Bioluminescence dans les océans et les baies : quelles origines et quel intérêt dans la nature ?
En se baladant la nuit le long de la plage, il est possible d’apercevoir des lumières brillantes dans l’eau (en effet la photo n’est pas passée par Photoshop au fluo !). C’est la bioluminescence. De nombreux organismes marins et microbes peuvent produire leur propre lumière. Sur terre, les lucioles sont les insectes les plus connus pour produire de la lumière mais certains champignons et bactéries peuvent également en produire.
Les mers ou baies bioluminescentes sont dues au phytoplancton bioluminescent tel que Noctiluca scintillans. Ce phénomène en anglais est appelé « Red Tide ». On peut l’observer aux Maldives à l’Île de Mudhdhoo, dans la Mosquito Bay de Porto Rico, à Navarre Beach en Floride, dans la baie de Toyama au Japon
Différences entre bioluminescence, phosphorescence et fluorescence
La luminescence est l’émission de lumière sans chaleur.
La bioluminescence est l’émission de lumière par des organismes vivants suite une réaction chimique qui convertit l’énergie chimique en lumière visible.
En physique, l’état fondamental (initial) d’un atome, ou d’une entité moléculaire, correspondant à son niveau d’énergie le plus bas. L’excitation est tout phénomène qui sort un système/atome de son état de repos pour l’amener à un état d’énergie supérieure. Le système est alors dans un état excité. Ensuite l’atome se désexcite en libérant de l’énergie sous la forme d’un photon ou des rayons X.
La fluorescence et la phosphorescence sont des phénomènes d’émission de lumière consécutifs à une absorption de lumière. Les molécules fluorescences ne produisent pas de lumière, elles absorbent des photons ce qui excite temporairement leurs électrons à un état d’énergie élevé (état excité). Ensuite, ces molécules retournent à un état fondamental (non excité) en relarguant de la lumière (phénomène de relaxation). Pour la fluorescence, les phénomènes d’excitation et de relaxation sont simultanés quasiment (picosecondes ou microsecondes) à la différence de la phosphorescence qui perdure plus longtemps.
La phosphorescence est une émission de lumière par une substance éclairée qui perdure pendant un moment après émission de lumière UV. Elle est visible plus longtemps après l’interruption de l’illumination parce qu’elle passe par un état excité intermédiaire.
Quels mécanismes biologiques de production de lumière ?
La réaction chimique de bioluminescence est contrôlée par une enzyme la luciférase ou une photoprotéine. Les photoprotéines changent de conformation en se liant à des ions ou des cofacteurs comme le Ca2+ ou le Mg2+ (biocatalyseurs).
Toutes les réactions de bioluminescences impliquent une réaction d’oxydation catalysée par la luciférase entre le dioxygène et la luciférine (le substrat) pour donner une molécule oxydée appelée oxylucéférine.
En formant le complexe luciférine-luciférase, la luciférine passe à un état excité. En revenant à son état fondamental (initial), la luciférine émet un photon, d’où le flash lumineux.
Diversité de système luciférine-luciphérase
Il existe de nombreux types de luciférine liés à une luciphérase particulière.
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La bioluminescence des bactéries passe par une flavine mononucléotide réduite FMNH2 (luciférine bactérienne) avec un aldéhyde à longue chaine en co-facteur et l’oxygène. La luciférase catalyse l’oxydation du FMNH2 et de l’aldéhyde en acide gras. Le complexe enzyme-(4a-hydroxyflavine) émet de la lumière. Les bactéries fluorescentes sont également retrouvées en symbiote avec des animaux marins abyssaux.
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Les dynophytes (ou les dynoflagellés) sont des micro-algues aquatiques. Elles ont une luciférine en structure de tétrapyrrole linéaire (une structure chimique semblable à la chlorophylle).
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Chez les insectes (souvent des scarabées, des vers ou les lucioles), la luciférine est un benzothiazoyl-thiazole. Ce composé réagit avec l’adénylate et l’ATP en présence de Mg2+ et donne un intermédiaire le dioxétanone. La rupture de la dioxétanone libère de l’énergie qui fait passer l’oxyluciférine à l’Etat excité.
