Formation des flocons de neige : comment en faire à la maison et les observer au microscope ?
Les paysages enneigés ont toujours un côté féérique. Si on zoom sur un flocon de neige, on peut constater une diversité remarquable de la forme des flocons de neige. Comment se forme un flocon de neige ? Quelle différence entre la glace et un flocon de neige ?
La différence entre la glace et les flocons de neige ?

La glace est un état solide de l’eau qui survient lors de la congélation de celle-ci à zéro degré et à pression atmosphérique classique. La glace prend la forme de son contenant et apparaît opaque à l’œil nu.
Un flocon de neige se forme à partir de vapeur d’eau (et non d’eau liquide). Flocon de neige est un terme météorologique utilisé pour décrire différents types de précipitations hivernales, allant de cristaux de neige individuels à des agrégats. La forme hexagonale et la symétrie des cristaux vient du réseau cristallin hexagonal dont la stabilité est assurée par des liaisons Hydrogène. Le manteau neigeux est un matériau poreux composé d’air et de cristaux de glace.
Le physicien Ukichiro Nakaya a effectué la première étude approfondie en laboratoire de la croissance des cristaux de neige dans les années 1930 selon différentes conditions météorologiques.
Il a créé un diagramme de morphologie des flocons de neige qui dépend de la température atmosphérique et de sursaturation de l’air en eau. Il a recensé 7 catégories de cristaux de neige : plaquettes, étoiles, colonnes, aiguilles, dendrites, colonnes à capuchon et cristaux irréguliers.
A des températures proches de -2˚C, la croissance est en forme de plaque, avec des plaques épaisses aux sursaturations inférieures, des plaques plus minces à les sursaturations des structures dendritiques à des sursaturations élevées. Les plaquettes hexagonales se forment par condensation progressive de vapeur d’eau autour d’un germe de glace et dans son plan. Pour les températures entre -5˚C et -10°C, les flocons prennent une forme d’aiguille à sursaturation élevée ou en forme de colonne. Quand la température atmosphérique est autour de −15˚C, la croissance redevient en forme de plaque, et à nouveau on voit une structure avec des dendrites (les branches des flocons) avec une sursaturation croissante. Il existe aussi des flocons avec une forme mixte (non descriptible) puisque les flocons de neige peuvent traverser plusieurs conditions météorologiques.

Mes photographies de flocon de neige au microscope
Il y a quelques années, j’ai réalisé un travail d’observation de la forme de flocons de neige au microscope avec mes amis Elise, Antoine et Anne-Lise. Je vous partage quelques photos personnelles de neige fraîche.


Comment se forme un flocon de neige dans l’atmosphère ?
Les nuages sont composés de micro-gouttelettes d’eau liquide et solide en suspension, qui résultent de la condensation de la vapeur d’eau. Pour obtenir des précipitations de neige, il faut que les nuages contiennent des cristaux de glace. Les premiers cristaux de glace se forment à partir de noyaux de congélation (ou noyaux de nucléation). Ce sont par exemple de minuscules particules d’argile, du sel marin, des aérosols H2SO4, HSO4NH ou des cendres ou du sable en suspension dans l’atmosphère. Ces noyaux vont amorcer la solidification de gouttelettes d’eau en surfusion.

La surfusion correspond à un état de la matière : l’eau est en phase liquide alors que sa température est plus basse que son point de solidification (c’est de l’eau liquide avec une température inférieure à 0°C). C’est un état dit métastable, c’est-à-dire qu’une petite perturbation peut suffire pour déclencher abruptement le changement vers la phase solide.

La croissance du flocon de neige va se faire par déposition de cette vapeur d’eau, par adsorption de gaz (par effet Bergeron). Quand le flocon va grossir, il va tomber sous l’effet de la gravité. Des expériences en laboratoire ont identifié que des champs électriques peuvent favoriser la croissance sous forme de dendrites (ramifications des flocons de neige). La croissance des cristaux de neige dépend d’un équilibre entre la formation de facettes et la ramification. Les facettes ont tendance à créer des surfaces plates simples, tandis que les ramifications ont tendance à créer des structures plus complexes étoilées.
La formation de branche s’effectue par une croissance différentielle. L’incorporation de la vapeur d’eau se fait par diffusion, qui dépend de la distance entre le cristal de glace et la molécule d’eau. Si on a une bosse dans le cristal, certaines molécules d’eau seront plus proches de cette bosse que de la base. Cette bosse croitra plus vite et formera une branche.

