Le régime des centenaires d’Okinawa, une alimentation pour vivre plus longtemps ?
Okinawa Honto est la principale île de l’archipel japonais Ryūkyū. Cette région est connue pour son mode de vie et son alimentation saine réputée pour la longévité de ses habitants et ses fameux centenaires. L’espérance de vie en 2010 pour les femmes nées à Okinawa est de 87,2 ans ! Beaucoup de gens aspirent à vivre le plus longtemps possible. Des études sur les jumeaux ont estimé que 25% de la longévité est influencée par la génétique. Deux grandes voies sont possibles pour améliorer l’espérance de vie : la pharmacologie (les nouveaux médicaments, vaccins…) et le mode de vie/la diététique. Actuellement en France, il y a 20 669 centenaires d’après l’INED. Certains scientifiques pensent que les avancées scientifiques vont nous permettre de dépasser les 100 ans, d’autres estiment que nous avons atteint notre limite avec l’obésité, l’émergence de nouvelles maladies infectieuses.
Dan Buettner du National Geographic Society a évoqué le concept de “Blue Zones” pour parler de zone géographique où une population vit beaucoup plus longtemps que la normale. Ces Zones Bleues partagent des habitudes alimentaires et des modes de vie. L’éducation alimentaire et l’investissement des pouvoirs publics jouent un rôle majeur dans l’amélioration de la santé publique. Okinawa fait partie de ces Zones Bleues, où les personnes âgées ont une des meilleures santés dans le monde.
La plupart des décès dans les pays développés proviennent de maladies chroniques liées à l’alimentation. La hausse des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et des cancers reflète des changements économico-sociaux, ainsi que dans le mode de vie et l’alimentation et pourtant l’espérance de vie continue de croître. 80% des maladies cardiaques, 40% des cancers pourraient être évités en modifiant notre comportement (Craig Willcox et al.) : les habitudes alimentaires, l’activité physique, le tabagisme et l’alcoolisme.
Actuellement, la société converge vers un régime alimentaire commun avec beaucoup de graisses saturées, de sucres, de sucres transformées avec peu de fibres et de vitamines. Il est souvent appelé régime occidental Western diet. Les nutritionnistes assistent également à un changement de régimes dans certaines régions (Asie, Amérique latine, …) passant d’un régime traditionnel basé sur les végétaux vers un régime carné et industrialisé. Cette occidentalisation s’accompagne d’une hausse des maladies cardiovasculaires.
Le régime traditionnel d’Okinawa :
Ce régime est lié aux conditions socio-économiques d’il y a 50 ans. Les riches consommaient du riz blanc alors que les plus pauvres, les fermiers ou les pêcheurs consommaient des pommes de terre douces. Revirement complet dans les années 90 : leur pomme de terre Ipomoea batatas, « aliment de base des plus modestes » a été reconnue par le Center for Science in the Public Interest (CSPI) comme un des légumes les plus sains : riches en béta-carotène, vitamines B1, B2 , B9, C et E, peu grasse.
La nourriture de base du régime d’Okinawa est donc une pomme de terre douce (et non pas du riz comme les japonais), ainsi que des légumes tuberculaires racinaires jaunes ou verts et le soja. La patate douce peut survivre à des climats difficiles (tempêtes tropicales), c’est pourquoi elle s’est imposée dans leur régime. Les pommes de terre d’Okinawa peuvent être jaune, pourpre, orange, violette ou pourpre selon la variété. Par exemple, Satsuma Imo est jaune orange (la plus commune). Beni Imo est violette.
Ce régime est presque végétarien. Beaucoup de familles élevaient en plein air des poules, des cochons et des chèvres. Leurs principales sources protéiques sont de la viande maigre (consommée occasionnellement), les poissons et les crustacés (plus régulièrement). Ils consomment plus de fruits tropicaux que les japonais. Le régime traditionnel japonais apporte 8% de l’apport énergétique total (EAT) par les légumes alors que celui d’Okinawa apporte 58% d’EAT par les légumes.

