Résumé du Rapport 2018 du GIEC sur les Conséquences d’un Réchauffement Planétaire de 1,5°C et infographie

Le Rapport  spécial  du GIEC sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C a été présenté et approuvé samedi 8 octobre en Corée du Sud à Incheon. Commandé au GIEC lors de la COP 21, il démontre scientifique et appelle à l’urgence d’agir rapidement afin de limiter la hausse de température globale de la planète et d’opérer la transition énergétique. Je vais vous présenter un bref résumé ainsi qu’une infographie comparant les deux scénarios de réchauffement à 1,5°C et 2°C (à la fin de l’article).

Les 4 principaux messages délivrés par ce panel d’experts sont que :

  • Le réchauffement climatique est déjà en cours et les conséquences d’une augmentation de la température de +1°C sont déjà visibles (augmentation des extrêmes météorologiques, l’élévation du niveau de la mer et la diminution de la banquise arctique…)

  • Limiter à 1,5 °C est encore possible mais cela nécessite des transitions «rapides et de grande envergure» dans les domaines de l’aménagement du territoire, de l’énergie, de l’industrie, du bâtiment, du transport et de l’urbanisme

  • Il y a de nombreux avantages économiques, environnementaux et sociaux/santé à limiter le réchauffement à 1,5 °C plutôt qu’à 2 °C, car chaque demi-degré compte (même si ça paraît peu au premier abord) !

  • Limiter le réchauffement peut aller de pair avec la réalisation de certains objectifs du développement durable » — la lutte contre la pauvreté, la faim, etc…

GIEC Rapport Spécial
http://www.ipcc.ch/report/sr15/

Le GIEC en bref

Le  Groupe  d’experts  intergouvernemental  sur  l’évolution  du  climat  (GIEC)  est  l’instance  des Nations  Unies  chargée  d’évaluer  les  travaux  scientifiques  consacrés  aux  changements climatiques. Créé en 1988 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), il a pour mission de fournir aux décideurs publics des évaluations scientifiques des conséquences du changement climatique et de proposer des solutions et des stratégies d’adaptation et d’atténuation.

Le traitement de l’incertitude dans les rapports du GIEC

En lisant le rapport du GIEC, c’est important d’avoir ce concept de niveau de preuves scientifiques en tête. L’évaluation de l’incertitude dépend de la quantité et la qualité des éléments probants (informations théoriques, observations, modèles, …) et du degré de concordance (convergence des opinion). La probabilité qu’une conclusion soit correcte est exprimée en degré de confiance : degré de confiance très élevé (9 chances au moins sur 10) ; degré de confiance élevé (environ 8 chances sur 10) ; degré de confiance moyen (environ 5 chances sur 10) ; faible degré de confiance (environ 2 chances sur 10) ; et très faible degré de confiance (moins d’une chance sur 10).

Lors qu’une analyse statistique est possible, on utilise des fourchettes de probabilité (intervalle de confiance) : pratiquement certain (probabilité supérieure à 99 %) ; extrêmement probable (probabilité supérieure à 95 %) ; très probable (probabilité supérieure à 90 %) ; probable (probabilité supérieure à 66 %) ; plus probable qu’improbable (probabilité supérieure à 50 %) ; à peu près aussi probable qu’improbable (probabilité de 33 % à 66 %) ; improbable (probabilité inférieure à 33 %) ; très improbable (probabilité inférieure à 10 %) ; extrêmement improbable (probabilité inférieure à 5 %) ; exceptionnellement improbable (probabilité inférieure à 1 %).

Les conséquences du réchauffement climatique de 1.5°C

Une des causes majeures du réchauffement climatique est l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis la période pré-industrielle. L’augmentation du taux d’émission de CO2 est de 20 ppm/décennies depuis 2000 ce qui est 10 fois plus important que le taux d’augmentation décennale durant ces 800 000 dernières années.

Température de surface et épisodes de chaleur

réchauffement temperature climatique GIEC IPCC 2018

Le réchauffement est défini comme une augmentation de la température de surface multi-décennale moyenne par rapport aux niveaux pré-industriels (période de référence de 1850-1900).

