Faut-il taxer la malbouffe pour lutter contre l’obésité ?

Le surpoids et l’obésité sont des pandémies qui ont récemment émergé. En effet, le nombre d’obèses a doublé au niveau mondial entre 1980 et 2014 en partie à cause l’industrialisation, la mondialisation, l’occidentalisation et l‘uniformisation des régimes alimentaires. L’apparition des plats préparés industriels, les fast-foods, les snacks ont promu la consommation d’aliments trop gras, trop sucrés et trop salés et donc trop caloriques. Le changement de mode de vie a également favorisé la sédentarité et le baisse de l’activité physique. Certaines prédispositions génétiques, la quantité et la qualité des aliments consommés, le mode de vie, le statut socio-économique, l’activité physique influent sur l’obésité.

evolution-obesite-surpoids-france-obepi-enqueteEn 2014, plus de 1,9 milliards d’adultes étaient en surpoids dans le monde. Sur ce total, plus de 600 millions étaient obèses. D’après l’enquête Obépi 2012, 15% des français sont obèses et 32,3% en surpoids. Le surpoids ou l’obésité proviennent d’un déséquilibre calorique entre les apports et les dépenses énergétiques, ce qui provoque un stockage excessif de ces calories sous forme de graisses dans l’organisme. L’indice de Masse Corporelle (IMC = poids divisé par le carré de la taille, exprimé en kg/m²) est utilisé pour définir ces pathologies. Le surpoids correspond à un IMC > 25 et l’obésité à > 30.

Des coûts en santé et économiques

Les conséquences en terme de santé sont nombreuses : diabète de type 2 (dans 80 % des cas, la maladie est associée à une obésité), l’hypertension artérielle, l’excès de lipides dans le sang (dyslipidémie), les problèmes cardiovasculaires, le syndrome d’apnée du sommeil et d’autres maladies respiratoires, ainsi que des maladies articulaires telles que l’arthrose…

S’ajoute à cela des conséquences économiques : les dépenses en santé. Et oui,  il faut bien financer les traitements, les hospitalisations de ces maladies. Le Trésor Public qui a publié un rapport récemment, évalue à 20 milliards d’euros (1% du PIB en 2012) le coût de la surcharge pondérale. Ce coût social comprend par exemple :

  • les dépenses liées à la prise en charge médicale
  • les indemnités liées aux arrêts maladies
  • les coûts liés aux journées de non travail réalisées (perte de production)

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La fiscalité comportementale

En plus des campagnes de prévention de masse, une proposition controversée pour aider les individus à prendre des bonnes habitudes alimentaires serait de taxer les aliments mauvais pour la santé (c’est-à-dire trop gras, trop salé ou trop sucré). Le consommateur étant généralement peu rationnel, cette fiscalité l’aiderait à se tourner vers des produits moins chers et meilleurs pour la santé. Cette idée de taxe provient du succès des taxes sur le tabac ou l’alcool. Pour le tabac, une augmentation des prix de 10% sur le paquet de cigarettes entraîne une baisse d’environ 4% de la demande (OMS). Cette taxe de la malbouffe (junk food tax ou fat tax) permettrait de générer des revenus pour financer des campagnes de prévention ou  les frais de santé.

Une taxe envisagée est l’accise : la taxe porte sur la quantité et non la valeur du produit. Par exemple, la taxe est proportionnelle à la quantité de calorique ou la teneur en sucre ajouté d’un produit. Taxer un nutriment spécifique permet d’éviter le report vers de mauvais aliments : si on taxe les sodas, les consommateurs pourraient se tourner vers les jus de fruit industriels qui sont également très sucrés. L’avantage de taxer les calories est de pousser consommer moins de produits caloriques.

Une autre taxe alternative est de mettre un seuil d’une quantité d’un nutriment à partir duquel le produit est taxé. Par exemple, l’équipe du Massachusetts recommandait de taxer à partir de 1g de sucre ajouté pour 30mL de boisson. Cela pousserait l’industrie à reformuler leurs produits.

sodas-boissons-junk-food-malbouffe-sucre-diabetePlusieurs taxes ont déjà été mises en place sur la « junk food » :

  • En Finlande en 2011, les confiseries, le chocolat et ses produits dérivés et les glaces sont taxés en plus.
  • En 2011, la Hongrie avait taxé certains sodas et boissons énergisantes ainsi que les chips, les barres chocolatées.
  • La France a introduit la « taxe soda » en 2012 sur les boissons contenant des sucres ajoutés ou des édulcorants. En 2016, 1 hecto litre de boisson sucrée/édulcorée est taxée 7,53€, soit 0,75€ le Litre. Les prix en magasin ont surtout augmenté pour les premiers prix (+25%) que pour les marques nationales (+5% du prix), cependant l’effet sur les ventes est faible environ de -3%. La France arrive 33ème en 2014 dans la consommation des boissons sucrées (Popkin et al.)
  • Au Mexique en Janvier 2014, le surpoids et l’obésité touchaient 70% des adultes et 33% des enfants mexicains. Le gouvernement a décidé de taxer les produits alimentaires contenant plus de 275 kcal pour 100 g ainsi que les boissons sucrées. Un après, la consommation des produits taxés a diminué de 5,1% en moyenne et même de 10,2% pour les classes les plus modestes. (Batis et al.)

