Mariner sa viande rouge pourrait limiter le risque de cancer colorectal induit par le fer et l’oxydation des lipides

Une marinade d’extraits aqueux d’olive et de raisin pourrait prévenir des mécanismes délétères induits par la consommation de viande rouge associés au développement de cancer colorectal d’après une étude INRA publiée dans le journal Cancer Prevention Research.

La viande rouge est une source de protéines de haute qualité et de graisses en quantités variables, de vitamines B et de fer et de zinc mais le PNNS français conseille d’en limiter la consommation à 500g/semaine maximum. La viande rouge fait référence aux muscles de mammifères tels que le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval et la chèvre.

Viande rouge et risque de cancer colorectal

viande rouge risque cancer colorectal dose réponse méta-analyse
Un RR=1.4 correspond à une augmentation de +40% du risque de cancer colorectal

Le cancer colorectal est un des cancers les plus répandus. En 2015, le Centre International de Recherche contre le Cancer (IARC) avait classé la viande rouge en « probablement cancérigène » (groupe 2A) et la charcuterie en cancérigène pour l’Homme (groupe 1).

L’analyse de l’IARC a considéré 20 cohortes de qualité de 1990s à 2010s. Une cohorte est une étude d’observation humaine qui consiste à comparer la survenue d’une pathologie dans plusieurs populations définies en fonction de leur exposition à un facteur présumé causal (ici la viande rouge) pour cette pathologie. Parmi ces 14 cohortes sur la viande rouge, sept études ont retrouvé des associations positives entre consommation de viande rouge importante et risque accru de cancer colorectal.

L’IARC a conclu que le niveau de preuve du caractère cancérigène de la consommation de viande rouge est limité pour les hommes  pour les cancers colorectal, du pancréas et de la prostate. Cependant, pour les études sur les mécanismes biologiques plausibles, le niveau de preuve est élevé pour la viande rouge.

Le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17% pour chaque portion de 100 grammes de viande rouge consommée par jour (IARC).

Comment expliquer que la viande rouge soit liée au cancer colorectal ?

La littérature scientifique met en évidence plusieurs mécanismes plausibles :

  • Formation nitrosaminesLa péroxydation des lipides. L’oxydation des lipides pourrait aboutir à des hydroperoxyde lipidiques qui peuvent se décomposer en aldéhydes, en malondialdehyde (MDA) et en 4-HNE, des substances cytotoxiques et génotoxiques. Un agent génotoxique provoque l’apparition de lésions dans l’ADN. Cette oxydation pourrait être provoquée par les radicaux libres (des espèces réactives à l’oxygène extrêmement instables) ou le fer héminique de la viande.

  • La formation de composés N-nitrosés. Ces composés (N-nitrosamines et N-nitrosamides) peuvent être produits durant la transformation, le stockage ou la préparation des aliments à partir de nitrites ou d’oxydes d’azote, d’amines secondaires, d’acides aminés ou à température élevées lors de la friture des aliments. Les nitrosamines sont génotoxiques.  Les études épidémiologiques suggèrent un lien possible du N-nitrosodiméthylamine (NMDA) avec des cancers de l’estomac, colorectaux et pulmonaires. L’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) estime que les nitrosamines qui se forment dans l’organisme à partir des nitrites ajoutés (E 249 à E 252) dans des produits à base de viande aux niveaux autorisés sont peu préoccupants pour la santé humaine.

  • La formation d’amines aromatiques hétérocycliques (HAAs). Les viandes cuites à haute température peuvent produire des HAAs à partir de la créatine du muscle. Les HAAs sont classés en probablement cancérigènes.

  • La formation d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAHs). Les HAP peuvent se former durant la cuisson à la flamme ou sur une surface chauffante et par le fumage par pyrolyse des graisses en particulier si celles-ci sont brûlées ou carbonisées. Ces HAP ont des effets génotoxiques.

  • Le stress oxydatif. La consommation de viande rouge bien cuite pourrait être liée à une inflammation chronique.

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Mariner sa viande avec des extraits d’olive et de raisin, un effet protecteur ?

