Régimes Pauvre en Graisses ou Pauvre en Sucres : Identiques pour la Perte de Poids ?
De nos jours, les pratiques d’amaigrissements se sont fortement développées sur le web ou les réseaux sociaux avec la dictature de l’image du corps mince. Sur le web, on peut trouver des nombreux régimes ou conseils diététiques pour perdre du poids. Deux approches communes sont celles de réduire la consommation d’aliments riches en sucres ou riches en graisses. D’après une étude d’intervention récente à Stanford publiée le 20 Février 2018 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), ces deux tactiques seraient équivalentes pour la perte de poids au bout d’un an de régime (les conclusions ne portent pas sur d’autres effets sur la santé, ni le maintien du poids ultérieur à 1 an !).
Je ne suis pas là pour encourager un quelconque régime amaigrissant. Par ailleurs, le dernier rapport d’expertise de l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentaire) met en garde contre les régimes amaigrissants sans suivi par un professionnel de santé. Il est conseillé d’avoir une alimentation équilibrée, diversifiée et avoir une activité physique. Plusieurs études ont recensé un effet limité des régimes alimentaires avec une perte de poids inférieure à 5% après 12 mois de régime (Gardner 2018) et également le fameux effet de poids yoyo (ANSES).
Quelques composantes liées à la perte de poids
Les variations de poids dépendent de l’équilibre énergétique entre les apports énergétiques par l’alimentation et les dépenses énergétiques (métabolisme basal, activité sportive, thermogenèse). La prise alimentaire dépend notamment de l’environnement et de l’individu lui-même (faim, satiété, habitudes…). La génétique joue également sur l’efficacité des enzymes du métabolisme (= ensemble des réactions chimiques dans notre organisme).
L’utilisation d’un régime amaigrissant peut porter sur plusieurs leviers : la quantité d’énergie ou la composition en macronutriments (protéines, glucides et lipides). L’USDA, l’agence américaine en charge de la politique alimentaire, constatait qu’un régime de 1500 kcal indépendamment de sa composition en macronutriments et de l’activité physique entraîne une perte de poids (Freedman 2001). Une autre stratégie commune de régime pour perdre du poids est de diminuer soit les apports en lipides (« low-fat diet »), soit ceux en glucides (« low-carbohydrate diet »). Ces deux stratégies seraient similaires en terme de résultats pour le poids. Par ailleurs, certains micronutriments tels que les fibres (Clark MJ 2013) ou les protéines (Paddon-Jones 2008) pourraient également apporter un effet de satiété (pas de consensus scientifique).

De nombreuses variations individuelles dans l’effet de ces régimes ont été constatées jusqu’à une perte de 25 kg à un gain de 5 kg. Attention également à ne pas mélanger perte de poids et maintien du poids. Beaucoup d’études ciblent la perte de poids mais pas forcément son maintien. L’activité physique est une composante majeure dans le maintien du poids ainsi que des modifications durables et plus saines du mode de vie : on n’a rien sans effort ! Les régimes peuvent être catégorisés selon l’apport en énergie (kcal) ou la composition en macronutriments (% kcal). Voici une liste non exhaustive de régime (les limites des catégories sont critiquables) :
Pas de différences de perte de poids entre les régimes pauvres en sucres et en graisses
600 adultes en surpoids ou obèses (IMC entre 28 et 40) ont été recrutés à Stanford et dans la baie de San Francisco par des publicités dans les media et par mail. Ils ont ensuite été assignés aléatoirement pendant 12 mois à suivre soit un régime pauvre en sucres, soit pauvre en graisses. Au bout de 12 mois était évaluée la perte de poids entre ces régimes. Des données alimentaires, socio-démographiques, d’activité physique et anthropométriques étaient récoltées au début de l’étude, à 3, 6 et 12 mois. Les génotypes (= ensemble des gènes) des participants étaient séquencés et 3 éléments génétiques ont été retenus : 3 SNP (Single Nucleotide Polymorphism) qui correspondent à une variation d’un seul nucléotide de l’ADN au sein d’une population. Cela permettait d’établir des profils génétiques plus ou moins réceptifs à l’un des deux régimes ou aucun des deux régimes (une sorte de profil qui les prédisposerait à être plus sensible à l’un des régimes). D’autres informations telles que la sécrétion d’insuline, les concentrations plasmatiques en lipides et en glucose, la pression artérielle et le tour de taille ont été récoltées.
