Non, le GIEC recommande un régime alimentaire à plus forte composante végétale
L’année dernière, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié un rapport spécial sur les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C. Le GIEC a publié un nouveau rapport intitulé «Changement climatique et terres émergées» dans le cadre de son sixième cycle d’évaluation. Celui-ci traite des liens entre le changement climatique et l’usage des terres ainsi que la dégradation des sols et la sécurité alimentaire. Dans cet article, je vais uniquement m’intéresser à quelques aspects du chapitre 5 « Food Security ».
Ce nouveau rapport a été écrit par 107 experts scientifiques de 52 pays (la moitié des auteurs sont originaires de pays en voie de développement). Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est l’organe des Nations Unies chargé d’évaluer les travaux scientifiques consacrés aux changements climatiques.
Quelques aspects sur la sécurité alimentaire
L’agriculture, la foresterie et d’autres utilisations des terres contribuent à environ 13% des émissions humaines de CO2, 44% pour le méthane et 82% pour les oxydes nitreux entre 2007-2016. Ces secteurs représentent 23% des émissions de gaz à effet de serre (degré de confiance moyen). L’augmentation de la température, de l’intensité et de la fréquence de certains événements extrêmes (vagues de chaleur, inondations, précipitations intenses…) vont avoir des conséquences sur les productions agricoles. Ces changements climatiques varient selon la région et les saisons (degré de confiance élevé).
Il faut donc trouver des stratégies :
- d’adaptation : traiter les conséquences en réduisant la vulnérabilité sociale et écologique
- d’atténuation : traiter les causes en limitant les émissions de gaz à effet de serre.
Les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées au système agroalimentaire augmentent à cause de l’augmentation de la population mondiale, des revenues et de la demande pour les produits d’origine animale (degré de confiance élevé). Les régimes s’orientent vers une plus grande consommation de produits d’origine animaux, d’huiles végétales et de sucres/édulcorants (confiance élevée) avec des émissions en gaz à effet de serre qui augmentent à cause de plus grandes quantité de produits animaux dans les régimes (niveau de preuve robuste, accord moyen).
Limiter sa consommation de viande dans les pays développés
Plusieurs media ont écrit que le GIEC recommande un régime végétarien mais c’est en partie faux.
- Un régime végétarien non strict consiste à ne pas consommer de viande.
- Le pesco-végétarisme consiste à ne pas manger de viande mais du poisson.
- L’ovo-lacto-végétarisme consiste à ne pas consommer de viande ni de poisson mais de pouvoir manger des œufs, du lait et du fromage.
- Un régime végétalien consiste à supprimer tous les produits alimentaires d’origine animale.
Le GIEC a défini le régime végétarien comme composé de « céréales, légumes, fruits, sucres, huiles, œufs et produits laitiers, et généralement une portion au max par mois de viande ou de fruits de mer ».

Le GIEC a identifié des mesures d’adaptation comme une réduction de la demande pour des produits d’origine animale ainsi que l’augmentation de la proportion de consommation de produits d’origine végétale dans le régime (fruits à coque, légumineuses, soja) et le remplacement de la viande rouge avec des sources protéiques avec une empreinte écologique plus faible. Limiter la consommation de viande permet de limiter la pression sur les ressources en terre et en eau et donc notre vulnérabilité au changement climatique. Les personnes sont dites vulnérables quand elles sont capables de maintenir un niveau acceptable de sécurité alimentaire dans le présent, mais elles pourraient être à risque de souffrir d’insécurité alimentaire dans le futur. Ils ne demandent pas la suppression totale de la consommation de viande mais une réduction de celle-ci en particulier dans les pays développés.
Les régimes avec le moins de produits d’origine animale (vegan, végétarien, flexitarien) sont les meilleurs en terme d’émission de gaz à effet de serre.

Par ailleurs, dans les pays en voie de développement, la consommation de viande est nécessaire pour couvrir leurs besoins protéiques. Ces pays consomment en général peu de viande, il n’y a pas un seul régime pour toute la planète.

