Espérance de vie, Taille et Performances Sportives : l’Homme a-t-il atteint ses Limites Biologiques ?
Quelles sont les limites physiologiques et sportives de l’Homme ? Quel est l’espérance de vie maximale que l’Homme peut atteindre avec les améliorations technologiques et les avancées de la médecine ? Ces questions ont suscité de nombreux débats dans la communauté scientifique. Une équipe de chercheurs de l’Université Paris Descartes s’est penchée sur cette question dans la revue Frontiers in Physiology.
Deux visions s’affrontent :
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une première estime que la durée de vie est en train d’atteindre un plafond. L’espérance de vie maximale pourrait être autour de 85-95 ans alors que la longévité pourrait atteindre 115-125 ans.
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Un autre courant de pensée estime qu’il n’y a pas de limites à la longévité. L’espérance de vie augmenterait de 2-3 ans chaque décennie.
En France, l’espérance de vie à la naissance était de 85,4 ans pour les femmes et 79,3 ans pour les hommes en 2016 (INSEE). La mortalité infantile est stable depuis 15 ans. Cette espérance de vie stagne dans les pays développés à cause du taux de mortalité des maladies chroniques.
Des capacités limitées
Chaque organisme vivant a une structure bien délimitée et façonnée par les interactions gènes-environnements ainsi que par les contraintes évolutives. Chaque cellule contient environ 20 à 25 000 gènes qui codent pour des protéines. Il existe plus de 300 types différents de cellules spécialisées. Les cellules ne peuvent pas se diviser de manière infinie. Selon leur type (cellule de la peau, neurones, adipocytes…), leur potentiel de division cellulaire est différent : on parle de limite de Hayflick liée au raccourcissement des télomères. Hayflick avait observé que des cellules en division dans une culture cellulaire ne se divisaient qu’environ 50 fois avant de mourir. Les cellules souches et cancéreuses sont des exceptions à cette limite de Hayflick.
Les organes adultes ont également des limites physiologiques. Par exemple le cœur peut battre entre 45 et 100 battements par minutes en moyenne et le rythme peut monter jusqu’à 200 bpm en cas d’effort intense.
Évolution et contraintes environnementales
A partir du 19ème siècle, l’homme est devenu plus grand et son espérance de vie a bien augmenté avec les progrès de la médecine, industriel et scientifiques. Ces 50 dernières années, les changements majeures ont été sur plusieurs plans :
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Nutritionnel : passage de problèmes dans les pays développés de sous-nutrition à de la malnutrition
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Santé : passage de principalement des maladies infectieuses à des maladies chroniques dans les pays occidentaux
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Agriculture : multiplication des rendements avec l’industrialisation, l’utilisation des intrants
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Transition démographique avec baisse de la mortalité suivie d’une baisse du taux de naissance
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Mondialisation
Le génome (ensemble des gènes d’un individu) conditionne des limites physiologiques et certaines caractéristiques comme la taille. Le phénotype est l’ensemble des caractères observables d’un individu.
La taille de la population influence la possibilité d’avoir des phénotypes extrêmes. Plus il y a d’individus, plus il y a de chance d’avoir un individu avec des capacités ou caractéristiques particulières. Le phénotype a une certaine plasticité qui dépend de l’environnement.
La taille maximale
La taille dépend de la croissance. Elle intervient durant l’enfance et l’adolescence. Elle est provoquée par l’hormone de croissance GH (Growth Hormon). Sa sécrétion est régulée par la GHRH, la somatostatine et les hormones sexuelles. Ce phénomène complexe dépend de la génétique : par exemple les scandinaves sont en moyenne plus grands que les méditerranéens. Les variations de croissance reposent également sur l’hygiène, le moment de la puberté, la disponibilité en nutriments et les soins de santé durant l’enfance.
Depuis les années 80, un plateau a été atteint par les populations les plus grandes en taille. Des études sur des jumeaux permettent de quantifier la part d’effet environnemental (comme les jumeaux ont le même patrimoine génétique). Chez les jeunes enfants (0-5 ans), les variations de tailles seraient attribuables à 50-65% de la génétique alors que pendant l’adolescence, les disparités de tailles pourraient expliquées à 75-80% par la génétique et 15-20% par l’environnement (Jelenkovic 2016).

Les records sportifs
Les records de performances sportives dans les Jeux Olympiques peuvent être utilisés comme indicateurs pour voir l’évolution des capacités sportives humaines. Le record du monde de marathon en 1908 était de 2h 55 min 18s alors qu’il est actuellement de 2h 02 min 57 sec d’après l’International Association of Athletics Federations. De même, le record en 100m nage libre est passé de 65 secondes en 1905 à 49,9 secondes en 2009. Ces 100 dernières années, on a pu voir que les records sportifs ont énormément progressé. Et pourtant certains estiment qu’on est en train d’atteindre des limites biologiques et que le nombre de records battus va diminuer. Les limites des performances sportives proviennent de l’apport maximal en oxygène, du battement cardiaque, du taux de masse musculaire, du temps de réaction de la stature et de la longueur des foulées et leur fréquence.
Les produits dopants (comme l’EPO, les hormones de croissance et stéroïde ou les amphétamines) permettent de dépasser ces limites. La technologie permet également d’améliorer les performances. Par exemple, les combinaisons en matériaux synthétiques de piscine des nageurs olympiques ont permis d’améliorer de 3% leurs temps entre 1990 et 2009 avant d’être bannis. La combinaison en polyuréthane réduit les frottements et la traînée dans l’eau et elle améliore l’efficacité des mouvements des bras et des jambes.
Dans la population générale dans les pays occidentaux, un déclin de l’endurance et de la force des jeunes a été constaté. De plus en plus d’individus ont des niveaux de performance physique bas. Cela pourrait être dû à la réduction de l’activité physique dans les pays développés.
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Source :
Adrien Marck et al. Are We Reaching the Limits of Homo sapiens? Front. Physiol. 8:812
Jelenkovic et al. Genetic and environmental influences on height from infancy to early adulthood: An individual-based pooled analysis of 45 twin cohorts. Scientific Reports 6, Article number: 28496