Les lendemains de soirées : prévenir de la gueule de bois
Fêter le nouvel an, les anniversaires et les sorties sont de nombreuses occasions pour boire un ou plusieurs verres d’alcool. Bière, vin, champagne, rhum, whisky, vodka, rhum, pastis, prémix, toutes ces boissons ont en commun de contenir de l’alcool également appelé éthanol. Une consommation excessive d’alcool peut donner des nausées, des maux de ventre et de tête… et la fameuse gueule de bois, bref les cauchemars des lendemains de soirées.
Les verres servis dans les bars ou les boites de nuit contiennent en moyenne 10g d’alcool quelque soit la boisson alcoolisée (volume standardisé). L’alcool est une molécule psychoactive qui altère le fonctionnement du cerveau et modifie le comportement, la perception et la conscience. Chacun réagit différemment selon l’état de santé, émotionnel, la quantité d’alcool ingérée, la vitesse de consommation… A faible dose, l’alcool provoque de l’euphorie, une sentiment de détente. Puis quand on augmente la consommation, il altère le jugement et le comportement, on entre en état d’ivresse. A dose très excessive, l’alcool engendre des nausées, des vomissements voire un black out ou un coma éthylique.

La gueule de bois est due à une intoxication aiguë à l’alcool et caractérisée par des effets physiques et mentaux qui apparaissent quelques heures (6-8h) après la consommation : maux de tête, baisse de l’attention, de la concentration, somnolence, anxiété, soif, déshydratation, perte de l’appétit voire vomissement, diarrhée, maux d’estomac, tachycardie, palpitations. Il n’y a pas de consensus scientifique pour définir précisément la gueule de bois.
Où passe l’alcool dans notre organisme ?
L’alcool est métabolisé en 2 réactions chimiques par le foie :
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Alcool (éthanol) est transformé en acétaldéhyde (éthanal) par l’alcool déshydrogénase. A forte dose, l’acétaldéhyde (très toxique= peut produire de la tachycardie, des rougeurs au visage, des nausées.
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l’éthanal est transformé en molécule inoffensive : l’acétate ou acide acétique (éthanoate). L’acétate est ensuite éliminé sous forme de CO2 et d’eau (cycle de krebs).
Une mince partie de l’alcool est éliminée par la respiration et l’air expiré et la sueur (10% seulement).
L’alcool est éliminé plus ou moins rapidement selon la personne, cela dépend notamment de la quantité d’enzymes dans le foie. L’élimination se fait au rythme d’environ 0,15 g/L/h en cas de concentration supérieure à 0,50 g/L. La teneur en éthanol dans le sang est maximale au bout de 45 min si la personne est à jeun. L’alcoolémie commence à baisser 1 h après le dernier verre et il faut compter environ 1 h30 pour éliminer chaque verre d’alcool.
L’alcool peut donner l’impression de se réchauffer (à tort !) parce qu’il provoque la dilatation des vaisseaux sanguins périphériques cutanés ce qui revient à déplacer la chaleur interne du corps vers l’extérieur, soit une perte de chaleur, d’où le réchauffement cutané.
D’où vient la gueule de bois ?
Une première origine de la gueule de bois serait l’accumulation d’acétaldéhyde dans le corps.
Une autre hypothèse est la mise en cause directe de l’alcool. La prise d’alcool déséquilibre les échanges d’ions, ce qui provoque une déshydratation et la sensation de soif, des effets diurétiques (stimule la production d’urine) en déréglant les hormones anti-diurétiques. L’alcool provoque aussi la production de cytokines inflammatoires (IL-10, IL-12 et IFN-gamma, thromboxane B2) qui sont corrélées à des troubles de mémoire. Un autre effet direct de l’éthanol est la stimulation d’insuline ce qui provoque une baisse de la glycémie.
Une dernière cause possible de la gueule de bois sont les autres composés dans les boissons alcoolisées qui sont formés lors de la fermentation alcoolique ou la maturation : méthanol, acétone, esters, tannins, furfural… Le méthanol est un composé très proche chimique de l’éthanol (simplement un atome de carbone en moins) mais sa transformation chimique dans l’organise donne du formaldéhyde et de l’acide formique qui sont extrêmement toxiques.
Éviter la gueule de bois
Une méta-analyse d’études sur les moyens de prévention et traitements médicamenteux contre l’alcool a évalué 8 essais contrôlés randomisés en double aveugle et a conclu que le seul moyen de traiter la gueule de bois est l’abstinence ou la consommation modérée et raisonnable (Pittler et al. 2005).
