Le régime nordique (riche en fibres) associé à une plus grande diversité du microbiote
Une étude finlandaise (FINRISK 2002) publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition a évalué les associations entre les choix alimentaires sains et la composition du microbiote intestinal humain. L’adhérence au régime nordique (mesuré avec un score Healthy Food Choice HFC) était associée à une plus grande biodiversité du microbiote intestinal.
Le régime nordique
Dans ce régime (Finnish Food Authority), la moitié de l’assiette se compose de légumes, légumineuses, fruits et baies. Cela correspond à 500g par jour de légumes, fruits, baies et champignons (5-6 portions). Une portion signifie un fruit de taille moyenne, 100 ml de baies ou 150 ml de salades ou de légumes. L’autorité finlandaise recommande de consommer des aliments fruits/légumes crus et cuits. Les légumes, les baies et les fruits contiennent beaucoup de fibres, de vitamines et de minéraux ainsi que d’autres composés utiles. Les légumineuses, ou haricots, lentilles et pois, contiennent des quantités relativement élevées de protéines et constituent une bonne source de protéines dans l’alimentation des végétariens et des non-végétariens
Environ un quart de l’assiette doit être remplie de féculents. Vous pouvez remplacer la pomme de terre par du riz, des pâtes ou d’autres produits céréaliers (préférence produits complets). Environ un quart de l’assiette est réservée à un plat de poisson, de viande ou d’œuf, que vous pouvez remplacer par un plat végétarien contenant des légumineuses, des noix ou des graines
Buvez du lait (à <1% de matière grasse) ou de l’eau avec votre repas (une des différences avec le PNNS français où on recommande uniquement de l’eau). Il faut éviter de consommer régulièrement des boissons sucrées, car elles sont associées à l’obésité et au risque de développer un diabète de type 2 et des problèmes de santé dentaire. Une tranche de pain complet avec une fine couche de matière grasse végétale fait également partie du repas. Le repas est complété par un dessert de baies ou de fruits
Dans le modèle d’assiette pour les végétaliens, un tiers de l’assiette est remplie de produits végétaux contenant des protéines, par exemple des céréales à grains entiers et des légumineuses, y compris des haricots, des pois ou du soja sous différentes formes. Le deuxième tiers doit être rempli d’autres légumes, dont certains doivent être crus et d’autres cuits. Le dernier tiers fournit des glucides supplémentaires, par exemple des pâtes ou un plat d’accompagnement de céréales, par exemple de l’orge.

Qu’est-ce que le microbiote ?
Le microbiote intestinal se compose d’un ensemble de micro-organismes commensaux : bactéries, d’archées, de virus et de champignons. Le microbiote se localise entre la lumière du tube digestif et le mucus présent à la surface de l’épithélium intestinal, il est présent tout au long du tube digestif mais sa concentration est maximale au niveau de l’intestin grêle et du côlon. Le microbiote intestinal a diverses fonctions bénéfiques pour la santé, notamment la maturation immunitaire et l’homéostasie, la biosynthèse des vitamines, la biotransformation des xénobiotiques en métabolites et la production d’acides gras à courte chaîne (par fermentation). Les acides gras à courtes chaînes ont été largement étudiés, car il a été démontré qu’ils offraient de nombreux avantages pour la santé. Plusieurs maladies passant par des mécanismes inflammatoires ont été associées à des dysbioses, des altération qualitative et fonctionnelle de la flore intestinale.

