Impact du régime végétarien sur la croissance des enfants et leur santé dans la cohorte TARGet Kids!

Une étude publiée dans Pediatrics portant sur 8 907 enfants au Canada a constaté que les enfants végétariens avaient une croissance (estimée par le Z-score de l’IMC), une taille, des niveaux en ferritine, en 25-OH vitamine D et lipides dans le sérum similaires à ceux des enfants non végétariens. Cependant, les enfants végétariens avaient un rapport de chance plus élevé d’être en insuffisant pondérale. Cela souligne la nécessité d’une planification diététique minutieuse pour les enfants présentant une insuffisance pondérale lorsqu’on envisage un régime végétarien.

Le régime végétarien

Les régimes à base de plantes sont associés à une réduction de risque de maladies cardiovasculaires et de cancers chez les adultes en raison d’une consommation accrue de fruits, de légumes, de fibres, de céréales complètes et d’une réduction des graisses saturées (Dinu 2017, Tong 2019) cependant, peu d’études ont évalué l’impact des régimes végétariens sur la croissance et l’état nutritionnel des enfants. Dans l’enquête française nationale INCA3, seuls 0,4% (n=11) des enfants et adolescents de 0 à 17ans déclarent suivre un régime végétarien excluant au minimum la viande. 48% ne consommait pas de produits de la mer et aucun n’excluait les œufs

Une revue systématique publiée en 2017 sur 16 études de 1988 à 2013 évaluait l’impact du régime végétarien sur la santé des enfants de 0 à 18 ans. Les résultats étaient conflictuels avec peu d’études par maladies étudiées ou statut nutritionnel. Les auteurs avaient écrit qu’on ne pouvait rien conclure pour le moment.

La société Allemande de Nutrition ne recommande pas le régime végétalien chez les enfants, les femmes enceintes et allaitantes, à cause de potentielles déficiences en oméga-3, vitamines D, B12, calcium, fer, iode, zinc et sélénium. La société Espagnole de pédiatrie estime que « Après examen des données actuelles, même si le fait de suivre un régime végétarien à tout âge ne signifie pas nécessairement qu’il est dangereux, il est conseillé aux nourrissons et aux jeunes enfants de suivre un régime omnivore ou, au moins, un régime ovo-lacto-végétarien ». A l’inverse l’Académie de Nutrition et Diététique Belge est en faveur d’une alimentation végétarienne bien planifiée à tout âge. Durant les 6 premiers mois de vie, il faut allaiter ou utiliser les formulations infantiles. Entre 6 mois et 1 an, les aliments complémentaires doivent être riches en énergie, protéines, fer, zinc et peuvent inclure le houmous, le tofus, les légumineuses bien cuites ou la purée d’avocat. Chez les jeunes végétariens, ils recommandent de particulièrement faire attention aux apports en fer, zinc, vitamine B12, calcium et vitamine D. Des supplémentations sont à envisager surtout pour les enfants Vegan. Au final il n’y a pas de consensus sur le régime végétarien/végétalien/vegan chez les enfants.

Etude TARGet Kids!

Objectifs de l’étude et hypothèses

L’étude TARGet Kids! est une cohorte lancée entre 2008 et 2019 incluant des enfants de 6 mois à 8 ans à Toronto au Canada. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la relation entre le régime végétarien et la croissance, y compris le statut pondéral et la taille chez les enfants âgés de 6 mois à 8 ans. Les objectifs secondaires comprenaient l’évaluation de la relation entre le régime végétarien et les réserves de fer, les réserves de vitamine D et les lipides sériques. Ils ont également étudié si étudier si la consommation de lait de vache ou l’âge modifiait les associations entre le régime végétarien et le z-score de l’IMC (zBMI), le z-score de la taille pour l’âge (zHeight), les réserves de micronutriments et les lipides sériques.