Principales caractéristiques :
- faible densité calorique
- consommation élevée de légumes (racines, légumes verts et jaunes) + soja
- consommation modérée de produits de la mer
- faible consommation de produits laitiers, de viande, de graisse (beaucoup d’acides gras insaturés consommés)
- beaucoup de fibres
- consommation modérée d’alcool
Il partage de nombreuses caractéristiques avec le régime méditerranéen et le régime DASH (approche nutritionnelle pour réduire l’hypertension). Les habitants passent également beaucoup de temps à l’extérieur et font le plein de vitamine D. Et les retraités restent actifs (jardinage, marche…).
L’alimentation d’Okinawa s’accompagne aussi de quelques principes traditionnels :
- « hara hachi bu » consiste à manger avec parcimonie, sans se goinfrer, un peu moins qu’à sa faim.
- « kuten gwa » encourage à ne manger que de petites portions.
- « nuchi gusui » consiste à manger en pensant que les aliments ont des pouvoirs de guérison.
- favoriser une assiette colorée, synonyme de diversité alimentaire
En version occidentale, il faut manger souvent du poisson (3 fois par semaine minimum), consommer plus d’épices, d’aromates, d’algues et manger énormément de fruits et légumes. Les céréales complètes et les fruits secs sont à privilégier au détriment de la viande et des produits laitiers. Côté cuisson, il vaut mieux cuire à la vapeur ou en papillote. Pour finir, buvez autant de thé que vous voulez, ça vous apportera des antioxydants !
Quelques aliments spécifiques :
La margose ou le concombre amère (bitter melon) est également dans la diète d’Okinawa. Ce légume est riche en antioxydants. Le Goya chanpuru est un mélange de courgette amère, de tofu, d’œufs et d’émincés de porc avec quelques autres légumes, le tout sauté à la poêle.
Le thé au jasmin (Sanpin tea) est une boisson typique consommé. L’awamori est un alcool spécifique de là-bas, obtenu par distillation du riz, de l’eau, de la levure et d’un champignon noir.
Le shikuwasa (citrus depresa) est un agrume d’Okinawa riche en vitamine C.

Après la seconde guerre mondiale, le régime traditionnel d’Okinawa change. La patate douce est remplacée par le riz, le pain ou les nouilles, ce qui fait augmenter l’apport en graisse et diminuer la qualité glucidique.
Attention, adopter ce régime ne va pas forcément vous faire vivre aussi longtemps que cette population. L’alimentation est un des nombreux facteurs qui jouent sur l’espérance de vie. Le mode de vie (stress, sédentarité,tabac…) influe également énormément.
Tourisme

Okinawa est entouré d’un océan très limpide et de récits coraliens. La plongée est une activité touristique très prisée là-bas. Les petites îles de Miyako, au centre de l’archipel d’Okinawa, sont connues pour leurs plages de sable blanc et leurs eaux bleu turquoise.
Les gusukus sont des châteaux du Royaume de Ryūkyū (XIIe –XVIIe), classés patrimoine mondial de l’UNESCO.
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Sources :
William C. Cockerhama, Hiroyuki Hattori, Yukio Yamori – The social gradient in life expectancy: the contrary case of Okinawa in Japan – Social Science & Medicine 51 (2000) 115±122
Ruth Bonita – Cardiovascular disease in Okinawa – The Lancet Vol. 341, 8 Mai 1993
Donald Craig Willcoxa, Giovanni Scapagnini, Bradley J. Willcox – Healthy aging diets other than the Mediterranean: A focus on the Okinawan diet Mechanisms of Ageing and Development 136-137 (2014) 148–162
https://www.tourisme-japon.fr/decouvrez-le-japon/destinations/okinawa
Espérance de vie : www.mhlw.go.jp/english/database/db-hh/xls/1-44.xls (fichier excel du Ministère de la santé et du travail japonais)
OMS Statistiques sanitaires mondiales 2014 http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/112816/1/WHO_HIS_HSI_14.1_fre.pdf?ua=1
Espérance de vie en France : http://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mortalite-cause-deces/esperance-vie/
UNESCO – Sites Gusuku et biens associés du royaume des Ryukyu -http://whc.unesco.org/fr/list/972