L’équipe de Toxalim a investigué l’effet de la marinade et de la cuisson de la viande sur la promotion de carcinogenèse colorectale à travers l’évaluation de biomarqueurs urinaires et fécaux. Ces biomarqueurs caractérisent la peroxydation lipidique et la teneur en fer, mécanismes potentielles impliqués dans les dommages à l’ADN.

Effets de la cuisson, de la marinade et de la consommation de viande testés

92 rats mâles Fischer avec une carcinogenèse induite (pour étudier l’effet de promotion) ont été nourris pendant 14 jours avec 6 régimes donnés aléatoirement :

  • soit avec de la viande rouge crue

  • de la viande rouge saignante

  • de la viande rouge bien cuite et marinée

  • de la viande rouge bien cuite et non marinée

  • un régime sans viande (groupe contrôle).

La marinade présentait des extraits aqueux d’olive et de raisin, riches en antioxydants. Des souris Apc Min (n=97) ont également été nourries pendant 45 jours avec des régimes similaires.

cross-over designUn volet d’étude d’intervention humaine a été développé. 24 volontaires ont participé à un essai randomisé contrôlé (cross-over). Durant la 1ère semaine, ces participants devaient manger un régime sans bœuf ou porc et avec peu de produits antioxydants. Ces individus étaient ensuite soumis aléatoirement à 4 jours d’intervention avec soit 110g/j de bœuf non mariné saignant ou de bœuf mariné saignant ou de bœuf bien cuit. Ensuite, les selles et les urines de ces personnes étaient récupérées pour analyser les biomarqueurs.

Pour ces différents groupes (études animales et humaine), le nombre de MDF a été observé ainsi que la taille.

Les principales conclusions sont :

  • La consommation de viande rouge augmente les teneurs en biomarqueurs de peroxydation lipidique (effet néfaste) par rapport au régime sans viande chez les rats. Par contre, la consommation de viande marinée était associée à une augmentation plus faible statistiquement qu’avec la viande non marinée, ce qui suggère à un effet protecteur de la marinade sur l’altération des lipides de la viande.

  • De même, la marine a eu un effet protecteur par rapport à l’augmentation du nombre de tumeur suite à la consommation de viande rouge par rapport à la viande non marinée chez les souris femelles (pas mâles).

  • Dans l’étude humaine, les teneurs en biomarqueurs TBARS ont augmenté de manière significative chez les consommateurs de viande. Les teneurs de ce biomarqueur ont diminué lors de la consommation de viande marinée par rapport à la viande saignante (mais pas de différence significative avec la viande rouge bien cuite). Il n’y a pas eu d’effet significatif de la marine pour les autres marqueurs DHN-Man, l’ATNC la génotoxicité. La marinade pourrait donc réduire les effets de peroxydation lipidique.

L’explication de cet effet protecteur est que les propriétés antioxydantes de l’olive et du raisin avec certains composés phénoliques comme le resveratrol et l’hydroxytyrosol pourraient réduire l’oxydation lipidique suspectée être impliquée dans la promotion du cancer colorectal. A noter que l’auteur principal travaille pour le Centre technique de la viande (les résultats restent néanmoins intéressants !).

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Sources :

Martin et al. Targeting colon luminal lipid peroxidation limits colon carcinogenesis associated with red meat consumption. Cancer Prev Res June 28 2018 DOI: 10.1158/1940-6207.CAPR-17-0361.

WHO  (2008)  N-Nitrosodimethylamine  in  drinking-water.  Background  document  for  preparation  of  WHO    Guidelines    for    drinking-water    quality.    Geneva,    World    Health    Organization    (WHO/HSE/AMR/08.03/8).

IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans. Red Meat and  PRocessed Meat  volume 114 http://monographs.iarc.fr/ENG/Monographs/vol114/mono114.pdf

Demeyer et al. Mechanisms Linking Colorectal Cancer to the Consumption of (Processed) Red Meat: A Review. Crit Rev Food Sci Nutr. 2016 Dec 9;56(16):2747-66

Bastide et al. Heme Iron from Meat and Risk of Colorectal Cancer: A Meta-analysis and a Review of the Mechanisms Involved. Cancer Prev Res (Phila). 2011 Feb;4(2):177-84

Derry et al. Identifying molecular targets of lifestyle modifications in colon cancer prevention. Front. Oncol., 14 May 2013


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