Ce qu’on cherchait à évaluer
Les hypothèses testées de cette étude étaient : est-ce que les régimes pauvres en graisses ou en sucres sont équivalents ? Est-ce que les variations de poids dépendent d’interactions entre l’alimentation et le profil génétique. Certaines personnes pourraient perdre du poids plus facilement avec un régime allégé en sucre et d’autres avec un régime pauvre en graisses à cause de prédispositions génétiques. Certains profils génétiques joueraient un rôle dans l’efficacité du régime choisi. La 2ème hypothèse testée est que la sécrétion d’insuline pourrait jouer dans la perte de poids. Le régime pauvre en sucres pourrait mieux convenir aux personnes sécrétant moins d’insuline.
L’intervention en question
Le 1er mois les participants devaient maintenir leurs habitudes alimentaires et leur activité physique. Les individus assistaient à des cours où des diététiciens leur prodiguaient des conseils pour suivre un des deux régimes.
Durant les 8 premières semaines, les participants devaient réduire à 20g/jour leur apport en lipides et en glucides (selon le régime). Dans le groupe « faible en gras », les réductions de viande grasse, de matières grasses, de produits laitiers entiers et de noix étaient mises en avant. Pour l’autre groupe, il leur était conseillé de réduire leur consommation de céréales, des féculents et de légumes.
Ensuite, les individus pouvaient augmenter leurs apports de 5 à 15g/j de glucides ou lipides chaque semaine jusqu’à atteindre un seuil qu’il pourrait maintenir indéfiniment. Aucune consigne explicite de restriction de calories n’était donnée.
Les deux groupes devaient ensuite maximiser leurs apports en légumes, minimiser leurs apports en sucres ajoutés, en produits raffinés et graisses trans et consommer en priorité des aliments complets peu transformés, denses en nutriments et préparés à la maison si possible.
Les conclusions
Au final, 481 participants sont restés jusqu’au bout de l’étude. Leurs apports énergétiques suite à l’intervention ont été réduits d’environ 500-600 kcal durant toute l’étude.
Avec ces 2 régimes, les participants ont perdu en moyenne 5,3 kg pour le régime faible en graisses et 6kg pour le régime faible en glucides au bout de 12 mois : il n’y avait donc pas de différences significatives cliniques et statistiques entre ces 2 régimes pour la perte de poids.
L’interaction entre le profil génétique et le régime assigné n’était pas significative, cela signifie qu’il n’y avait pas de différence de perte de poids entre les participants qui avait un régime correspond à leur profil génétique et ceux dont le régime ne correspondait pas au profil. L’efficacité du régime ne serait donc pas liée aux gènes séquencés et aux profils génétiques étudiés.
Au bout des 12 mois, les deux régimes ont fait diminuer la pression artérielle des participants et ils ont amélioré leur profil lipidique. Cependant, les individus avec le régime pauvre en sucres ont vu leur teneur en HDL-Cholestérol (« bon cholestérol ») augmenter significativement et leurs concentrations en triglycéride diminuer en comparaison avec le régime pauvre en graisses. Sur le plan cardiovasculaire, le régime pauvre en sucres pourrait donc être meilleur.
Pour finir il n’y avait pas de différence de perte de poids entre les personnes sécrétant plus d’insuline et celle en sécrétant moins : la sécrétion d’insuline ne jouerait pas de rôle dans l’efficacité du régime.
Une des forces de cette étude était son grand nombre de participants (n=600) alors qu’habituellement dans ce type d’étude le nombre de participants tourne à moins de 50 (comme cela coûte très cher à mettre en place). Cette étude a également récolté de nombreuses données pour ajuster les modèles.
Les limites sont que l’étude a été réalisée dans une zone géographique restreinte avec des individus avec un niveau d’éducation élevé et qui avaient des ressources financières importantes (étude pas généralisable). Et par ailleurs, les estimations de la dépense énergétique et de l’activité physique auraient pu être affinées avec la méthode d’eau doublement marquée. Pour finir, la randomisation ne portait que sur l’allocation aux régimes alimentaires, elle aurait pu être faite également sur le génotype ou le statut de sécrétion à insuline.
Il aurait été intéressant de comparer (ou d’avoir les données rendues publiques) ce que les 2 groupes de participants avaient consommé en terme d’apports en fruits et légumes, en aliment transformés et de sodas.
