Un régime planétaire sain et durable en un coup d’œil [infographie]

Une commission The EAT-Lancet Commission de plusieurs experts en alimentation, santé publique et environnement a publié un rapport dans le prestigieux journal biomédical The Lancet qui propose un régime mondial bon pour la santé et l’environnement. Ce régime pourrait nourrir 10 milliards d’hommes d’ici 2050 et prévenir de 11 millions de décès prématurés dans le monde (19-24% des décès annuels chez les adultes).

Tubercules/légumes féculents concernent la pomme de terre et le manioc (erreur de traduction)

Les chiffres cités sont des optimums nutritionnels/alimentaires avec leur intervalle (à prendre en compte) basés sur les recommandations des autorités de santé (OMS, IARC, nationales) et la littérature scientifique (en particulier des grandes études de cohorte épidémiologiques).

Cela ne correspond pas à un régime exact. « Plutôt, ce régime présente des options de consommation recommandées par groupes d’aliments, qui, combinés sous forme d’un régime complet, optimisent la santé humaine. Une interprétation et une adaptation locales du régime alimentaire universel est nécessaire et doit refléter la culture, la géographie et la démographie de la population et des individus. » énonce the EAT-Lancet Commission.

Ce régime représente des options alimentaires qui sont à réadapter et ré-interpréter au niveau local et individuel. Les besoins des individus sont différents selon le sexe, l’âge, l’état physiologique, l’activité physique… La disponibilité des aliments varie également selon les régions du monde. Les recommandations de santé publique sont basées au niveau populationnelle et non individuel.

Combien coûte ce régime ?

Hirvonen et al. (2019) ont évalué le coût médian de ce régime planétaire. Ces chercheurs estiment qu’il coûterait entre 2,41 et 3,16 dollars par jour. Le coût varie selon les régions dans le monde bien sûr, il atteint un pic à $3,87 dans les Caraïbes et en Amérique Latine.

Ce régime coûte une petite fraction des revenus moyens dans les pays à revenu élevé mais n’est pas abordable pour les pauvres du monde. Nous avons estimé que le coût d’un régime EAT – Lancet dépassait le revenu des ménages par habitant pour au moins 1,58 milliard de personnes.

Pour détailler brièvement ces recommandations d’EAT-The Lancet

Les principales sources de protéines

L’apport adéquat d’après cette commission est de 56g de protéines par jour pour un individu de 70kg (soit 10% de ses apports énergétiques). La qualité protéique est définie par la composition en acides aminés du produit alimentaire. Les sources animales sont de meilleures qualités en termes d’acides aminés indispensables que la plupart des sources végétales. Les protéines de haute qualité sont importantes pour les nourrissons, les enfants en croissance et les personnes âgées qui perdent de la masse musculaire.

Diminuer sa consommation de viande rouge et de charcuterie

La consommation de viande rouge (boeuf, mouton, porc) est à limiter parce qu’elle était associée à des risques accrus de cancer colorectal, de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2 dans des études observationnelles épidémiologiques. L’explication pourrait venir du mauvais rapport acides gras saturés/polyinsaturés et du fer héminique. La charcuterie est également à éviter, elle contient notamment des quantités élevées de sodium, de nitrates et nitrites et d’autres conservateurs.

La volaille et les œufs et le poisson n’étaient pas associés à ces pathologies. Les œufs sont une excellente source protéique.

« Dans les pays à faible revenu, le remplacement des calories provenant d’un aliment de base féculent par un œuf peut considérablement améliorer la qualité nutritionnelle du régime alimentaire de l’enfant et réduire le retard de croissance ».

Les produits laitiers : on ne sait pas

La commission discute des bénéfices des produits laitiers, ceux-ci ne sont pas clairs. Les États-Unis recommandent 1200 mg/jour de calcium. Le Royaume-Uni en recommande 700 mg/j. Les produits laitiers sont surtout recommandés dans les pays occidentaux en prévention des risques de fracture et de santé osseuse.

