Des néonicotinoïdes retrouvés dans trois quarts des miels du monde

D’après une équipe de l’Université de Neuchâtel en Suisse, trois quarts des miels dans le monde contiendraient des traces de néonicotinoïdes.

Les néonicotinoïdes sont une classe d’insecticides largement utilisée dans le monde. Ils agissent sur le système nerveux des insectes en activant les récepteurs nicotiniques. Cette sur activation engendre une paralysie mortelle. Heureusement, ces substances sont moins toxiques sur les neurones des mammifères (en comparaison aux organozphosphates). Ils se répandent facilement dans les milieux ainsi que dans toute la plante y compris les feuilles, la sève et le pollen. Cette dispersion systémique permet à la plante d’être protégée contre des insectes nuisibles. Environ seulement 5% de l’ingrédient actif de ces pesticides est absorbé par la plante et le reste se retrouve dans l’environnement (Wood et al. 2017).

Le déclin des abeilles et insectes pollinisateurs

Nombre colonies abeilles evolution etats-unies usaDans le milieu des années 2000, des inquiétudes ont été soulevées puisque les néonicotinoïdes peuvent avoir des effets néfastes sur des organismes non ciblés tels que les abeilles ou les bourdons. La surmortalité des abeilles est un phénomène complexe puisqu’elle résulte de plusieurs causes : prédateurs, parasites, bactérie, virus, produits chimiques…

Ces substances ont été incriminées comme une des causes du déclin des abeilles et donc des pollinisateurs. Depuis plusieurs années, une diminution des insectes qui fournissent des services écosystémiques est observée (ANSES). Les services écosystémiques sont un concept qui fait référence à la valeur (monétaire ou non) des écosystèmes et des services rendus à l’Homme par la nature.

Des restrictions d’utilisation des néonicotinoïdes

En 2013, la Commission Européenne avait interdit l’utilisation de 3 néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxane) en traitement des semences et en granule aux cultures, avec une exception pour les céréales d’hiver. Une réévaluation est encore en cours par l’EFSA de ces 3 substances. Normalement, les néonicotinoïdes sont censés être interdits en France à partir de Septembre 2018, suite au vote en août 2016 de la loi sur la biodiversité qui prévoit leur interdiction par principe de précaution.

Face à cette limitation, les industries de l’agriculture (Bayer, Syngenta, BASF…) souhaitent revenir sur cette loi qui selon eux va faire diminuer les rendements agricoles. Pourtant, il existe des alternatives aux pesticides comme les rotations culturales, les insectes auxiliaires ou a prophylaxie dans l’agriculture bio. Toutefois les rendements de l’agriculture bio comparée à celle conventionnelle sont encore débattus.

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Des traces de pesticides dans les miels

Une équipe de chercheurs suisses a analysé les teneurs en néonicotinoïdes de 198 échantillons de miel provenant des quatre coins du monde.

Le nectar et le pollen sont des ressources primordiales pour la survie des abeilles. Le nectar est transformé en miel qui est ensuite stocké dans la ruche pour la survie pendant l’hiver. Une abeille parcourt entre 4 km et 12,5 km autour de la ruche pour collecter du nectar ou du pollen. La ruche et le miel peuvent donc être des indicateurs de la contamination et de la qualité de l’environnement.

Nombre neonicotinoides miel continents monde
Mitchell et al. 2017

5 néonicotinoïdes communs ont été analysés : l’acétamipride, le clothianidine, l’imidaclopride, le thiaclopride et le thiamethoxame.

75% de ces échantillons contenait des doses quantifiables d’au moins un néonicotinoïdes en particulier en Amérique du Nord (86%), en Asie(80%), en Europe (79%) et en Amérique du Sud (57%). 45% des échantillons contenaient entre 2 et 5 néonicotinoïdes et 10% entre 4 et 5.

L’imidaclopride était le pesticide le plus retrouvé (dans la moitié des échantillons) alors que le clothianidine est le moins répandu (16% des échantillons).

La teneur moyenne était de 1,8 ng/g et le maximum retrouvé était de 56 ng/g. Dans l’UE, les Limites Maximales de Résidus (LMR) alimentaires se situent à 50 ng/g pour l’acétamipride, l’imidaclopride et le thiaclopride. Pour les échantillons européens, les LMR n’étaient pas dépassées. Par ailleurs, les chercheurs estiment qu’il n’y a pas de risque à consommer du miel contaminé puisque la teneur en néonicotinoïde reste faible dans le miel. Cependant, cela montre que les pollinisateurs sont exposés aux néonicotinoïdes. La question d’une exposition multiple (effet cocktail) à plusieurs pesticides reste sans réponse pour le moment par manque d’études.

carte néonicotinoïdes répartition mondiale concentration miel
Mitchell et al. 2017

Et la santé humaine ?

Suite à la publication d’une étude sur les effets de deux néonicotinoïdes sur des récepteurs présents dans le cerveau (nicotiniques à l’acétylcholine), l’EFSA, l’Autorité Européenne de la Sécurité Alimentaire,a été saisie en 2013 par la Commission Européenne pour évaluer les conséquences sur le système nerveux durant le développement. L’EFSA estime que l’acétamipride et l’imidaclopride pourraient endommager le développement du système nerveux et humain et donc affecter l’apprentissage et la mémoire (EFSA 2013). « The  Panel  concludes  that  both  compounds  may  affect  neuronal  development  and function,  although  several  methodological  limitations  have  been  identified. »

Même si les éléments de preuve sont limités pour le moment, l’EFSA encourage plus d’études sur ces néonicotinoïdes et sur leurs potentiels effets neurotoxiques développementaux.

Le thiaclopride avait été classé en 2003 comme « probablement cancérigène » pour l’homme par l’US-EPA en particulier en se basant sur des tumeurs thyroïdiennes, ovariennes et utérines de rat.

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Sources :

E. A. D. Mitchell. A worldwide survey of neonicotinoids in honey. Science  06 Oct 2017: Vol. 358, Issue 6359, pp. 109-111

Wood et al. The Environmental Risks of neonicotinoid pesticides: a review of the evidence post-2013. Environmental Science and Pollution Research (January 2017)

B.J. Brosi et al. Ecological and evolutionary approaches to managing honeybee disease. Nature Ecology & Evolution 1, 1250–1262 (2017)

ANSES – Avis relatif « aux risques que présentent les insecticides à base de substances de la famille des néonicotinoïdes pour les abeilles et les autres pollinisateurs dans le cadre des usages autorisés de produits phytopharmaceutiques »  https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBCHIM2015SA0142.pdf

EFSA – Panel on Plant Protection Products and their Residues (PPR) – Scientific Opinion on the developmental neurotoxicity potential of  acetamiprid and imidacloprid – 21 février 2014

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