Deux autres études de grandes ampleurs du même type avec 311 femmes américains en surpoids/obèses (Gardner 2007) et 811 adultes en surpoids ont testé l’effet de divers régimes amaigrissants (hypoglucidiques, hypolipidiques ou hyperprotéiques) sur les variations de poids pendant 1 ou 2 ans. Au bout de 1 ou 2 ans, il n’y avait pas de différences de diminution de poids entre ces différents régimes. Conclusion également partagée par la méta-analyse (Johnston 2014) qui portait sur 48 essais cliniques randomisés sur les régimes (pauvre en sucres ou en graisses) et la perte de poids. Attention, certains risques de santé (carence ou excès nutritionnels, facteurs de risque cardiovasculaires…) n’étaient pas évalués dans ces études qui se concentraient surtout sur les variations de poids.
Mise en garde des régimes amaigrissants
Je voudrais rappeler qu’entreprendre un régime amaigrissant n’a pas anodin d’après le dernier rapport d’expertise de l’ANSES. La plupart des essais cliniques portent sur la perte de poids mais l’adéquation nutritionnelle (est-ce que le régime permet de répondre aux besoins nutritionnels et d’éviter des carences ou des excès ?) n’est pas toujours étudiée. Ces risques sont d’ailleurs souvent peu analysés dans la littérature scientifique. Effectuer un régime amaigrissant sur le long terme pourrait entraîner :
– une réduction de la densité minérale osseuse pour une perte de poids de 10 %
– une perte de masse musculaire (environ 15%) avec exception si une activité physique est entreprise dès le début de la restriction calorique. L’activité physique est un facteur clef de stabilisation du poids (80 % des sujets reprennent leur poids après 1 an sans régime).
– les régimes très pauvres en lipides (en général riches en glucides) peuvent entraîner un profil lipidique athérogène, c’est à dire qui favorise les accidents cardiovasculaires.
– les régimes hyperprotéinés (plus de 2,2 g/kg/j) peuvent poser des risques rénaux.
– un risque psychologique : les échecs à répétition des régimes peuvent engendrer des pertes de l’estime de soi ou la dépression. Les restrictions cognitive et alimentaire peuvent aggraver ce problème pondéral.
A savoir qu’il existe toujours plusieurs interprétations possibles des régimes et chaque individu ne réagit pas de la même manière et n’a pas les mêmes besoins nutritionnels et physiologiques. Les études sur les régimes portent souvent sur des personnes en surpoids donc les résultats ne sont pas toujours extrapolables à la population générale.
Commencer un régime amaigrissant sans indication médicale et sans accompagnement par un professionnel de santé peut comporter des risques surtout quand le régime se base sur des exclusions de catégories alimentaires, ce qui donne un régime déséquilibré et peu diversifié.

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Sources :
Gardner et al. 2018. Effect of Low-Fat vs Low-Carbohydrate Diet on 12-Month Weight Loss in Overweight Adults and the Association With Genotype Pattern or Insulin Secretion: The DIETFITS Randomized Clinical Trial. JAMA. 2018 Feb 20;319(7):667-679
Gardner CD, Kiazand A, Alhassan S, et al. Comparison of the Atkins, Zone, Ornish, and LEARN diets for change in weight and related risk factors among overweight premenopausal women: the A TO Z Weight Loss Study: a randomized trial. JAMA. 2007;297(9):969-977.4.
Sacks FM, Bray GA, Carey VJ, et al. Comparison of weight-loss diets with different compositions of fat, protein, and carbohydrates.N Engl J Med.2009;360(9):859-873.5
Freedman et al. (USDA) Popular diets: a Scientific Review. Obes Res. 2001 Mar;9 Suppl 1:1S-40S.
Jonhston et al. Comparison of weight loss among named diet programs in overweight and obese adults: a meta-analysis. JAMA. 2014 Sep 3;312(9):923-33
ANSES. Rapport d’Expertise Collective. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. Novembre 2010
j’aime vôtre commentaire j’aurais aimée voir ce que l’on peut manger par jour car pas évident merci d’avance
salutations …
les résultats des études suivantes seraient meilleures si on avait comparées :
test 1 : augmentations des glucides (sucres) et réductions des lipides [(graisses) huiles] …
test 2 : augmentations des lipides [(graisses) huiles] et réductions des glucides (sucres) …
les résultats seraient-seront plus probants … !