Les activités humaines ont fait augmenter la température moyenne de surface de la planète de 0.8 à 1.2°C depuis l’ère pré-industrielle avec un réchauffement de +0,2°C/10 ans.   Le GIEC estime qu’il est très vraisemblable que le nombre de jours et nuits froides a diminué et à l’inverse pour les journées chaudes à l’échelle mondiale. La fréquence des vagues de chaleur a augmenté en Europe, en Asie et en Australie avec un degré de confiance élevé.

Dans les deux cas d’un réchauffement de 1.5°C ou 2°C, le réchauffement affectera plus les terres que les océans et le nombre de jours et nuits chaudes continuera d’augmenter (très probable). Les émissions d’aérosols, de gaz à effets de serre et leurs précurseurs pourraient faire augmenter de plus de 0,5°C la température moyenne (confiance élevée).  La fréquence des événements extrêmes de chaleur dans les régions tropicale augmentera (degré de confiance moyen).

réchauffement climatique GIEC IPCC Rapport spécial evolution température surface moyenne

Un réchauffement de 2°C au lieu de 1,5°C donnera lieu à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de chaleur extrême (très probable) dans les régions densément peuplées. Limiter le réchauffement à 1,5°C au lieu de 2°C permettrait d’éviter 420 millions de personnes d’être exposées fréquemment à des vagues de chaleur et 65 millions de personnes à des vagues exceptionnelles et des extrêmes de chaleurs (confiance moyenne).

Le panel de GIEC estime que depuis 1950, la tendance à la sécheresse a peu évolué (degré de confiance faible) à l’échelle mondiale. La sécheresse dans certaines régions comme la Méditerranéen, l’Afrique de l’Ouest augmentera probablement alors qu’elle pourrait diminuer dans Amérique du Nord et dans le Nord-Ouest de l’Australie. Passer à un réchauffement de 2°C réduira fortement la disponibilité des ressources en eau dans la région Méditerranéenne et en Afrique du Sud (degré de confiance moyen).

Les hautes latitudes seront les plus touchées par les hausses de températures (degré de confiance élevé).

Précipitations intenses et cyclones de forces 4 et 5

Les précipitations ont augmenté depuis 1960-1979 dans les latitudes moyennes de l’hémisphère nord mais pour les autres latitudes et les zones de moussons, les tendances ne sont pas claires (degré de confiance moyen) par rapport à 1991-2010. La fréquence, la quantité et l’intensité des précipitations augmentera en moyenne à l’échelle mondiale (degré de confiance élevé). Un réchauffement de 2°C au lieu de 1,5°C engendrerait plus de précipitations fortes au Nord et l’Est de l’Europe, en Alaska, à l’Est et Nord du Canada, dans les hautes latitudes (probable).

Le nombre de cyclones tropicaux n’augmenterait pas forcément (degré de confiance faible). Les études des cyclones tropicaux de catégories 4 et 5 ont donné des résultats contradictoires en terme de tendances mais il serait possible que le nombre de cyclones intenses augmente. Un déplacement vers le pôle des trajectoires des tempêtes extra tropicale est également possible (degré de confiance faible).

Niveau de la mer et fonte des glaces

Par rapport à la période 1986-2005, le niveau de la mer s’élèverait de 0,26 à 0,77m d’ici 2100 (degré de confiance moyen). La fonte de l’Antarctique ou la disparition du Groenland dans plusieurs centaines d’années pourrait engendrer des élévations du niveau de la mer de plusieurs mètres (degré de confiance moyen).

En 2100, le niveau moyen des mers serait 0,1m plus bas avec un réchauffement de 1,5°C au lieu de 2°C (degré de confiance moyen). Une vitesse d’élévation de la mer plus lente permettra aux humains et aux écosystèmes de mieux s’adapter en particulier dans les zones côtières, les deltas et les petites iles.