Cependant, l’OMS a constaté que dans des pays où l’on consomme peu de produits laitiers, on a moins de fractures que dans les pays consommateurs de produits laitiers. L’OMS recommande 500mg/j de calcium. La consommation de graisses végétales (plutôt insaturées) engendre moins de risque que la consommation de graisses laitières (graisses saturées). The Lancet propose de recommander 250g/j de produits laitiers.

Les poissons, bonne source d’oméga-3 et de métaux lourds

La consommation de poissons est associée avec une diminution de risque cardiovasculaire. Cela est vraisemblablement dû à leur haute teneur en oméga-3 (des acides gras polyinsaturés indispensables). Le bémol de certains poissons est qu’ils sont à la fin de la chaîne alimentaire et qu’ils peuvent accumuler des métaux lourds comme le mercure. Les femmes enceintes et allaitantes doivent éviter certains poissons fortement contaminés en mercure ( maquereau, requin, espadon, thon, silure, marlin, lotte, bar, bonite, grenadier, flétan, brochet, dorade, raie, sabre…). Plus de détails sur le site de l’ANSES : https://www.anses.fr/fr/content/manger-du-poisson-pourquoi-comment

Les principales sources de glucides

Les céréales (riz, maïs, blé, …) sont la principale source d’énergie dans le monde. Les céréales raffinées sont liés à des pics dans la glycémie (taux de glucose dans le sang), une perte en nutriments et en fibres. Des apports élevés en fibres (céréales et produits céréaliers complets) sont associés avec un risque diminué d’accidents cardiovasculaires, de diabète de type 2 et de mortalité. The EAT-Lancet commission propose de consommer 232g/j de céréales complets.

La pomme de terre est une bonne source de potassium et de quelques vitamines mais ses glucides sont rapidement absorbés dans le sang (charge glycémique élevée). Une consommation journalière a été associée avec un risque accru de diabète de type 2, d’hypertension et de gain de poids. C’est pourquoi EAT-The Lancet recommande 50g/j de pommes de terre ou de manioc (tubercules).

Les fruits et les légumes sont une excellente source de micronutriments (vitamines et éléments minéraux) et de fibres. De nombreux bénéfices sont associés avec une consommation de 5 portions par jour (300g/j de légumes et 200g/j de fruits).

Les sucres ajoutés (sucre de table, dans les produits industriels transformés et ultra-transformés) sont associés avec un risque accru de surpoids, de maladies cardiovasculaires. L’OMS recommande de limiter les sucres ajoutés à 10% de ses apports en énergie totale.

Les critiques sur ce régime planétaire

  • Les recommandations ont été critiquées pour leur pertinence au niveau local et individuel du fait de la grande variabilité de régimes alimentaires dans le monde (The Association of UK Dietetitians). Est-ce pertinent d’appliquer les mêmes recommandations diététiques pour tout le monde à l’échelle de la planète ?
  • L’ambassadeur italien Gian Lorenzo Cornado écrivait « une évolution mondiale vers un tel régime pourrait entraîner la perte de millions d’emplois liés à l’élevage et à la production d’aliments «malsains», et détruire les régimes traditionnels qui font partie du patrimoine culturel. » (Torjesen 2019)
  • Le mouvement EAT-Lancet a été stigmatisé pour ses partenariats avec l’industrie avec l’initiative FReSH- the Food Reform for Sustainability and Health program (de Danone, Syngenta, Bayer etc…) : https://www.wbcsd.org/Programs/Food-Land-Water/Food-Land-Use/FReSH/News/25-leading-global-companies-join-together-to-accelerate-transformational-change-in-global-food-systems
  • La faible quantité recommandée de viande est montrée du doigt par les éleveurs et l’industrie de la viande et certains consommateurs de viande. Le lancement du rapport a été accompagné de plusieurs événements de lancement internationaux, y compris une campagne sur les réseaux sociaux avec son propre hashtag: #EATLancet. Il a également conduit à des débats très polarisés en ligne, notamment la désinformation, les théories du complot et des attaques personnelles avec le hashtag # yes2meat. Une polarisation rapide d’un paysage médiatique est un sérieux défi de communication scientifique. Le #yes2meat a été utilisé pour promouvoir les régimes à base de viande indépendamment du rapport, il est rapidement devenu le terme contre la Commission EAT-Lancet (Garcia 2019).

