Les produits ménagers parfumés, une source de pollution de l’air intérieur

Selon une étude publiée dans Science Advance, les produits nettoyants parfumés (contenant des terpènes) sont des sources de composés organiques volatiles qui réagissent avec l’ozone atmosphérique, produisant des aérosols organiques secondaires nocifs.

La pollution de l’air intérieur

Environ 2,3 millions de personnes (4% des décès en 2019) meurent prématurément de maladies imputables à la pollution de l’air intérieur dans le monde (Bennit 2021).

Les DALYs (années de vie perdues) constituent une mesure du fardeau de la maladie qui quantifie la
mortalité prématurée reliée aux diverses causes de décès, mais aussi l’écart entre l’état de
santé fonctionnelle actuel d’une population et un idéal hypothétique que l’on souhaite
atteindre

La pollution atmosphérique résulte de réactions de combustion (cuisson, feux de forêt, gaz d’échappement, cheminées d’usine…) ou de formation secondaire de composés organiques volatiles (COV) (fabrication/manipulation de solvants, d’insecticides…). Tout type de combustion (bougies, encens, cigarettes…) est mauvaise. Les cuisinières à gaz et la cuisson des aliments libèrent également des particules malsaines dans l’air. Les COV les plus courants dans l’air sont le benzène (cancérigène), le dichlorométhane, le toluène, le xylène ou l’acétaldéhyde (cancérigène). Une exposition aiguë aux COVs peut donner des irritations, des maux de tête et des difficultés respiratoires. Cette pollution de l’air peut induire de l’asthme, des pneumonies, de la cardiopathie ischémique, des bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), des AVC et des cancers du poumon (Lee 2020).

Un RR=1,23 [1,11-1,36] s’interprète comme ça « les sujets exposés à la pollution intérieur ont un risque 1,23 fois plus important d’avoir de l’asthme que ceux non exposés. Source : Lee 2020

D’autres sources importantes de pollution de l’air intérieur comprennent les produits de soins personnels et de nettoyage, dont les parfums contiennent des produits chimiques organiques volatils qui réagissent avec l’ozone l’air pour former de petites particules appelées aérosols secondaires organiques.

Les terpènes et les composés organiques volatiles

Le limonème est un monoterpène souvent utilisé dans les produits pour donner une odeur d’agrumes. Il a également une bonne capacité en tant que solvant pour retenir la saleté. On le retrouve à des concentrations de 20 à 50 μg m−3 dans les bâtiments résidentiels avec des pics à 70 μg m−3 lors du nettoyage. Les composés organiques volatiles émis par les produits de nettoyages peuvent être oxydés par l’ozone O3 ou des radicaux (l’hydroxyle OH, le nitrate NO3 ou le Chlore Cl). Cette oxydation conduit à la formation de peroxydes, d’alcools, de carbonyles, d’acides carboxyliques et d’autres composés organiques à faible volatilité et hautement oxydés : des aérosols organiques secondaires. L’ozone peut réagir avec les terpènes (le limonène), les terpénoïdes, le squalène et les acides gras insaturés retrouvés dans les huiles pour la peau ou de cuisson. Voici un schéma simplifié présentant l’ozonolyse des COV (en anglais, VOC, Volatile Organic Compounds) menant à la formation d’aérosol (SOA).

réaction oxydation COV_V2
VOC= composé organique volatile. HOMs = molécules organiques hautement oxygénées. NCA= aérosol en nanocluster. OVOC=COV oxygéné. SOA= aérosol organique secondaire

Mesure de l’impact des produits de nettoyage sur la qualité de l’air intérieur

Des chercheurs ont voulu mesurer l’impact du nettoyage d’une pièce de 50m3 (surface de 5,46m*3,76m) avec un nettoyant à base de terpène pendant 12-14 minutes. Ils ont mesuré les concentration, les distributions granulométriques des différentes particules émises ainsi que les produits de réactions chimiques durant les 90 minutes suivantes.

Au cours des première et deuxième périodes de nettoyage, les concentrations en monoterpènes ont culminé à 280 et 380 ppb (1ppb=partie par milliard = millimètre cube par mètre cube), respectivement. C’est 140 à 190 fois plus que les concentrations en  monoterpènes observées à l’extérieur du bâtiment de recherche pour ce jour (~ 2 ppb). La concentration en limonène était 1,3 à 2,2 fois plus importante que l’application d’un produit nettoyant sur une petite table dans une pièce de 25 m3 et 20 fois plus importante que dans une salle de classe en Australie (Morawska 2009). Les concentrations en isoprènes et sesquiterpènes sont passées de 7 et 0,2 ppb à 13 et 0,8 ppb après le 1er nettoyage. Ces composés sont connus pour être précurseurs d’aérosols organiques secondaires. Pendant la phase de nettoyage, la concentration en ozone a brusquement diminuée puis elle ré-augmente lentement suite à la ventilation mécanique de la pièce (apport externe d’O3). Les concentrations en HO2 et RO2 ont augmenté après les phases de nettoyage.

Concentrations en monoterpènes et en ozone

La plupart des molécules émises étaient du limonène (odeur d’agrume), de l’alpha-pinène (odeur de sapin), béta-pinène et du camphène.

Sur ces graphiques ci-dessous, on peut voir un pic de produits oxydés (D) qui survient après les nettoyages. Le nettoyage est également associé à une production de nanoparticules (F).

La ventilation du laboratoire, semblable à celle d’un immeuble de bureaux typique, n’était pas assez puissante pour éliminer les particules. La ventilation peut également être une arme à double tranchant, selon les chercheurs. Il élimine les particules, mais il peut également apporter de l’ozone de l’extérieur. Utiliser des filtres à air au charbon actif pourrait aider à réduire la formation de particules. Ils conseillent de faire du nettoyage le matin ou le soir lorsque les niveaux d’ozone ont tendance à être plus bas.

Le temps aide aussi : dans les heures qui suivent le nettoyage, les particules nouvellement formées grossissent, après quoi elles se déposent dans l’air. Lorsqu’elles reposent sur des surfaces, les particules sont inoffensives.

Une autre étude de cohorte avait constaté que les activités de nettoyage chez les femmes, qu’elles soient domestiques ou professionnelles, peuvent constituer un risque pour la santé respiratoire non seulement en termes d’asthme, mais également en termes d’impact à long terme sur le déclin de la fonction pulmonaire (Svanes 2017).


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Source : Rosales, Colleen Marciel F et al. “Chemistry and human exposure implications of secondary organic aerosol production from indoor terpene ozonolysis.” Science advances vol. 8,8 (2022): eabj9156. doi:10.1126/sciadv.abj9156

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