Impact sur la santé de la canicule, des vagues de chaleur : comment lutter contre les îlots de chaleur urbain ?

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Le dernier rapport du GIEC le signalait : les vagues de chaleur et canicules vont devenir plus fréquentes (degré de confiance élevé) et plus intenses à cause du réchauffement climatique. Le réchauffement climatique a entraîné une augmentation de la fréquence et de la durée des vagues de chaleur océaniques (des élévations anormales de la température de surface de l’océan). « En outre, il existe des preuves substantielles que le réchauffement climatique induit par l’homme a entraîné une augmentation de la fréquence, de l’intensité et/ou de la quantité d’événements de fortes précipitations à l’échelle mondiale (degré de confiance moyen), ainsi qu’un risque accru de sécheresse en Méditerranée ».

Ilot de chaleur urbain

Cette chaleur est exacerbée en ville par l’effet d’îlot de chaleur urbain. Celui-ci correspond à une élévation localisée de la température atmosphérique et il est caractérisé par une diminution de l’amplitude thermique (la différence de température entre le jour et la nuit). Les bâtiments vont emmagasiner de la chaleur toute la journée et le soir, ils vont la ré-émettre. Le soir (ou le matin), vous allez avoir des températures plus élevées qu’à la campagne ou en dehors de zones denses urbaines. Voici l’exemple pour Paris avec des cartes thermiques :

Les causes de cet effet sont :

  • la concentration des bâtiments et la morphologie urbaine. Les rayonnement solaires vont être réfléchis entre les bâtiments et une petite partie de l’énergie thermique sera à chaque fois absorbée
  • l’imperméabilisation des sols
  • les propriétés physiques des bâtiments et du sol
  • le manque de végétation. Les arbres permettent de refroidir localement l’atmosphère par évapotranspiration et créent également de l’ombre
Schéma de l’effet de l’îlot de chaleur urbain

Effet des chaleurs extrêmes sur la santé ?

L’exposition à des températures ambiantes élevées réduit les capacités de travail physique, les performances cognitives et peut créer des situations à risque. Les vagues de chaleur sont également associées à des excès de mortalité et tout particulièrement des morts de maladies cardiovasculaires et respiratoires. Une méta-analyse (Liu 2022) incluant 266 études suggère que l’exposition à une augmentation de +1°C est associée à un risque accru de +2,1% de mortalité cardiovasculaire. Les vagues de chaleur étaient associées à un risque accru de +12% de mortalité.

Ici le risque relatif correspond au rapport entre la mortalité dans le groupe exposé à une augmentation de +1°C vs sans augmentation. Un RR>1 indique une association positive entre augmentation de la température et la mortalité

Une autre étude (Khatana 2022) (transversale – niveau de preuve plus bas que la méta-analyse) américaine a constaté que chaque jour additionnel de chaleur extrême était associé à 0,07 décès additionnels pour 100 000 adultes. La chaleur extrême était définie par une T°C de plus de 32,2°C et dans le 99ème percentile de la distribution des températures

Que se passe-t-il au niveau de l’organisme ?

La température corporelle est régulée à 37°C. On parle d’homéostasie thermique. Face à un stress thermique, le corps va induire la sudation. Dans les climats humides et chauds, le refroidissement de l’organisme est limité parce que l’air ne peut pas accepter plus d’humidité. Dans les climats chauds et secs, le refroidissement est limité par la quantité de sueur sécrétée par l’organisme.

Le cœur va également augmenter sa fréquence de battements afin d’accélérer la circulation sanguine dans les parties externes du corps afin d’évacuer l’excédent de chaleur. Il va redistribuer le sang vers la peau (vasodilatation entrainant la déperdition de chaleur). Cela provoque également une baisse de tension. Les chaleurs extrêmes peuvent mener à de la fatigue, des maux de tête, le coup de chaleur, des événements cardiovasculaires et le décès. Les maladies cardiovasculaires sont la primaire cause de décès durant les canicules (Ebi 2021).

La sudation induit également une déshydratation qui diminue le volume sanguin (surtout le plasma). Une déshydratation prolongée peut induire des lésions rénales aiguës et une insuffisance rénale chronique. Des affections respiratoires aiguës peuvent avoir lieu en cas de vague de chaleur accompagnée d’épisodes de pollution. La consommation d’alcool est associée à une mortalité accrue lors de vague de chaleur comme cela déshydrate.

Quelques moyens de lutte contre la chaleur urbaine

En plus de diminuer les émissions de gaz à effet de serre pour diminuer le réchauffement climatique, il existe plusieurs solutions pour réduire la chaleur dans les villes.