L’hypothèse de départ est que le régime végétarien dans l’enfance serait associé à une croissance plus faible, à des réserves en fer et en vitamine D, en raison d’un apport calorique total plus faible, d’un apport en fer héminique plus faible provenant des aliments d’origine animale et d’une réduction de la vitamine D provenant du lait de vache enrichi.

Le régime végétarien a été évalué à travers une question posée aux parents si le régime de leur enfant était végétarien (oui ou non). Ce régime incluait les végétariens, les végétaliens et les vegans sans distinction.

Les principaux résultats

Il y avait 8 907 enfants dont 248 végétariens (dont 25 vegan) au début de l’étude. 65% des enfants avaient plus de 2 mesures. L’âge moyen au début de l’étude était de 2,2 ans (écart-type : 1,5 ans) et ils ont été suivi pendant environ 3 ans. Les enfants végétariens avaient une durée d’allaitement plus importante (12,6 mois vs 10 mois chez les non-végétariens) et étaient plus d’origine asiatique (33,8% vs 19%).

Il n’y avait pas d’association entre le régime végétarien et le z-score de l’IMC. Il n’y avait pas d’effet modificateur de l’âge ou de la consommation de lait de vache sur cette association étudiée. Le régime végétarien était associé à un risque accru (OR=1,87 [1,19-2,96]) de +87% d’être en insuffisance pondérale mais il n’y avait pas d’association avec le surpoids ni l’obésité. Il y avait une faible association entre le régime végétarien et la taille, les enfants végétariens étaient en moyenne 0,3cm plus petits (pas une grande significativité clinique !).

Évolution de l’IMC au cours du temps. Il faut comparer les courbes bleue et rouge

Il n’y avait pas d’association entre le régime végétarien et les niveaux en vitamine D, en lipides ou en fer (pas de différences entre les végétariens/non-végétariens). Il y avait un faible effet modificateur du lait de vache sur les associations entre le régime végétarien et les niveaux en cholestérol.

Les enfants ayant un régime végétarien et consommant peu ou pas de lait de vache (moins de 2 tasses de lait de vache/jour) présentaient des lipides sériques plus faibles que les enfants ayant un régime non végétarien

Forces et limites

Les forces de cette étude sont la grande taille de la cohorte d’enfants urbains et en bonne santé au départ. Ils ont pris en compte de nombreux facteurs de confusion : âge, sexe, la date de recrutement, poids de naissance, durée de l’allaitement, les apports en boissons sucrées, les apports en lait de vache, l’âge de la mère à la naissance, le revenu familial autodéclaré, l’IMC de la mère, la taille de la mère, les niveaux en protéine C réactive (CRP), l’utilisation de supplémentation en fer, vitamine D.

L’une des limites de l’étude est que les chercheurs n’ont pas évalué la qualité des régimes végétariens puisque la question posée était binaire (oui/non) et simple. Il y a un potentiel biais de causalité inverse où une mauvaise croissance de l’enfant peut influencer les choix alimentaires. Cependant, les associations ne changeaient pas avec le temps. La généralisation des résultats se limite aux enfants d’un milieu urbain dont les parents recherchaient des soins de santé. Cela limite l’extrapolation à des enfants avec des revenus plus faibles. L’activité physique et les apports alimentaires détaillés n’ont pas été pris en compte (pas mesurés). La durée de suivi est courte : 3 ans. Le régime végétalien (excluant la viande, le poisson, les produits laitiers, les œufs et le miel) n’a pas été évalué dans cette étude.

En conclusion, ces auteurs n’ont pas trouvé de différences cliniques entre les enfants suivant un régime végétarien vs non végétarien. Cependant, le régime végétarien était associé à une probabilité plus élevée d’insuffisance pondérale, ce qui souligne la nécessité de planifier soigneusement l’alimentation des enfants en insuffisance pondérale lorsqu’on envisage un régime végétarien.

L’étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), la St. Michael’s Hospital Foundation et la SickKids Foundation.

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