Il a été constaté également une acidification, une diminution de l’oxygène dans les océans et une augmentation de la température de surface des océans ainsi qu’une fréquence accrue de vague de chaleur marine (degré de confiance élevé).

Impact sur les écosystèmes

Quelques impacts sont déjà observés tels que le décalage des saisons, les changements de dates de floraison et de plantation.

Dans le cas d’un réchauffement de 1,5°C, 7% des régions changeront de biomes (macro-écosystèmes). Sur les 105 000 espèces étudiées, « seulement » 6% des insectes, 8% des plantes et 4% des vertébrés perdront leur air géographique climatique d’habitat avec un réchauffement de 1,5°C (degré de confiance moyen). En comparaison avec un réchauffement de 2°C, les pertes géographiques seront de 18%, 16% et 8% respectivement.

La toundra, les forêts tropicales et les forêts boréales sont les habitats les plus à risque de dégradation (degré de confiance moyen). Limiter le réchauffement à 1,5°C permettrait d’empêcher le dégel de 1,5 à 2,5 millions de km² de permafrost et la contraction de la couverture neigeuse. La fonte de 21-37% du permafrost engendrerait la libération de 0.08-0.16 Gt de Carbone de façon irréversible dans le réchauffement à 1.5°C (0.12-0.25 Gt de C pour le réchauffement de 2°C). Cela fera perdre les habitats de façon critique pour les ours polaires, les baleines, les phoques et les oiseaux de mer. Avec un réchauffement de plus de 1,5°C, le risque de voir disparaître la banquise Arctique l’été serait de 50% ou plus.

risque temperature mer environnement ecosystème marins
Le pourpre/rouge désigne un risque très élevé d’impacts irréversibles sur les écosystèmes marins face à une élévation de la T° de surface des océans (en ordonnées)

Diminution des ressources

Les risques en terme de ressources seront distribués de manière non homogène. Les populations vulnérables seront les habitants des côtes, dans les régions sèches, arctiques, les petits îles et les pays les moins développés (degré de confiance élevé). Plusieurs milliers d’iles pourraient se retrouver sous les eaux.

Laisser le réchauffement passer à 2°C engendrera des réduction des rendements de maïs (-15%), riz, blés et autres cultures céréalières en Afrique sub-saharienne, en Asie du Sud-Est et centrale et en Amérique du Sud. Le GIEC mentionne une étude qui a montré que les états-Unis perdraient 2,3% de PIB par degré de réchauffement climatique (Hsiang et al. 2017)

La santé humaine

Les effets d’ilots urbains de chaleur seront plus intenses (degré de confiance élevé), les risques liés aux maladies à transmission vectorielle (insectes, parasites…) seront accrus. Plus de 350 millions de personnes pourraient être exposées à des vagues mortelles de chaleur d’ici 2050.

Les « chemins » ou scénarios du Giec pour ne pas dépasser 1,5 °C de réchauffement : il faut réduire à zéro les émissions nettes de CO2 en 2050.

Empêcher un réchauffement global de 2°C ?

Pour empêcher un réchauffement plus important que 1,5°C, il faudrait (degré de confiance élevé) :

  • diminuer profondément la production de méthane et le noir de carbone (black carbon), un composant des particules fines de 35% d’ici 2050

  • diminuer de 45% [40-60%] les émissions mondiales nettes de CO2 anthropique d’ici 2030 par rapport à 2010 pour atteindre une balance nulle autour de 2050

Ne pas atteindre cet objectif de 1,5°C exigera de plus reposer sur les technologies de capture du carbone dites à émission négative.

Plusieurs mesures d’adaptation sont proposées

Les exemples d’actions comprennent le passage à une production d’électricité à émissions faibles ou nulles, telles que les énergies renouvelables; l’évolution des systèmes alimentaires, tels que les changements de régime, loin des produits d’origine animale à forte intensité de terre; électrifier les transports et développer des «infrastructures vertes», telles que la construction de toits verts ou l’amélioration de l’efficacité énergétique par le biais d’une planification urbaine intelligente ce qui modifiera l’aménagement de nombreuses villes.