En conclusion, les conclusions d’EAT-Lancet sont intéressantes puisqu’elles interpellent sur l’impact sur la santé et l’environnement de nos systèmes alimentaires. Cependant, il est difficile d’appliquer les mêmes recommandations à des pays différents, à des traditions alimentaires locales différentes, à différents individus. Ces lignes directrices EAT-Lancet peuvent servir d’idées de base pour construire un régime alimentaire durable et sain. La compétence des diététiciens est justement de traduire les données probantes sur les régimes alimentaires durables en conseils pratiques et personnalisés pour les individus.

Pour suivre les autres actualités du blog ou en apprendre plus sur les controverses alimentaires, santé et environnement, un petit like ou sur Twitter :

Source : Willett, W. et al. (2019). Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems. The Lancet. doi:10.1016/s0140-6736(18)31788-4 

9 réflexions sur “Un régime planétaire sain et durable en un coup d’œil [infographie]

  • 21 janvier 2019 à 10 h 01 min
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    Les pâtes complètes ou le riz sauvage est à mettre dans quelle catégorie; produits céréaliers complets (consommation encouragée) ou Féculents (consommation limitée)

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    • 21 janvier 2019 à 21 h 47 min
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      Les pâtes complètes ou le riz sauvage entrent dans les produits céréaliers complets.

      Dans les « féculents », seuls la pomme de terre et le manioc ont été « isolés » pour ces raisons :
      « Les pommes de terre, bien qu’elles contiennent de fortes concentrations de potassium et de certaines autres vitamines, fournissent une grande quantité de glucides rapidement absorbés, ou charge glycémique. La consommation quotidienne a été associée à un risque accru de diabète de type 2, d’hypertension et de gain de poids.
      À l’échelle mondiale, le manioc est cultivé pour sa résilience dans des conditions semi-arides, mais une fois transformé en farine, comme en Afrique, il a une faible valeur nutritionnelle et une charge glycémique élevée, ce qui pourrait augmenter les anomalies métaboliques, la prise de poids et les maladies cardiométaboliques. »

      C’est discutable mais il ne faut pas oublier que le rapport du Lancet a une approche mondiale et non individuelle.

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  • 26 février 2019 à 7 h 43 min
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    Bonjour,

    Quelle est l’incidence du pain consommé, par goût, en assez grande quantité quotidiennement ? Dans quelle catégorie entre-t-il et par quoi peut-on le remplacer pour une impression de satiété entre les repas ?

    Merci.

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    • 26 février 2019 à 20 h 49 min
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      Bonjour, si on veut suivre les recommandations du PNNS, il est préférable de prendre du pain complet. La consommation de fibres et de protéines favorise la satiété. Les produits céréaliers et les fruits/légumes sont des sources de fibres. Pour les protéines, il vaut mieux préférer la viande blanche ou des légumineuses associés à des céréales complètes. Le sentiment de satiété peut varier avec l’état émotionnel et d’autres facteurs.

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  • 2 mars 2019 à 12 h 35 min
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    Bonjour,

    Je viens de découvrir votre blog qui est intéressant. Je me permets de poser une question un peu hors sujet:
    Que pensez vous du régime végétarien/végétalien ? Auriez vous pour hasard déjà écrit des articles sur votre blog ?
    Je connais rien au sujet de la nutrition mais une amie a été végétarienne et elle a eu des problèmes de santé (prise de poids, carences,…). Finalement, elle a recommencé à manger de la viande et ces problèmes ont disparu. Je sais très bien que la plupart des végétariens n’ont pas ces problèmes mais je me demandais si chez certaines personnes, un régime végétarien ne peut pas être néfaste pour la santé ?
    Parce que sur Internet, il est dur de se faire un avis objectif sur la question tant la plupart des articles sur le sujet sont très partiaux c’est pour cela que je me permet de vous poser cette question vu que vous vous êtes un scientifique sérieux.

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    • 2 mars 2019 à 20 h 10 min
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      Bonjour,
      Merci pour cette question intéressante. Alors non pour le moment je n’ai pas écrit d’article purement sur les régimes végétariens/végétaliens parce que ce sont des sujets complexes et politisés et quand je le ferai, je veux que cela soit bien fait (= prend beaucoup de temps).