Planter des arbres

Les arbres peuvent intercepter 70-90% des rayonnements solaires. L’albédo des plantes (0,3), la part des rayons solaires entrants réfléchis, est plus élevé que dans des zones fortes urbanisées (0,1-0,2). ‘évapotranspiration est la quantité d’eau transférée vers l’atmosphère par l’évaporation au niveau du sol et par la transpiration des plantes, ce qui fait diminuer la température à proximité.

Sur ces cartes thermiques, on voit que les espèces verts sont beaucoup plus « froids » que le bitumes ou les zones urbaines.

Végétaliser les bâtiments

Un mur végétal peut faire diminuer de jusqu’à 3°C la température de l’air. Un toit végétalisé peut faire diminuer la température de surface du bâtiment de 10 à 20°C et de 2°C l’intérieur des habitations (Jaffal 2012). Sur ce graphique, on voit clairement que la température d’un mur végétalisé est beaucoup plus basse qu’un mur en béton.

Wong, N.H., Tan, C.L., Kolokotsa, D.D. et al. Greenery as a mitigation and adaptation strategy to urban heat. Nat Rev Earth Environ 2, 166–181 (2021). https://doi.org/10.1038/s43017-020-00129-5

La végétalisation de la ville pose aussi la question des besoins en eau de la végétation. Plusieurs publications (Beecham 2015, Cristiano 2021, US EPA) suggèrent que végétaliser les toits ne posent pas de problème de ressources en eau puisque les végétaux ont une capacité de rétention d’eau qui permet de stocker et libérer l’eau en cas de sécheresse.

Il faut également choisir des espèces non allergisantes (on évite les bouleaux et chênes) et qui n’émettent pas de composés organiques volatiles (isoprènes, terpènes…). Singapour est un exemple de végétalisation de ville réussie. Afin de maximiser l’ombrage sur le bâtiment, les arbres doivent être disposés sur les faces
est, sud-est, sud-ouest et ouest de la maison et idéalement être assez grands pour ombrager le toit en partie ou en totalité.

École d’Art à Singapour

Jouer sur le choix des matériaux

L’utilisation de revêtements réfléchissants et de couleur pâle permet d’avoir un pouvoir réfléchissant de surface plus important (albédo) et une émissivité élevée, ce qui diminue le risque d’emmagasiner la chaleur pour la diffuser ensuite. Un inconvénient est que les revêtements à fort albédo peuvent éblouir les individus et causer une gêne quotidienne.

Les routes en asphalte et les trottoirs en béton sont complètement imperméables. Les revêtements perméables laissent s’infiltrer une partie des eaux de pluie. Ils permettent de diminuer un peu la chaleur en collectant un certain volume de pluie et par évapotranspiration des végétaux. Ce type de revêtement perméable est fait d »agrégat de carrière ou de matière argilo-calcaire ou de gravier concassé ou de dolomie ou de pavements à larges joints (avec ou sans gazon) ou de pavés drainants etc… L’inconvénient est que cela nécessite un entretien plus importante et une complexité technique pour la mise en œuvre.

La gestion de l’eau et autres agencements

Singapour utilise un réseau de tuyaux isothermes sous-terrains qui conduisent de l’eau à 4,5°C vers plusieurs bâtiments du quartier de Marina Bay. L’eau alimente les systèmes de refroidissement des bâtiments, une fois réchauffée à 13°C, elle retourne dans les sous-sols afin d’être refroidie à nouveau.

L’agencement des bâtiments joue sur la création de courant d’air. Les grands bâtiments et les rues étroites diminuent la ventilation créant des zones d’accumulation de chaleur. L’implantation de points d’eau tempère les fluctuations de températures.

L’isolation et l’étanchéité thermique des bâtiments sont étalement cruciaux pour assurer le contrôle de la fraîcheur dans un bâtiment. Il est possible d’utiliser des vitrages doubles ou triples ou anti-émissifs.

Un dernier levier pour diminuer la chaleur est de limiter la production de chaleur anthropique.


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Une réflexion sur “Impact sur la santé de la canicule, des vagues de chaleur : comment lutter contre les îlots de chaleur urbain ?

  • 3 août 2022 à 6 h 02 min
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    Je le vois clairement par chez nous! Nous habitons en campagne et nous avons toujours 5 à 6°C de moins que dans la ville voisine. Il serait pourtant simple de planter des arbres!! Pour les toits végétalisés, est ce que les toits classiques supportent le poids de la végétation ou faut-il à chaque fois refaire le toit?

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