Les technologies à émission négative de CO2

Les technologies de capture de dioxyde de carbone (CDR Carbon Dioxide Removal) font référence aux retraits du CO2 atmosphérique (émission négative). Cela peut se faire en améliorant les processus naturels de capture du carbone (augmenter l’apport des forets, du sol et autres puits de carbone) ou utiliser des processus physico-chimiques pour stocker le carbone dans des réservoirs géologiques couplé à la production de bioénergie (dans le sol par exemple). Cela permet d’obtenir des émissions négatives de carbone.

Les technologies à émission négative (bioenergy with carbon capture and storage BECCS) pourrait capter 0,5 à 5 Gt de CO2 par an. La production de bioénergie concerne surtout la production de bioéthanol de chaleur et d’électricité à partir du charbon et de biomasse. Le bilan négatif de CO2 vient du fait que le CO2 stocké est issu de la biomasse et non pas d’énergie fossile et que le CO2 émis par les usines n’est pas rejeté dans l’atmosphère mais séquestré dans des formation géologique adéquates pour de très longues années. Ces formations pourraient être d’anciens gisements de pétrole ou de gaz épuisés que l’on connait bien ou dans des aquifères salins profonds dont l’eau n’est pas consommée.

Les plantes et arbres absorbent le CO2 puis ceux-ci sont utilisés pour produire de l’énergie sans rejeter de CO2. Il existe 3 grands moyens de convertir la biomasse en énergie à partir de la fermentation des micro-organismes, la gazéification et la combustion de biomasse pour avoir de l’électricité et de la chaleur.

Un des principaux obstacles est le prix de ces technologies contre seulement une vingtaine d’euros pour planter des arbres.

« Laisser le réchauffement dépasser temporairement l’objectif de 1,5 ºC impliquerait une plus grande dépendance vis-à-vis des techniques d’élimination du CO2 atmosphérique si l’on souhaite ensuite revenir en dessous des 1,5 ºC en 2100. L’efficacité de ces techniques reste à prouver à grande échelle, certaines étant même susceptibles de représenter un risque considérable pour le développement durable« 

techniques stockages captures dioxyde de carbone

La capacité d’adaptation est intimement liée au développement social et économique, mais elle est inégalement répartie entre les sociétés et au sein de celles-ci.

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Infographie GIEC Rapport Rechauffement climatique à 1.5°C
Source : IPCC special report on the impacts of global warming of 1.5 °C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty. Chapter 3: Impacts of 1.5ºC global warming on natural and human systems. Site web : http://www.ipcc.ch/report/sr15/

 

3 réflexions sur “Résumé du Rapport 2018 du GIEC sur les Conséquences d’un Réchauffement Planétaire de 1,5°C et infographie

  • 11 décembre 2018 à 18 h 20 min
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    Tout ceci ne concerne que des projections dans lesquelles l’océan est très peu pris en compte (températures au-dessous de 2000 m par ex). Les incertitudes dans beaucoup d’autres domaines non plus.
    « Vous avez droit à votre propre opinion, mais pas à vos propres faits. » Paul Romer, prix Nobel d’économie 2018

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    • 11 décembre 2018 à 18 h 49 min
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      Merci pour votre commentaire, je n’ai fait que reprendre ce qui est dit dans le rapport. En effet, ce ne sont que des projections incertaines.

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  • 20 février 2019 à 8 h 54 min
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    « Projections » : d’accord.
    « Incertaines » : je dirai plutôt avec une marge d’erreur.
    Toutefois, avez-vous vu des projections climatiques, argumentées scientifiquement qui soient optimistes, ou même neutres ? Il n’y en a pas !
    Que ce soit en 2100 ou 2500 que le niveau de la mer s’élève de 0,26 à 0,77m, peu importe la précision – le problème c’est qu’il s’élèvera. Et une erreur de 400 ans, pour une humanité d’un million d’années ou une planète de 5 milliards d’années, ce n’est rien.

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