Le régime bio méditerranéen associé à une baisse de l’exposition aux pesticides synthétiques dans une étude en Grèce

Un essai clinique publié dans The American Journal of Clinical Nutrition vient de montrer que passer d’un régime méditerranéen conventionnel à un régime méditerranéen bio permet de réduire fortement l’exposition aux pesticides synthétiques (herbicides, insecticides, fongicides) chez des étudiants en bonne santé.

En population générale, les données sur l’exposition chronique aux pesticides et à faible dose sont parcellaires et il n’est pas clair si cela pose des problèmes de santé chez le consommateur. L’agriculture biologique limite l’usage des plusieurs pesticides de synthèse, ce qui peut être une voie pour limiter son exposition. L’étude française NutriNet-Santé a constaté que la consommation d’aliments bio était associée à une réduction du risque d’être en surpoids (Kesse-Guyot 2017), de syndrome métabolique (Baudry 2018), de cancers (Baudry 2018). Une étude norvégienne a montré que le régime bio était associé à une réduction de pré-éclampsie, une maladie de la grossesse qui associe une hypertension artérielle et la présence de protéines dans les urines (Torjusen 2014) et d’hypospadie (anomalie congénitale) à la naissance (Bratsaeter 2016).

L’essai clinique comparant les régimes bio vs conventionnel

L’objectif de l’essai clinique était de tester l’impact de régimes pendant 2 semaines sur les pesticides dans les urines :

  • le passage d’un régime alimentaire occidental à un régime méditerranéen avec une consommation élevée en fruits et légumes
  • d’un régime méditerranéen bio par rapport à un régime conventionnel méditerranéen

Les données ont été collectées entre le 19 Mai et le 16 Juin 2017. L’étude avait inclus 27 étudiants de master et doctorat volontaires et en bonne santé de plus de 18 ans lors d’un voyage en Grèce. Les étudiants ont formé des groupes de 2 à 4 personnes par chambre à l’auberge pendant la période d’intervention. Dans chaque chambre, ils ont été assignés aléatoirement soit au régime bio méditerranéen soit au régime conventionnel méditerranéen. L’étude a duré 5 semaines et les périodes d’intervention (passage du régime occidental au méditerranéen) se sont déroulées en semaines 2 et 3. Le régime alimentaire a été évalué avec des carnets alimentaires de 7 jours. Des échantillons d’urine et de sang ont été collectés avant, pendant et après la période d’intervention. Les résidus de pesticides ont été mesurés dans les urines.

Les principaux résultats

Les deux groupes (bio vs conventionnels) étaient similaires en poids, taille, âge et % de masse grasse. Il n’y avait pas de différence de concentrations en résidus de pesticides urinaires durant la semaine 1 (avant la période d’intervention) et 5 (après la période d’intervention). Durant la période d’intervention (passage au régime méditerranéen), il n’y avait pas de différences de consommations alimentaires entre le groupe bio vs conventionnel sauf pour les œufs qui étaient plus consommés dans le groupe bio.

Les concentrations totales (somme de tous les pesticides) urinaires étaient 91% plus basses dans le groupe bio par rapport au groupe conventionnel. Cependant, cette diminution variait significativement selon le type de pesticides : -95% pour le chlorméquat, 26% pour les herbicides, -66% pour les insecticides, -72% pour les organophosphates et -53% pour les pyréthrinoïdes. Il n’y avait pas de différence significative pour l’excrétion urinaire du Cuivre. Le glyphosate urinaire n’a été détecté que dans le régime conventionnel mais pas dans le régime bio.

Les régimes occidental habituel et méditerranéen conventionnel avaient des profils d’excrétion urinaire de pesticides synthétiques similaires. Il y avait une proportion plus importante d’échantillons d’urine positifs au chlorpyriphos et aux métabolites t-CDCA (pyréthrinoïdes) dans le régime méditerranéen conventionnel. Par contre, passer du régime occidental habituel au régime méditerranéen conventionnel était associé à une augmentation de l’excrétion urinaire en insecticides, en pyréthrinoïdes et en organophosphates.

Il y avait un effet d’interaction du sexe pour le chlorméquat et la somme totale des pesticides synthétiques : l’excrétion urinaire était 60% et 55% plus faibles, respectivement, chez les femmes. Durant cette période d’intervention, les hommes mangeaient plus de produits céréaliers raffinés et d’œufs que les femmes.

Herbicide, μg/d ConventionnelBio
Femmes0,71± 0.080,75± 0.08
Hommes0,95± 0.070,46± 0.07

Les consommations de légumes, de vin, de thé, de produits céréaliers complets étaient corrélées à l’excrétion urinaire en pesticides. La consommation de légumes et de café était associée à l’excrétion de néonicotinoïdes, de parathion (organophosphate), de deltaméthrine et de dithiocarbamates (fongicides). La consommation de produits céréaliers à grains entiers et de bière était étroitement associée au 2,4-D et au chlorméquat. La consommation de fruits/jus de fruits et de vin était plus étroitement associée aux pyréthroïdes (m-PBA, Cl2CA et trans-CDCA) et à l’excrétion de l’insecticide chlorpyriphos. En revanche, il y avait une association négative entre la consommation de produits céréaliers raffinés et la plupart des résidus de pesticides.

Et les pesticides autorisés dans le bio ?

