGMI) possèdent une seule double liaison carbone-carbone
- les acides gras polyinsaturés (AGPI) possèdent plusieurs doubles liaisons
- les acides gras Trans (AGT), ces acides gras insaturés ont une double liaison dans une position « Trans ». En présence d’une double liaison carbone-carbone, les atomes d’hydrogène peuvent soit s’arranger dans le même plan que le double liaison (position CIS), soit de part et d’autre du plan de la liaison (position TRANS).

Les acides gras trans à éviter
Les acides gras trans possèdent une ou plusieurs doubles liaisons en position trans. La présence de liaisons trans augmente le point de fusion des acides gras insaturés. Par exemple, l’acide gras oléique C18:1 9-trans a un point de fusion à 44-45°C alors que l’acide gras oléique C18:1 9-cis a un point de fusion à 4°C (ANSES). Par conséquent, les acides gras cis fondent à plus basse température que les acides gras trans.
D’où viennent les acides gras trans ?
Ces acides gras trans proviennent soit :
- de la biohydrogénation des ruminants. On peut en retrouver naturellement dans le lait ou les produits laitiers.
- soit de l’hydrogénation catalytique qui provoque la transformation des liaisons cis en trans (on parle d’isomérisation). Ce procédé industriel permet de rendre les huiles moins sensibles à l’oxydation.
- soit de traitements thermiques

Les acides gras trans sont retrouvés dans les margarines, les biscuits, les pâtisseries.
Les acides gras trans augmentent le risque cardiovasculaire
Dans des études observationnelles humaines (où l’on suit les consommations et l’état de santé de milliers de participants pendant plusieurs années), les apports en acides gras trans étaient associés avec un risque de mortalité cardiovasculaire (De Souza 2015) et de maladies cardiovasculaires (Yongijan Zhu 2019) accrus mais il n’y avait pas de liens avec le diabète de type 2.
Une méta-analyse est une analyse qui compile et synthétise les résultats de différentes études en recherche. Une méta-analyse d’essais randomisés contrôlés de 14 jours à 8 semaines (Brouwer/OMS 2016) a identifié que remplacer les graisses trans par des graisses mono- ou polyinsaturées cis avaient un effet bénéfique avec une diminution du taux de cholestérol total, une amélioration du ratio HDL/LDL-cholestérol. Ces résultats sont concordants avec une autre méta-analyse de 2012 (Aronis). Les niveaux en acides gras trans n’avaient pas d’effets sur la glycémie ou l’insulinémie.
Au niveau européen, il existe une limite maximale légale de 2g de graisses trans par 100g de produits (hors graisses naturelles trans). L’OMS recommande de limiter ses apports totaux en acides gras trans à moins de 1% des apports énergétiques totaux.
Les acides gras saturés : une consommation modérée
Les graisses saturées ont longtemps été montrées du doigt comme un facteur de risque de maladies cardiovasculaires à travers leur influence sur le LDL-Cholestérol (« mauvais cholestérol »). Pour rappel, les acides gras saturés ne possèdent aucune double liaison carbone-carbone et sont solides à température ambiante.
Les sources courantes de graisses saturées comprennent la viande rouge, le lait entier et d’autres produits laitiers à base de lait entier, le fromage, l’huile de noix de coco, les biscuits, les snacks sucrés et salés, les viennoiseries…
Des interprétations compliquées en terme de santé pour les graisses saturées
ça se complexifie pour les graisses saturées. L’étude PURE (Prospective Urban Rural Epidemiology) (Dehghan 2017) avec des participants de 18 pays a constaté que les apports totaux en graisses, en graisses saturées, mono-insaturées et polyinsaturées étaient associés avec un risque diminué de mortalité mais pas liés au risque cardiovasculaires. Les graisses saturées étaient associées à un risque diminué d’AVC.
Pour le graphique ci-dessous, l’axe des ordonnées représente le risque relatif entre les acides gras saturés et la mortalité ou la survenue de maladies cardiovasculaires. L’interprétation du Risque Relatif (RR) se fait de la façon suivante :
- RR = 1 : absence de relation entre le facteur de risque (ici les acides gras saturés) et la maladie (ici la mortalité ou les maladies cardiovasculaires). La valeur RR=1 est représentée par la ligne droite en pointillés
- RR > 1 : risque accru de maladie (facteur de risque)
- RR < 1 : risque réduit de maladie (facteur protecteur)

Dans le graphique à droite : le risque de survenue de maladies cardiovasculaires n’est pas associé aux apports en acides gras saturés puisque le risque relatif RR (axe des ordonnées) a sa valeur comprise avec le 1.
Deux méta-analyses d’études observationnelles (Siri-Tarino 2010, Yongjian Zhu 2019) n’ont pas identifié de liens entre les apports en graisses saturées et le risque cardiovasculaire. A l’inverse, deux autres études observationnelles ont constaté que les graisses saturées étaient liées à une mortalité accrue (Wang 2016 , Pan Zhuang 2019). Dans le graphique ci-dessous adapté de l’étude de Wang et ses collaborateurs, la variation du risque relatif (RR) de décéder pour les acides gras trans et saturé est positive.