Étant donné que différents microbes ont des environnements optimaux différents pour croître et survivre, les choix alimentaires peuvent avoir une grande influence sur la composition et la fonction de notre microbiote intestinal. Il a été démontré qu’un apport élevé en fibres et la substitution des acides gras saturés par des acides gras polyinsaturés sont des facteurs de protection (Park 2005, Micha 2010, Soliman 2019). Une alimentation riche en ces facteurs a été largement recommandée par les autorités sanitaires.
L’étude finlandaise
L’étude se basait sur 4 930 individus avec des données complètes avec un âge moyen de 48 ans (53% de femmes et un indice de masse corporel (IMC) moyen de 26,9 kg/m²). Les consommations alimentaires ont été évaluées par un questionnaire fréquentiel (combien de fois par jour/semaine/mois consommez-vous d’un aliment ?). Les réponses ont été recodées en score de choix d’aliments sains (HFC Healthy Food Choice) suivant les recommandations alimentaires nordiques. L’identification des bactéries s’est faite à partir de selles récoltées chez les participants, qui ont ensuite été analysées par séquençage du génome entier (whole genome sequencing). La diversité microbienne est estimée avec alpha (biodiversité intra-échantillon = nombre d’espèces qui co-existent dans un milieu donné) et la diversité β, qui correspond à la différence de diversité des espèces entre plusieurs milieux (biodiversité inter échantillon).

Le score d’adhérence à un régime sain nordique augmentait avec la diversité alpha et béta microbienne. Les associations positives les plus fortes entre la diversité alpha et les composantes du score de choix alimentaires sains HFC ont été observées pour les pains riches en fibres, suivis par la volaille, les fruits, les fromages faibles en gras et les baies.

Les échantillons de selles contenaient 5 748 espèces . 41 genres présentaient des associations statistiquement significative avec le score de choix alimentaires sains HFC. Leurs résultats indiquent que les fibres alimentaires sont parmi les facteurs alimentaires les plus importants du microbiote intestinal. Des associations ont été observées avec des genres comprenant des espèces capables de dégrader les fibres et/ou de produire des acides gras à courte chaîne (AGCC), telles que Eubacterium, Butyrivibrio, Ruminococcus, Faecalibacterium et Roseburia. Les AGCC sont des produits de la fermentation des glucides réalisée par des bactéries anaérobies présentes dans le côlon. Les espèces productrices de AGCC les plus connues, Faecalibacterium prausnitzii, Akkermansia muciniphila et Roseburia intestinalis, étaient toutes significativement élevées chez les individus ayant un score HFC plus élevé dans leur étude.

Ces associations s’accompagnaient également d’un enrichissement des enzymes impliquées dans le métabolisme des acides gras à courte chaîne. Ces résultats indiquent que des choix alimentaires sains sont en effet associés à un microbiote intestinal humain qui possède un plus grand potentiel de synthèse d’AGCC. Les espèces des genres Eubacterium, Ruminococcus et Roseburia, ainsi que les niveaux d’AGCC, ont été précédemment identifiés comme étant plus abondants chez les individus consommant un régime à base de plantes.
Forces et limites de l’étude
Les forces de l’étude sont un large échantillon basé sur une population en bonne santé. Ils ont utilisé un séquençage métagénomique complet qui offre plus d’information qu’un séquençage de l’ARN 16S. L’ARN 16S des ribosomes est ubiquitaire pour les bactéries et non présent chez les eucaryotes (ARN 18S).
La généralisation de leurs résultats est probablement compromise par des différences géographiques dans la composition du microbiote intestinal. Les réponses taxons-régime peuvent être différentes dans différents contextes socioculturels, économiques, ethniques et environnementaux. Les différences statistiquement significatives entre ceux qui ont choisi de ne pas donner d’échantillon de selles et ceux inclus dans l’étude suggèrent que les participants représentent la partie de la population la plus soucieuse de leur santé, avec une alimentation et des modes de vie plus sains que les non-participants. Cependant, le taux de participation était élevé. Une autre limite est l’utilisation de données auto-déclarées ainsi que le design transversal de l’étude (à un temps donné).
Les auteurs concluent qu’un régime alimentaire riche en fibres et en acides gras polyinsaturés (régime nordique) est associé à un microbiote individuel plus diversifié et distinct sur le plan de la composition dans l’intestin.
Source : Koponen KK, Salosensaari A, Ruuskanen MO, et al. Associations of healthy food choices with gut microbiota profiles. Am J Clin Nutr. 2021;114(2):605-616. doi:10.1093/ajcn/nqab077