Cette recommandation précédente concerne surtout les pays développés à hauts revenus. En effet les personnes avec des revenus plus élevés ont des régimes plus diversifiés (diversification n’est pas forcément synonyme de équilibré) et généralement plus riches en viande et de d’autres types d’aliments nécessitant plus de ressources (en eau, en terre…). Si chaque pays adoptait le régime alimentaires du Royaume-Uni, 95% des terres habitables seraient nécessaires pour la production agricole. Dans ce scénario hypothétique pour les États-Unis, 178% des terres habitables seraient nécessaires.
Une réduction de 15% de la part des produits animaux dans les régimes des pays à revenus élevés d’ici 2050 permettrait :
- de réduire les émissions en gaz à effet de serre
- de réduire l’utilisation des ressources en eau et terre
- et d’augmenter la consommation de produits d’origine animale dans les produits en voie de développement.
En comparaison avec un régime omnivore, le régime végétarien pourrait réduire le risque relatif de diabète de type 2 de 41%, de cancer de 10% et de maladies cardiovasculaires de 20%. Le régime végétarien ne réduirait pas le risque de mortalité toute cause (Tilman 2014).
Les régimes méditerranéens et à base de poisson (pescetarian) ont également des bénéfices santé illustrés ci-dessous :

La viande rouge, l’aliment avec les émissions les plus élevées en GES
La viande rouge fait référence au bœuf, au veau, au porc, à l’agneau, au mouton, au cheval et à la chèvre. La viande est une excellente source de protéines. Par exemple, 100g de bœuf contient 2 fois plus de protéines que des pois cuits et 2,5 fois plus de fer.
Cependant, la viande rouge est la denrée qui produit le plus d’émissions de gaz à effet de serre pour produire 1kg de protéines en comparaison avec le lait, le porc, les œufs et les autres productions agricoles. Ainsi le bœuf est l’aliment avec le plus grand impact environnementale en terme d’émission de gaz à effet de serre et/ou d’utilisation de terres. Les émissions de GES liées à l’alimentation sont très sensibles au type de viande et de la quantité consommée.

Diminuer la consommation de viande, de produits laitiers, d’œufs dans l’Union Européenne permettrait de réduire de 40% les émissions en ammoniac, de 25-40% des gaz à effet de serre (hors CO2) et d’utiliser moins de terres cultivables.
Diminution de la consommation de la viande rouge et recommandations de santé
La viande rouge n’inclut pas le poulet, la dinde, le canard, l’oie, le gibier à plume ni le lapin. Cette suggestion du GIEC de diminuer la consommation de viande rouge dans les pays développés va dans le même sens que les recommandations de santé publique. La viande rouge pourrait être associée à un risque accru de cancer colorectal. Pendant la cuisson et/ou la transformation de la viande, des composés toxiques se forment tels que les substances N-nitrosés, des hydrocarbures aromatiques.
En France, d’après l’enquête Nationale de Consommation INCA3, les français consomment en moyenne par jour 47g de viande rouge, 26g de volaille et 7,7g de légumineuses. La médiane de la consommation de viande hors volaille était à 34g/j. Cela revient à une consommation moyenne de 511g/semaine de viande rouge et de volaille.
Les lignes directrices de santé publique ont pour point commun de recommander de varier les sources protéiques d’origine animale et végétale en incorporant plus de protéines végétales comme les légumineuses/soja (Santé Canada, Japanese Food Guide Spinning Top, Santé Publique France).
- L’étude Global Burden of Disease GBD-2016 avait identifié que consommer plus de 161 g de viande rouge par semaine accroît le risque de cancer du côlon et de diabète.
- L’étude EAT-Lancet recommande de consommer entre 0 et 86g/j de viande (dont maximum 14g/j de viande rouge). Par semaine, cela revient à 588g de viande et 98g de viande rouge comme limite supérieure.
- En France, Santé Publique France recommande de ne pas dépasser 500g de viande par semaine et 150g de charcuterie par semaine