La forme finale du flocon de neige dépend du temps de séjour dans le nuage, de la température atmosphérique, la pression atmosphérique et le taux de sursaturation par rapport à la glace. Si les conditions de T° et d’humidité sont constantes, le cristal croit uniformément. La neige apparaît blanche à cause de réflexions partielles de la lumière incidente.
Comment créer des flocons de neige chez soi ?
Je vais vous proposer une méthode inspirée de Suwa et al. 2001 publiée dans Physics Education. Il vous faut :
- une plaque acrylique
- un mélange réfrigérant formé de sel et de glace pilée en ratio 3:7 (3 unités de sel pour 7 de glace)
- un pot en styrène ou autre tasse
L’expérience décrite par Suwa était conduite à température ambiante. Une boite en styrène était entourée de glaçons et fermée avec une ouverture par une boite de pétri pour voir à travers. Une tasse contient le mélange de glace pilée et sel. L’humidité idéale et 60%. Une fois le mélange fait, on place la plaque acrylique sur la tasse.
La vapeur d’eau dans l’air emprisonné dans la boîte en plastique cristallisé sur la surface de l’acrylique plaque et a fait un cristal de 1 à 2 mm de taille en 20 minutes. Personnellement j’avais réadapté le dispositif en utilisant un mélange eau, glace et sel et j’ai placé le dispositif dans le congélateur pour être sûr d’être à -20°C.

Voici un exemple de ce que j’ai obtenu (ça ne marche pas à 100%) :

Analyse de la forme des flocons pour évaluer les risques d’avalanche
Il existe un certain nombre de techniques pour mesurer in situ les propriétés d’un manteau neigeux et les intégrer dans une estimation d’un risque d’avalanche. Les départs spontanés d’avalanches ont pour origine une cause naturelle, sans intervention humaine, directement liée aux conditions météorologiques et à l’état du manteau neigeux.
Dans la neige fraîche, les cristaux sont enchevêtrés les uns dans les autres, ce qui permet au manteau de tenir sur des pentes assez raides : c’est la cohésion de feutrage. Il n’y a pas encore d’eau entre les cristaux pour alourdir la neige. Mais cet équilibre est instable : la moindre perturbation ou tout simplement l’alourdissement par la neige qui continue de tomber suffit à déclencher le glissement qui donne lieu à des avalanches de poudreuse, les plus dangereuses et les plus fréquentes (80% des avalanches environ). Elles peuvent atteindre jusqu’à 300 km/h et acquièrent une énergie considérable.
Au bout d’un certain temps, les flocons subissent un métamorphisme isotherme (changement de forme). Les aiguilles, les plaquettes ou les étoiles de neige et les cristaux brisés deviennent de fins grains à peu près sphériques d’un diamètre assez uniforme (0.5 à 1 mm). Il s’ensuit un tassement spontané de la couche sous l’effet de son propre poids, ce qui entraîne la disparition de la cohésion de feutrage. Des ponts de glace apparaissent entre les grains, les liant en structure cohérente : c’est le frittage. Ce phénomène redonne une cohésion à la neige, qui devient une masse beaucoup plus compacte et rigide : des plaques de glace. Il existe des avalanches de plaques qui ont une vitesse modérée, de 100 km/h environ.

Pour finir, quelques fun facts sur la neige :
Le Professeur Libbrecht écrit qu’environ un million de milliards de flocons de neige tombent chaque seconde, en moyenne sur une année typique. C’est assez de neige pour faire un bonhomme de neige pour chaque personne sur terre toutes les dix minutes
Une bonne partie de la population mondiale n’a jamais vu de chutes de neige :

Environ 98% de l’eau de la Terre se trouve dans les océans, laissant 2% sous forme d’eau douce. Environ 90% de cette eau douce est gelée en permanence, principalement enfermée dans les calottes glaciaires de l’Antarctique et du Groenland.
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Sources :
Kenneth G Libbrecht. The physics of snow crystals. Rep. Prog. Phy. 68 (2005) 855-895
Suwa, Y., Myint, H. H., Kurniawan, H., Ito, F., & Kagawa, K. (2001). A new method for producing artificial snow crystals using a mixture of salt and ice. Physics Education, 36(4), 293–298. doi:10.1088/0031-9120/36/4/302
Ivan Dubé, « De mm à cm…Etude des rapports neige/eau liquide au Québec », Note technique SMC région du Québec, p.14-27 consultées ; datant de Mars 2003.
Kenneth Libbrecht, « La formation des cristaux de neige »
Ravarini Pierre (ingénieur chimiste, hydrologue), « La neige » http://pravarini.free.fr/neige.htm
CNRM, « Images de cristaux et grains de neige » http://www.cnrm-game.fr/spip.php?rubrique222
Choji Magono, Chung Woo Lee, « Meteorological Classification of Natural Snow Crystals », 1966
Christophe Ancey, « Guide Neige et Avalanche. Connaissances, Pratiques & Sécurité»
Météo France, « La neige et ses transformations » http://comprendre.meteofrance.com/pedagogique/dossiers/phenomenes/la_neige?page_id=16416
Bonjour,
Je viens de voir votre article. La partie sur les avalanches est très approximative et en partie erronée. La forme des flocons ne sert en rien pour évaluer le risque d’avalanche, les plaques des avalanches ne sont pas de glace, et peuvent aussi être constituée de neige poudreuse en cohésion de feutrage. Un manteau neigeux sous cohésion de feutrage n’est pas forcément instable, ça dépend de la présence ou pas d’une couche dite fragile dans le manteau… Certains avalanches de plaque peuvent être des aérosols. La vitesse des plaques est généralement bien plus faible que 100 km/h…
Plus d’infos ici, par exemple : http://gblanc.fr/spip.php?article574 (et dans les références citées).
Bien cordialement,
Guillaume Blanc