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Chez les cnidaires (comme les méduses Aequorea victoria et Renilla reniformis), la luciférine est la coelentérazine. La méduse Aequorea victoria a l’aequorine, un intermédiaire réactionnel stable protéique qui émet de la lumière. Le calcium intervient dans l’oxydation de la coelentérazine via un intermédiaire dioxétanone qui déclenche un flash de lumière à une longueur d’onde de 469nm (bleu). L’aequorine a été découverte en 1962 par Shimomura et est une luciférase qui peut émettre de la lumière suite à une réaction lumineuse. A ne pas confondre avec la Green Fluorescent Protein (GFP) également présente sur Aequora.
Chez d’autres organismes, il existe d’autres photoprotéines : l’obéline (Obelia longissima et Obelia geniculata), la mitrocomine (Mitrocoma cellularia) et la clytine (Clytia gregaria).
A quoi sert la bioluminescence dans le monde animal ?
La vision dans les abysses
Dans la mer, l’intensité lumineuse chute d’un facteur 10 tous les 75 mètres. Vers 800m, l’œil humain ne peut plus distinguer la lumière solaire.
L’atténuation de la lumière sous l’eau est essentiellement due à l’absorption. Les rayons solaires (longueur d’onde) rouge et jaune sont rapidement absorbées. En moyenne, 1% de l’énergie lumineuse de surface parvient à 40 ou 50 mètres de profondeur.
La zone euphotique est la couche supérieure de l’océan encore éclairée. Dans les eaux tropicales, cette zone s’étend jusque 80m. En-dessous se trouve la zone dysphotique où les rayons bleus pénètrent encore. La zone aphotique est une zone sans lumière en-dessous de 800m.
Les organismes abyssaux ont un système visuel adapté à la détection des faibles longueurs d’onde bleues-vertes.
La défense
La production de lumière peut permettre d’éblouir ou de distraire des prédateurs et permettre de s’enfuir.
Octopoteuthis deletron, un calmar abyssal peut rompre un de ses bras qui devient luminescent et permet de détourner l’attention du prédateur pour s’enfuir. C’est un mécanisme similaire aux lézards qui peuvent amputer leur queue quand elle est prise par un prédateur.
La crevette Acanthephyra purpurea peut lâcher un nuage de fumée lumineux pour éblouir ses prédateurs. L’ostracode, un crustacé quand il est avalé peut rejeter un jet de lumière. Le ver bombardier Swima bombiviridis peut également libérer des jets de lumières.

La méduse Atolla Wyvillei peut s’illuminer pour attirer l’attention des prédateurs de son prédateur.
La contre-illumination, le camouflage
Certains requins (des familles Dalatiidae et Etmopteridae) présentent des photophores sur la zone ventrale qui émettent de la lumière et permettent d’imiter la lumière du jour qui vient de la surface. Cela permet de se camoufler (Claes 2014).
L’attaque, attirer sa proie
Le céphalopode Taningia Danae peut éblouir sa proie avec ses tentacules afin de le rendre confus (Kubodera 2007).
Le poisson dragon Malacosterus peut illuminer ses proies en rouge sans être vu puisque la plupart des organismes abyssaux ne voient que la lumière bleue.
La baudroie des abysses a une lanterne lumineuse qui attire les petits poissons qui sont ensuite mangés.
Communication et reproduction
Les lucioles (lampyridae) utilisent la bioluminescence pour communiquer et s’accoupler. Les femelles qui ne volent pas montent le long d’une tige et émettent des signaux lumineux pour se faire remarquer par le mâle. Le mâle en vol identifie le signal et se pose pour s’accoupler.
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Sources:
Haddock et al. Bioluminescence in the sea. Ann Rev Mar Sci. 2010;2:443-93
Woods et al. Energy and predation costs of firefly courtship signals. Am Nat. 2007 Nov;170(5):702-8
National Ocean Service – How far does light travel in the ocean? https://oceanservice.noaa.gov/facts/light_travel.html
Kubodera et al. Observations of wild hunting behaviour and bioluminescence of a large deep-sea, eight-armed squid. Proc. R. Soc. B (2007) 274, 1029–1034 doi:10.1098/rspb.2006.023
Claes et al. Iso-luminance counterillumination drove bioluminescent shark radiation. Scientific Reports volume 4, Article number: 4328 (2014)
Stephanie L. Bush. Economy of arm autotomy in the mesopelagic squid Octopoteuthis deletron. MARINE ECOLOGY PROGRESS SERIES. Vol. 458: 133–140, 2012 https://www.int-res.com/articles/meps2012/458/m458p133.pdf
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