Impacts du COVID-19, des confinements et du ralentissement économique mondial sur les émissions de CO2 et le changement climatique ?
Le ralentissement de l’activité économique lié à la pandémie de COVID-19, la fermeture des frontières et les confinements ont entraîné une réduction temporaire importante des émissions de gaz à effet de serre (GES). Une étude dans Science Advances suggère que l’impact sera quasiment non détectable pour le changement climatique.
Gaz à effet de serre et réchauffement climatique
Les gaz à effet de serre comprennent notamment le dioxyde de carbone, le méthane, la vapeur d’eau et l’oxyde nitreux. Ceux-ci retiennent une part de l’énergie solaire par effet de serre. Le CO2 peut rester jusqu’à 100 ans dans l’atmosphère. Ces niveaux de GES sont mesurés en parties par million (ppm), une indication de leur abondance atmosphérique mondiale. La concentration en GES depuis des années ne cesse d’augmenter et est passée de 411,75ppm à 414,49ppm entre décembre 2019 et 2020 au niveau mondial.

Les niveaux en CO2 atmosphériques résultent de la balance entre les émissions anthropiques et naturelles et sa transformation/absorption par la biosphère. Le CO2 atmosphérique n’est pas détruit par photochimique mais peut par exemple se dissoudre dans l’eau ou être transformé par photosynthèse par les plantes. Les perturbations anthropiques du cycle mondiale du carbone sont liées à la combustion de combustibles fossiles, la modification de la distribution et la structure de la végétation et l’utilisation des terres.

En 2015, le seuil de 400 ppm avait été franchi. D’après le Groupe Intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1°C au-dessus des niveaux préindustriels. Il est probable que le réchauffement planétaire atteigne 1,5°C entre 2030 et 2052 (degrés de confiance élevé). En cas de réchauffement de 1,5°C, le GIEC estime que 6% des insectes, 8% des végétaux et 4% des vertébrés perdraient plus de la moitié de leur aire de répartition. La fréquence, l’intensité et la répartition géographique des événements météorologiques seront modifiés. Le changement climatique impactera également la production agricole, le fonctionnement des écosystèmes, l’acidification des océans et bien d’autres éléments.
Une baisse notable des émissions de CO2 liée à la pandémie
Le Global Carbon Project estime que la pandémie a entraîné une réduction annuelle de CO2 au niveau mondial de 4,2 à 7,5%. Il faudrait de telles réductions chaque année pour limiter le réchauffement climatique de 1,5°C.
Au niveau de l’Europe, les réductions des émissions de polluants les plus importantes ont été observées vers fin Mars pendant les confinements les plus stricts. A la fin du mois de juillet, les émissions des polluants sont revenus à leurs niveau d’avant le confinement. Les baisses d’émissions les plus importantes ont été constatées pour l’aviation (-52 %) et le transport routier (entre -20% et -23%, selon le polluant).

Les diminutions les plus importantes d’émissions européennes entre janvier et juillet 2020 concernent les oxydes d’azote (NOx) (-13,1%) et les énergies fossiles de CO2 (-10,3%). Les émissions en particules fines ont moins diminuée (-4%) car elles sont principalement attribuable aux activés de combustion résidentielle.

Voici d’autres images illustrant des réductions importantes d’oxydes nitreux atmosphériques suite aux confinements en Chine (entre Janvier et Février 2020)

En Italie en comparant le 31 Janvier 2020 et 15 Mars 2020 pour les niveaux en NO2 :

Une étude dans le journal Nature Climate Change (Le Quéré 2020) estime que les émissions mondiales de GES avaient chuté d’environ 17% (-11% à -25% pour la fourchette de l’estimation) en avril 2020 par rapport aux niveaux de 2019. Ils ont analysé les émissions de 69 pays représentant 97% des émissions mondiales. Différents scénarios ont été élaborés d’une échelle de confinement de 0 (pas de mesure), 1 (restrictions appliquées à des groupes d’individus), 2 (confinements locaux/régionaux/de villes) à 3 (confinement national).

Dans le cas du confinement national, l’activité de l’industrie était réduite de 35%, de 50% pour les transports, +5% pour les lieux de résidence, -75% pour le secteur de l’aviation. Le confinement a produit une diminution mondiale de -17 Mt de CO2 par jour (période en rouge sur le graphique ci-dessous), soit environ -1 048 Mt CO2 pendant la période Janvier-Avril 2020. Les émissions mondiales journalières d’Avril 2020 étaient équivalentes à celle de 2006.