Escobar et al. ont analysé 9 études précédentes qui portait sur l’effet des augmentation des prix des boissons sucrées sur le poids et l’IMC. Ils ont utilisé deux indices économiques (formule simplifiée) :

  • élasticité-prix = Δ quantité de la demande / Δ prix   est négatif quand les prix augmentent, la demande diminue généralement.
  • élasticité-prix croisée = Δ demande d’un bien A / Δ prix d’un bien B       S’il est positif : une augmentation du prix de B implique une augmentation de la demande de A. Cela implique que les biens sont substituables. S’il est négatif : une augmentation du prix de B implique une diminution de la demande de A, ce qui implique que ces biens sont complémentaires.

Finalement, tous les indices d’élasticité-prix sont négatifs, ce qui signifie qu’une augmentation des prix est associée à une diminution de la demande pour les boissons sucrées. Pour les boissons lights, l’élasticité prix croisée est de – 0,423 (95% CI : -0,628 –  -0,219) donc les boissons « light » sont donc des biens complémentaires aux boissons sucrés alors que les jus de fruits et le lait apparaissent comme des substituts. C’est-à-dire que si le prix des sodas augmentaient avec une taxe sur les sodas normaux et light/sans sucre, la consommation diminueraient pour les sodas classiques et les sodas lights et les consommateurs pourraient se reporter sur les jus de fruits et le lait. Pour rappel, ce n’est pas forcément une bonne chose vu que les jus de fruit industriel contiennent beaucoup de sucres ajoutés.

Les principales critiques

Les principales critiques sont que cette taxe est régressive : elle va toucher les consommateurs avec des revenus modestes en premier.  Chez les ménages moins aisés, une grande part du budget dépensé est allouée à l’alimentation. Un risque est donc la diminution du pouvoir d’achat chez cette partie de la population.

 Les effets de substitution vers des produits plus sains sont difficiles à évaluer et prévoir. Le taux de la taxe peut aussi ne pas être assez important pour faire changer le comportement du consommateur.Une taxe de 20% du prix entraîne une baisse de 3 à 5% de la consommation alors qu’une taxe de 1 à 8% entraîne une diminution de la consommation négligeable.

Ce type de taxe peut également pousser à la consommation transfrontalière puisque les taxes ne sont pas harmonisées entre les pays. La mise en place de taxes nutritionnelle rajoute également une charge administrative et des règles.

A l’inverse, diminuer les taxes sur les fruits et les légumes ou limiter les publicités pour la « junk food » ou rendre plus clair l’étiquetage nutritionnel pourraient inciter à mieux consommer.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Sources :

Trésor-Éco N°179 : Obésité : quelles conséquences pour l’économie et comment les limiter ? http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/427684

Barry M Popkin, Corinna Hawkes – Sweetening of the global diet, particularly beverages: patterns, trends, and policy responses – Lancet Diabetes Endocrinol 2015

Batis C, Rivera JA, Popkin BM, Taillie LS (2016) First-Year Evaluation of Mexico’s Tax on Nonessential Energy-Dense Foods: An Observational Study. PLoS Med 13(7): e1002057. doi:10.1371/journal.pmed.1002057

Cabrera Escobar MA, Veerman JL, Tollman SM, Bertram MY, Hofman KJ – Evidence that a tax on sugar sweetened beverages reduces the obesity rate: a meta-analysis – BMC Public Health. 2013 Nov 13;13:1072. doi: 10.1186/1471-2458-13-1072

Taxe soda date de 2012 : https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F32101

INSERM – Obésité http://www.inserm.fr/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/obesite

Sénat.fr – Fiscalité et santé publique : état des lieux des taxes comportementales http://www.senat.fr/rap/r13-399/r13-3997.html

Crédits images : http://ubcf.org

Petit point sur l’Obésité avec Optimyself :

Infographie enquête obésité 2017

Une réflexion sur “Faut-il taxer la malbouffe pour lutter contre l’obésité ?

  • 11 juin 2019 à 14 h 48 min
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    Petite erreur: par définition réglementaire (décret n°2013-1049 du 21 novembre 2013) un jus de fruit qu’il soit pur jus ou à base de concentré) ne peut pas contenir de sucres ajoutés. Il peut être riche en sucre (jus de raisin…) mais PAS d’ajout, qui lui est interdit.

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