Une consommation élevée de viande rouge associée à des dommages à l’ADN chez des patients atteints de cancer colorectal

Une étude dans le journal Cancer Discovery a constaté qu’une consommation élevée de viande rouge était associée à plus de dommages sur l’ADN et un risque accru de mortalité suite au cancer colorectal. Le poulet ou le poisson n’étaient pas associés à ces dégâts  à l’ADN. L’association entre la consommation de viande rouge et transformée et le cancer colorectal était connue depuis 2015 lorsque le Centre International de Recherche contre le Cancer avait déclaré la viande rouge comme « probablement cancérigène » (groupe 2A, niveau de preuve limité). La viande contient du fer héminique qui pourrait favoriser la formation de composés N-nitrosés, qui peuvent provoquer des dégâts à l’ADN. Voici divers mécanismes biologiques suspectés être impliqués dans la survenue du cancer colorectal :

viande rouge transformée mécanisme cancer biologique pathways

Cancers et mutations somatiques

Tous les cancers sont causés par des mutations somatiques. Cependant, la compréhension des processus biologiques générant ces mutations est limitée. Les gènes (portions d’ADN) contiennent des instruction pour fabriquer des protéines. L’ADN est le support de l’information génétique. L’ADN est contenu dans le noyau de toutes nos cellules. Une mutation est une modification ponctuelle et accidentelle de la séquence nucléotidique de l’ADN.

Exemple de dommages à l’ADN. Source : https://www.nature.com/articles/s41467-018-05228-y.pdf

Les mutations somatiques ne sont pas transmises à la descendance alors que les mutations germinales (sur les ovules ou les spermatozoïdes) sont transmises. Les mutations génétiques sont des altérations des gènes qui surviennent tout le temps dans nos cellules et de manière naturelle. Ces mutations sont la conséquence de multiples processus mutationnels, dont la légère infidélité de la machinerie de réplication de l’ADN, les expositions mutagènes exogènes (exemple : rayons UV) ou endogènes, la modification enzymatique de l’ADN et la réparation défectueuse de l’ADN. Cela induit des combinaisons uniques de mutations, appelés signatures mutationnelles.

Seulement 5-10% des cancers sont héréditaires.

L’étude sur les signatures mutationnelles associées au cancer

Pour évaluer les changements génétiques associés à la consommation de viande rouge, les chercheurs ont séquencé l’ADN de 900 participants atteints de cancer colorectal (qui avait participé à 3 cohortes américaines) ou non atteints de cancer. Ils ont mis en relation ces données génétiques sur les mutations avec les données de consommation alimentaire et sur le mode de vie (récoltées antérieurement avant que ces personnes aient un cancer et donc sans qu’elles puissent savoir leur futur diagnostic de cancer colorectal, le cas échéant).

L’analyse des données de séquençage de l’ADN a révélé la présence de plusieurs signatures mutationnelles dans les tissus du côlon normaux et cancéreux, y compris une signature indiquant une alkylation, une forme de dommages à l’ADN. Une alkylation est un réaction chimique qui consiste à transférer un groupe alkyl composé de carbone et d’hydrogènes (exemple : méthyle CH3)

L’alkylation était associée à une consommation de viande rouge et viande transformée (avant le diagnostique du cancer colorectal) mais pas à la consommation de volaille ou de poisson. La p-value<0.05 indique une différence significative entre la consommation élevée vs faible de viande, poulet ou poisson.

À l’aide d’un modèle prédictif, les chercheurs ont identifié les gènes KRAS et PIK3CA comme cibles potentielles de la mutation induite par l’alkylation. Les tumeurs avec les mutations KRASp.G12D, KRASP .G13D ou PIK3CA p.E545K (en rouge dans le graphique ci-dessous) contenait plus de signatures alkylantes par rapport aux tumeurs sans ces mutations.

Cette signature mutationnelle était associée à la survie des patients :  les patients avec plus de dommages liés à l’alkylation (Quartile Q4 en bleu) présentaient un risque de décès lié au cancer colorectal 47% plus élevé que les patients avec moins d’alkylation (Quartile Q4 en rouge). On voit ci-desous que la survie diminue en cas d’alkylation plus importante. Après prise en compte du mode de vie (modélisation multivariée de Cox), les résultats restaient similaires.

Ces résultats suggèrent que la consommation de viande rouge peut provoquer des dommages alkylants qui conduisent à des mutations cancérigènes dans KRAS et PIK3CA, favorisant ainsi le développement du cancer colorectal. Nos données soutiennent en outre la consommation de viande rouge en tant que facteur de risque de cancer colorectal et offrent également des opportunités de prévention, de détection et de traitement de cette maladie

Une limite de l’étude est le biais de sélection potentiel des participants à l’étude, car les échantillons de tissus n’ont pas pu être récupérés de tous les cas incidents de cancer colorectal dans les études de cohorte.

En 2017, le Haut Conseil de Santé Publique (HCSP) a révisé les repères alimentaires pour les adultes. Il conseille désormais de limiter la consommation de viande rouge (bœuf, porc, veau, mouton, chèvre, cheval, sangler, biche) en ne dépassant pas 500 g par semaine, et de privilégier la consommation de volaille. Pour la charcuterie, il est conseillé de limiter la consommation à moins de 150 g par semaine (au sein de ce groupe d’aliments, privilégier le jambon blanc).

En 2015, 72% de la population consommait moins de 500g de viande rouge par semaine (vs 63,8% en 2005), d’après le HCSP.

Source : https://cancerdiscovery.aacrjournals.org/content/candisc/early/2021/06/11/2159-8290.CD-20-1656.full.pdf

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