Les auteurs de l’étude rappellent dans les matériaux supplémentaires que l’agriculture bio de l’Union Européenne autorise certains pesticides à base de minéraux (cuivre ou iode), à base d’extraits de plantes (pyréthrine, azaridactine), de fermentation microbienne (spinosade). Les fongicides bio à base de cuivre soulevaient des inquiétudes puisque le cuivre à haute dose est toxique. Si on reprend le dernier rapport de l’EFSA sur les pesticides retrouvés dans les produits alimentaires bio, on retrouve en tête : le cuivre, le spinosade, les ions bromes, les dithiocarbamates, le fosetyl, les chlorates, l’hexachlorobenzène, le chlopyrifos…

Les auteurs ont analysé au total 492 substances actives dont certaines autorisées dans le bio.

Les fongicides autres que les dithiocarbamates, le spinosad, la roténone n’ont pas été détectés dans les aliments. Il n’y avait pas de différence d’excrétion de cuivre (159 μg/d dans les urines du groupe ayant consommé des aliments conventionnels vs 162 μg/d dans les urines du groupe ayant consommé du bio). Pour plusieurs substances retrouvées habituellement dans le bio, il y avait moins d’échantillon urinaire positif à ces substances.

% échantillons urinaires positifs
Substance activeAbbréviationConventionnelBioClasse
Pyréthrinest-CDCA6624Insecticides pyrethrinoïdes
SpinosadNon détectéNon détectéInsecticides
DithiocarbamatesTTCA50Fongicides
ChlorpyriphosTCHP10050Insecticides organophosphates
Thiacloprid6-CNA518Néonicotinoïdes
Acétamipride6-CNA518Néonicotinoïdes
Quelques substances autorisées dans le bio

Les limites

Ces résultats montrant que le bio est associé à une réduction de l’excrétion urinaire en pesticides synthétiques (et donc de l’exposition). Ces résultats sont cohérents avec ceux d’autres précédentes études (Curl 2019, Hyland 2019). Un aspect toujours manquant de ce type d’études est : est-ce que cette réduction de l’exposition est associée à un réduction de risque de maladies ? Il est difficile d’étudier ça en essais cliniques étant donné que les cancers ou le diabète de type 2 mettent plusieurs années à se développer alors que la durée de l’intervention (régime bio) est très courte.

Etude d’Hyland 2019 où 16 enfants et adultes américains ont suivi leur régime normal pendant 5 jours puis pendant 6 jours, ils ont reçu des produits alimentaires et boissons bio. Le graphique représente la concentration moyenne des résidus de pesticides dans les urines. Organic (vert) = bio. Conventionnel en bleu.

Une des limites des marqueurs urinaires (mesurer des résidus de pesticides dans l’urine) est qu’on ne peut pas déterminer la source initiale. L’exposition environnementale peut également amener à une exposition aux pesticides. Le régime occidental (semaines 1 et 5) ont été consommés dans un environnement urbain aux États-Unis alors que le régime méditerranéen (bio ou conventionnel) était consommé en milieu rural en Grèce. Par exemple, l’utilisation de prise anti-moustique à base de pyréthrinoïdes dans les chambres a également amené à une exposition non-alimentaire aux pyréthrinoïdes synthétiques. Une autre limite importante est le petit nombre de participants et le non-masquage des régimes. Certains fongicides retrouvés dans les aliments conventionnels n’ont pas été mesurés dans les urines, ce qui peut sous-estimé l’exposition totale aux pesticides. Cette étude se limite à comparer une régime méditerranéen bio ou conventionnel donc on ne peut pas extrapoler ces résultats à un régime alimentaire occidental. L’effet est susceptible d’être amoindri dans les régimes occidentaux à cause d’une plus faible consommation de fruits et légumes. On ne sait pas si les différences d’excrétions des pesticides entre les sexes sont dues à des différences de métabolismes ou physiologie et/ou de consommations alimentaires.


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Source : Leonidas Rempelos, Juan Wang, Marcin Barański, Anthony Watson, Nikolaos Volakakis, Hans-Wolfgang Hoppe, W Nikolaus Kühn-Velten, Catherine Hadall, Gultakin Hasanaliyeva, Eleni Chatzidimitriou, Amelia Magistrali, Hannah Davis, Vanessa Vigar, Dominika Średnicka-Tober, Steven Rushton, Per Ole Iversen, Chris J Seal, Carlo Leifert, Diet and food type affect urinary pesticide residue excretion profiles in healthy individuals: results of a randomized controlled dietary intervention trial, The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 115, Issue 2, February 2022, Pages 364–377, https://doi.org/10.1093/ajcn/nqab308

Une réflexion sur “Le régime bio méditerranéen associé à une baisse de l’exposition aux pesticides synthétiques dans une étude en Grèce

  • 8 avril 2022 à 13 h 21 min
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    Bonnjour, j’aime bcp votre blog, même si j’y vais rarement.

    Je ne suis pas sûr de la pertinence de cet article, puisqu’il stipule, en substance, que l’étude n’apporte pas grand chose au savoir humain. Cela aurait justement pu être l’occasion d’expliquer en quoi des études isolées, et même juste plein d’études en santé, ont un pouvoir descriptif minime (quand il n’est pas nul), ce qui pourrait amener les décideurs à financer des études plus complètes et plus utiles pour la société.

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