Comment réduire la production de GES ?
Le GIEC propose des alternatives à la viande comme les insectes ou l’alimentation in vitro. L’acceptabilité des insectes est le principal frein à la consommation dans certains pays. Celle-ci est notamment liée au prix, la perception environnementale du consommateur, le développement de produits à base d’insectes.
Le gaspillage alimentaire et les pertes entre 2010-2016 représentaient 8 à 10% des émissions de GES (degré de confiance moyen) et coûtaient un milliard de milliards de dollars. Le gaspillage alimentaire est lié au comportement du consommateur et les pertes sont liées aux structures pour conserver les aliments.
Consommer local ?
La consommation d’aliments cultivés localement peut réduire les émissions de GES si elles sont cultivées efficacement (degré de confiance élevé) donc ce n’est pas toujours vrai.
Dans certains cas, les aliments importés peuvent avoir une empreinte carbone inférieure à celle des aliments cultivés localement parce que certains pays lointains peuvent produire des aliments avec moins d’émissions . Par exemple, Avetisyan et al. (2014) ont montré que la consommation de produits de l’élevage locaux peut réduire les émissions en raison de chaînes d’approvisionnement courtes dans les pays à faible intensité d’émission de carbone; toutefois, cela pourrait ne pas être le cas dans 29 pays à forte intensité d’émission de carbone. L’intensité en carbone est le rapport des émissions de CO2 à la production de l’entreprise.
En conclusion des régimes équilibrés à base de végétaux (fruits, légumineuses, légumes, fruits à coque et graine) et de produits d’origine animale issus de système résilients et durables, et à faibles émissions de gaz à effet de serre sont des leviers majeurs d’atténuation et d’adaptation. Il ne faut pas appliquer un seul régime pour toute la planète mais des régimes à adapter selon les régions, les climats, les modes de production et de consommation et de revenues.
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Source :
GIEC. Changement climatique et terres émergée. Chapitre 5 Sécurité Alimentaire https://www.ipcc.ch/srccl-report-download-page/
Tilman, D., & Clark, M. (2014). Global diets link environmental sustainability and human health. Nature, 515(7528), 518–522. doi:10.1038/nature13959
Donc pour résumer, pour les consommateurs de pays développés que nous sommes, le GIEC recommande un régime le plus faible possible en produits animaux .
Donc certes « LE GIEC NE RECOMMANDE PAS UN UNIQUE RÉGIME VÉGÉTARIEN OU VEGAN », m’enfin faut avouer que le titre est sacrément trompeur non ? Dommage de gâcher un article informatif avec un titre putaclic qui fait de la désinformation…
Bonjour, le titre n’est pas trompeur. Le titre ne concerne pas que les pays développés ! Le GIEC ne recommande pas un unique régime végétarien/vegan pour tout le monde, comme c’est expliqué dans l’article :
1- pour les pays développés : plutôt un régime flexitarien à végétarien (diminution de la consommation de produits animaux, sans forcément tomber à zéro)
2- pour les pays en voie de développement : la consommation de protéine animale est nécessaire vu que le régime est souvent de moins bonne qualité nutritionnelle à cause d’une moindre disponibilité alimentaire/sécurité alimentaire
Le GIEC fait des recommandations internationales et pas forcément centrées sur la France ou l’Europe
P.77 du .pdf : les définitions d’un régimem flexitarien vs végétarien vs vegan
P.90 : « Their principal conclusion is that only by adopting a “flexitarian diet”, as a global average, would climate change belimited to under two degrees. »
P.109 : « The evidence suggests, as with SR15 (IPCC 2018a) and its multiple pathways to climate change 4solutions, that there is no single solution that will address the problems of food and climate change » –> « changes in dietstowards ones often described as flexitarian »
https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2019/08/2f.-Chapter-5_FINAL.pdf
Je suis d’accord. Le tire rend mal compte du contenu et il est très démago. Il semble être conçu pour attirer une population qui a des ressentiments face aux véganes et végétarien. Le mot « unique » du titre est bien faible par rapport à « Non » et « ne recommande pas ». La vérité c’est que le GIEC recommande les régimes végétaliens et végétarien et aussi les régimes flexitariens. Il faut être réaliste : le véganisme chez les gens peu éduquées parait « extrême ». Forcément, il faut reconnaître que le réductionnisme est une bonne chose, en tout cas est meilleur que la goinfrerie carnée actuelle. Mais le graphique est claire: le végétarisme et le véganisme sont en tête. Le flexitarisme est en troisième et de toute évidence cette troisième place ne justifie pas un titre incendiaire.
Mais de là à commencer un article par « non le GIEC ne recommande pas »… C’est jouer la carte populiste de l’anti-véganisme et ce n’est pas rationnel. En effet aujourd’hui il faut au contraire éduquer les population à ces régimes.
Bonsoir,
Merci pour votre remarque. J’y ai répondu dans le commentaire précédent de M. Pagnon. C’est ce que j’ai écrit. Je viens de modifier le titre si cela vous perturbe autant… Si ça peut vous rassurer, les lecteurs vont au-delà du titre en général sur mon blog (cf. les stats de google analytics) et je n’ai jamais encouragé à manger carné !! Il n’y a aucun article sur mon blog qui encourage à manger carné (cf. la conclusion de mon article avec les alternatives végétales proposées)
Bien cordialement
Super article !
Le GIEC ne recommande rien. Il fait des études et publie ses conclusions, mais pas de recommandations.