Une étude néerlandaise (Lantman 2017 et al.) avec 578 étudiants à l’université d’Utrecht a constaté que la durée du sommeil est associée significativement avec la sévérité des symptômes de la gueule de bois (=0.178, p=0.0001), sa durée, (r=0.168, p=0.0001) et la consommation totale d’alcool et la concentration d’alcool dans le sang (r=0.117, p=0.005). La durée de sommeil était fortement associée à la fatigue et la somnolence et la perte d’appétit. Les petits dormeurs (moins de 7h) avaient plus de symptômes sévères (p=0.001). Une des limitations de cette étude est qu’elle se base sur un design transversal rétrospectif.
Certains traitements (inhibiteur de prostaglantine, réhydratation, vitamine B6) ont été testés pour diminuer la sévérité des gueules de bois. Mais leur efficacité n’a pas été prouvée.
Quelques conseils
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bien s’hydrater et se réhydrater avec de l’eau, des tisanes ou soupes ou fruits riches en eau
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éviter de consommer de l’alcool à jeun (prendre des glucides avant, avec des pâtes ou ru riz, cela ralentira l’absorption de l’alcool)
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les boissons gazeuses accélèrent l’absorption de l’alcool (NHS)
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bien dormir
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alterner un verre d’alcool et d’eau
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éviter les mélanges d’alcool et surtout avec des substances psychotropes et attention aux effets avec les médicaments
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en cas de gueule de bois : les bouillons à base de légumes peuvent être faciles à digérer et ils sont une source d’eau et d’éléments minéraux (éviter ceux trop salés)
Alcool et santé
Pour mémoire, un verre de bière (250-300 ml), un verre de vin (150 ml) et une unité de spiritueux (30-50 ml) contiennent une quantité voisine d’alcool de 10 g d’éthanol dans les boites et les bars. Pour les femmes enceintes ou allaitantes, l’alcool est formellement déconseillé.
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Ne pas consommer plus de 3 verres de boisson alcoolisée par jour lorsqu’on est un homme, 2 verres lorsqu’on est une femme
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Réserver un jour par semaine sans alcool
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Ne jamais dépasser 4 verres par occasion
5,9% des décès dans le monde sont attribuables à l’alcool, soit 3,3 millions de morts. D’après l’INPES/Santé Publique France, le risque de cancer du sein augmente de 10% dès 10g de consommation quotidienne d’éthanol. L’Institut National contre le Cancer (INCa) déconseille la consommation d’alcool tout court : il n’y a pas d’effet seuil selon eux pour la toxicité. Pour l’OMS, l’alcool est classé comme une molécule cancérigène avérée depuis 1988 liée aux cancers de la bouche, la gorge, l’œsophage, colorectal et du sein et d’autres maladies chroniques comme la cirrhose, l’hypertension, des troubles du système nerveux et psychiques.
Dans une étude récente dans la revue Nature en 2018 (Garaycoechea et al. 2018), des chercheurs de Cambridge ont donné de l’alcool à des souris. Ils ont ensuite constaté que l’acétaldéhyde (sous-produit de la dégradation de l’alcool) provoque des dommages à l’ADN dans les cellules souches sanguines et donc des altérations permanentes de l’ADN. Des souris avec l’enzyme ALDH (Alcool Déshydrogénase) mutée avaient 4 fois plus de dégâts dans leur génome, ce qui augmente fortement leur risque de cancer.
A noter qu’une consommation excessive d’alcool peut engendre d’autres dangers comme la violence, les relations sexuelles non consenties ou non protégées, l’échec scolaire, la dépendance etc… Une dernière chose importante, personne n’est obligé de boire.
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Source :
Max H. Pittler et al. Interventions for preventing or treating alcohol hangover: systematic review of randomised controlled trials. BMJ 2005;331:1515 http://www.bmj.com/content/331/7531/1515
Marith van Schrojenstein Lantman et al. Total sleep time, alcohol consumption, and the duration and severity of alcohol hangover. Nat Sci Sleep. 2017; 9: 181–186 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5499928/
Wiese JG et al. The alcohol hangover. Ann Intern Med. 2000;132(11):897-902
Juan I. Garaycoechea, Gerry P. Crossan, Frédéric Langevin, Lee Mulderrig, Sandra Louzada, Fentang Yang, Guillaume Guilbaud, Naomi Park, Sophie Roerink, Serena Nik-Zainal, Michael R. Stratton, Ketan J. Patel. Alcohol and endogenous aldehydes damage chromosomes and mutate stem cells. Nature, 2018
Gemma Prat et al. Alcohol hangover: a critical review of explanatory factors. Hum Psychopharmacol. 2009 Jun;24(4):259-67
Santé publique France, Institut national du cancer. Avis d’experts relatif à l’évolution du discours public en matière de consommation d’alcool en France. Saint-Maurice : Santé publique France, 2017. 149 p.
https://www.nhs.uk/Livewell/alcohol/Pages/Hangovers.aspx