Ces émissions en CO2 ont diminué de 36% pour les transports, de 7,4% pour le secteur énergétique, de 19% pour l’industrie en comparant la période de début de 2020 et 2019. Le fond monétaire international estime que par contre en 2021, il pourrait y avoir un rebond des émissions de CO2 d’environ +5,8% avec la reprise de l’activité économique et des déplacements.

Une autre étude dans le journal Nature Communication (Liu 2020) a fait le même type d’analyse mais pour la période du 1er janvier au 30 juin 2020. Les auteurs estiment qu’on a eu une diminution de 8,8% (1 551 Mt CO2) lors des 6 premiers mois de 2020 par rapport aux émissions de 2019 au niveau mondial. C’est cohérent avec l’étude précédente.

Les émissions journalières de CO2 ont été réduite de 13,3% aux États-Unis, de 12,7% dans l’Union Européenne, de 3,7% en Chine et de 7,5% au Japon. On peut constater que la Chine s’est très vite rétablie avec un effet de rebond.

Ces baisses sont principalement dues à la diminution de l’utilisation des moyens de transport (40% de la baisse), de la production d’énergie (17% de la baisse) et des avions (13% de la baisse). On a une légère augmentation des émissions pour les lieux de résidence ce qui est cohérent avec le confinement et l’hiver.

Un impact faible voire indétectable sur le changement climatique
On a pu voir précédent cette baisse temporaire des émissions de CO2 sur une très courte période de temps mais le changement climatique est un phénomène à suive sur une échelle de temps beaucoup plus grande. Une étude dans Science Advance a estimé les effets potentiels de ces réductions d’émissions à court terme de 4 scénarios de réductions des émissions de CO2 (de -10%, -25%, -50% et -100%) par rapport au scénario SSP2-4.5. Les scénarios SSP d’évolution socio-économique comprennent :
- Le SSP2 décrit un monde caractérisé par la poursuite des tendances actuelles
- Le SSP3 dépeint un monde fragmenté affecté par la compétition entre pays, une croissance économique lente, des politiques orientées vers la sécurité et la production industrielle et peu soucieuses de l’environnement
- Le SSP4 est celui d’un monde marqué par de grandes inégalités entre pays et en leur sein. Une minorité y serait responsable de l’essentiel des émissions de GES, ce qui rend les politiques d’atténuation plus faciles à mettre en place tandis que la plus grande partie de la population resterait pauvre et vulnérable au changement climatique
Les projections des modèles montrent que la réduction des émissions pendant la pandémie de 2020 se traduira pas une légère réduction du CO2 de surface dans les deux ans, si la réduction de 2020 est supérieure à 25%. Pour le scénario de réduction de 10%, l’intervalle de l’estimation englobe le zéro.

Pour l’aérosol SO4, la réduction des émissions seraient de courte durée et reviendraient à leurs niveaux avant la pandémie d’ici 3 ans.

Les auteurs écrivent également qu’une réduction des émissions de CO2 de 25% n’entraîne qu’un léger retard de 3 mois de l’augmentation moyenne de la température mondiale. Dans cette étude, c’est important de rappeler qu’il s’agit de scénarios modélisés hypothétiques. Au final, l’impact sur le changement climatique sera sans doute nul ou très très limité.
Un petit tip pour la pérennité du blog sur Tipeee ou UTip (pas besoin de compte – cliquer sur l’icône)

Follow @T_Fiolet
Si l’article t’a plu ou si tu souhaites suivre des sujets d’actualités controversés, un petit like :
Sources :
By J. C. Fyfe, V. V. Kharin, N. Swart, G. M. Flato, M. Sigmond, N. P. Gillett. Quantifying the influence of short-term emission reductions on climate. Science Advances 05 Mar 2021 : eabf7133
Liu, Z., Ciais, P., Deng, Z. et al. Near-real-time monitoring of global CO2 emissions reveals the effects of the COVID-19 pandemic. Nat Commun 11, 5172 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-18922-7
Le Quéré, C., Jackson, R.B., Jones, M.W. et al. Temporary reduction in daily global CO2 emissions during the COVID-19 forced confinement. Nat. Clim. Chang. 10, 647–653 (2020). https://doi.org/10.1038/s41558-020-0797-x
https://www.globalcarbonproject.org/carbonbudget/20/files/Norway_CICERO_GCB2020.pdf