      J’ai déjà vulgarisé une étude sur un régime végétarien à base de produits transformés : https://quoidansmonassiette.fr/regime-vegetarien-maladies-cardiovasculaires-produits-vegetaux-aliments-transformes-a-eviter/

      C’est important d’avoir en tête que quand on réduit/supprime la consommation d’une catégorie de produits alimentaires (viande, poisson ou oeufs ou produits laitiers ou tous les produits d’origine animale), on mange plus d’autre chose. Une diminution forte de la consommation de produits animaux doit s’accompagner d’une augmentation des aliments végétaux riches en protéines (comme les légumineuses) et de produits céréaliers complets.

      Végétal n’est pas synonyme de bon pour la santé. Un régime faisant la part belle aux chips, au ketchup, aux sodas, aux céréales de petit déjeuner glacées au sucre, et au pain de mie recouvert de pâte à tartiner goût noisette, est un régime à dominante végétale. Ce sont des plats qui peuvent être labélisés « vegan ».

      L’éviction totale de produits animaux nécessite une complémentation en vitamine B12 (seulement trouvable dans les produits d’origine animaux). Pour un régime végétalien, il vaut mieux se faire accompagner par un professionnel de santé (diététiciens !). Cela complexifie la donne.

      Avis strictement personnel, j’encouragerais plutôt un régime varié, riche en produits bruts, architecturé sur une dominante végétale constituée de fruits et légumes, de légumineuses, noix, graines, produits céréaliers complets avec une diminution de la consommation des produits animaux mais sans les supprimer parce qu’ils sont des contributeurs en protéines de bonne qualité, certaines vitamines et éléments minéraux. Le poisson apporte également des oméga-3

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  • 28 octobre 2019 à 16 h 10 min
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    Bonjour! Je pensais qu’on considérait désormais les oeufs comme un aliment intéressant et qu’on peut consommer quotidiennement (contrairement aux recommandations passées) ??! Notamment source de protéines de très bonne qualité!
    Pourquoi les tubercules sont ils aussi mal placés?
    Merci 🙂

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    • 29 octobre 2019 à 15 h 56 min
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      Bonjour merci pour cette question. Il faut bien avoir en tête que ce rapport de the EAT-Lancet Commission porte sur une vision globale mondiale de l’alimentation saine. Je viens de mettre à jour l’article en détaillant l’infographie/les recommandations santé pour le régime alimentaire.

      Pour les oeufs, le rapport rappelle qu’ils sont une excellente source de protéines (comme vous le dites). Il y avait une controverse par le passé sur le cholestérol et les oeufs mais il a été constaté que le cholestérol alimentaire n’influe pas sur le risque cardiovasculaire donc il n’y a pas de soucis à manger des oeufs quotidiennement pour la santé. C’est l’excès de graisses saturées qui engendre du mauvais cholestérol synthétisé par l’organisme.
      Le rapport précise que « dans les pays à faible revenu, le remplacement des calories provenant d’un féculent (manioc ou pomme de terre) par un œuf peut considérablement améliorer la qualité nutritionnelle du régime alimentaire de l’enfant et réduire le retard de croissance

      Pour les tubercules, cela concerne que la pomme de terre et le manioc dans le rapport. La consommation de céréales complètes (pâtes complètes, riz complet, blé complet…) est encouragée. La pomme de terre est critiquée parce que sa consommation quotidienne était associée avec un risque accru de diabète de type 2, d’hypertension et de gain de poids. Cela serait dû à la grande vitesse d’absorption des glucides de la pomme de terre (charge glycémique élevée). La Commission EAT-Lancet ne propose pas de les éliminer mais de passer à 50g de pommes de terre/j et 232g de céréales complets par jour.

      Pour nous, le mieux est de consulter les recommandations nationales françaises du PNNS4 (qui sont adaptées à la population française et à nos habitudes alimentaires) : https://quoidansmonassiette.fr/pnns-4-nouvelles-recommandations-alimentaires-et-sur-lactivite-sportive-de-sante-publique-france-pour-2019-2021/

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