Et une analyse de 15 essais randomisés contrôlés a constaté que la réduction des apports en graisses saturées étaient associée à une réduction du risque relatif d’événements cardiovasculaires (-17%) avec un niveau de preuve modéré (Lee Hooper 2015).
Il est donc difficile de s’y retrouver dans ces résultats hétérogènes dus à des différences dans le type d’études et une diversité de méthodologies. Par exemple, l’étude PURE incorpore 18 pays avec des différences culturelles et socio-économiques importantes (Bangladesh, Inde vs Canada).
Les recommandations pour les graisses saturées
L’Agence Nationale Française de sécurité alimentaire ANSES recommande que les graisses saturées totales représentent moins de 12% de l’apport énergétique total et moins de 8% pour 3 acides gras saturés (les acides lauristique, myristique, palmitique). Le principal soucis provient surtout d’une surconsommation de ces 3 acides gras athérogènes en excès.

Les graisses mono-insaturées
L’acide oléique est l’acide gras le plus présent pour les graisses mono-insaturées. Les graisses mono-insaturées sont retrouvées dans l’huile d’olive, d’arachide, les avocats, la noix, l’huile de tournesol, certains fruits à coque.
Les graisses poly-insaturées
Les acides gras polyinsaturés sont principalement présents dans les huiles de colza, lin, noix, soja et dans les poissons gras (saumon, sardine, maquereau, foie de morue, hareng…).
Certaines graisses sont nécessaires au bon fonctionnement de l’organisme, mais celui-ci ne peut pas les synthétiser. Ces lipides doivent donc être apportées par l’alimentation, on parle d’acides gras indispensables :
- Les oméga-3 sont des acides gras avec une double liaison C-C en en 3ème position par rapport au groupe d’atomes méthyl terminal (CH3) de la molécule
- Les oméga-6 sont des acides gras avec une double liaison C-C en en 6ème position par rapport au méthyl terminal (CH3) de la molécule
L’organisme ne sait pas fabriquer l’acide linoléique ω6 et l’acide α-linoléique ω3. Ces deux acides gras sont des précurseurs de la synthèse de l’EPA (Acide Eicosapentaénoïque) et de DHA (acide Docosahexaénoïque).

Quelques études sur la santé et les graisses polyinsaturées
- Dans deux études américaines, la substitution des graisses saturées par des graisses polyinsaturées (AGPI) ou mono-insaturées diminuait le risque d’événements cardiovasculaires (Clifton 2017) et le risque de mortalité toutes-causes (Wang 2016)
- Une méta-analyse Cochrane de 49 essais cliniques (la plupart sur des compléments alimentaires en AGPI, 8 sur des conseils diététiques, 8 avec des supplémentations en noix/margarines et 3 une combinaison de méthodes pour augmenter les niveaux en AGPI). La conclusion de cette analyse Cochrane était que l’augmentation de l’apport en AGPI réduit probablement légèrement le risque de maladie coronarienne et d’événements cardiovasculaires, mais cela a peu ou pas d’effet sur la mortalité toutes causes confondues ou la mortalité cardiovasculaire.
- Une supplémentation en acides gras polyinsaturées pourrait aider à diminuer l’anxiété d’après cette méta-analyse de 19 essais cliniques (n=2240 participants) de Kuan-Pin Su.
L’ANSES recommande des apports en acide linoléique inférieur à 5% de l’énergie totale et inférieur à 1% pour l’acide α-linolénique (précurseur de synthèse de l’EPA et DHA).
Que faudrait-il consommer ?
J’ai beaucoup évoqué les nutriments mais nous ne consommons pas de nutriments mais des aliments.
Il ne faut pas se focaliser sur une limitation de l’apport total en graisses. Au lieu de cela, il faut plutôt augmenter la consommation d’aliments peu transformés et riches en graisses insaturées comme les fruits à coque, les graines, les huiles végétales (colza, lin, noix, soja) et occasionnellement des poissons gras (saumon, sardine, maquereau, foie de morue, hareng…) pour les oméga-3. L’idée est de varie les sources végétales et animales d’oméga-3.
Il faut réduire la consommation de viandes transformées et de biscuits sucrés et salés, de barres chocolatées, de pâtisseries et viennoiseries, des produits frits ou panés qui contribuent à des apports excessifs en graisses saturées.
Les acides gras trans sont identifiables sur les étiquettes par « huiles ou graisses partiellement hydrogénées ».
Les cuissons en papillotes, à l’étuvée, à la vapeur ou au grill sont sans matières grasses. Les sauces et la mayonnaise sont souvent riches en matières grasses saturées.
Dans cet article, j’ai uniquement traité des aspects nutriments, mais il est intéressant de regarder ce qu’il se passe pour les régimes faibles ou riches en matières grasses.
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Sources :
Les sources sont accessibles en cliquant sur le nom de l’auteur dans les paragraphes précédents.
Brouwer, IA. Effect of trans-fatty acid intake on blood lipids and lipoproteins: a systematic review and meta-regression analysis. Geneva: World Health Organization; 2016.
Hooper L, Martin N, Abdelhamid A, Davey Smith G. Reduction in saturated fat intake for cardiovascular disease. Cochrane Database Syst Rev. 2015;(6):CD011737. Published 2015 Jun 10. doi:10.1002/14651858.CD011737
Wang DD, Li Y, Chiuve SE, et al. Association of Specific Dietary Fats With Total and Cause-Specific Mortality. JAMA Intern Med. 2016;176(8):1134–1145. doi:10.1001/jamainternmed.2016.2417