D’où vient la couleur de nos aliments ?
Avant de déguster un aliment, un des premiers sens qui intervient est la vision. La couleur d’un aliment marque l’esprit en premier. Elle inspire sur le goût, la comestibilité ou l’envie de manger.
La couleur d’un objet provient de l’absorption d’une partie de la lumière et en renvoie une certaine partie (phénomène de diffusion). Certaines molécules comme les pigments présentent des groupements structuraux spécifiques d’atomes appelé chromophores, associés entre eux dans un enchaînement précis (conjugaison). Ceux-ci absorbent certaines radiations de la lumière blanche mais pas d’autres. La lumière blanche produite par le soleil ou une ampoule est formée d’un mélange de couleurs, les couleurs de l’arc-en-ciel qui forment le spectre de la lumière visible. Ce sont donc les pigments qui vont donner des couleurs spécifiques aux aliments.
Les pigments remplissent diverses fonctions : métabolisme et photosynthèse (chlorophylle et caroténoïdes), antioxydants (polyphénols), transport de l’oxygène (hémoglobine, myoglobine), protection contre les UV (mélanine) … et également des fonctions à plus grande échelle comme le camouflage chez le caméléon ou la séduction avec la couleur des plumages.
La couleur de la viande
La couleur rouge-rosée de la viande provient de l’hémoglobine et de la myoglobine. Ces protéines sont constituées d’une partie protéique (la globine) et d’une fraction non protéique (l’hème). L’hème est une structure dite « porphyrine » avec des noyaux pyrrol et un atome métallique (fer par exemple). Celui-ci est responsable de la coloration rouge. Cette structure particulière permet de recevoir une molécule d’oxygène pour le transport du dioxygène. L’hémoglobine transporte l’oxygène dans les globules rouges alors que la myoglobine transporte l’oxygène dans le cytoplasme des cellules.
L’hème est le pigment majoritaire de la viande. Les viandes rouges contiennent plus de myoglobine que d’hémoglobine. La couleur des muscles varie également selon leur activité : des muscles en exercice sont plus sombres.
La couleur de la viande dépend fortement de l’état d’oxydation du fer contenu au centre de l’hème.
La cuisson provoque un changement de la couleur par dénaturation de la globine et l’oxydation de l’atome de Fe2+ en Fe3+. La viande peut également pâlir ou devenir plus foncée selon l’activité microbienne (transformation des amines en nitrosamines) ou une acidification du pH du muscle.

Les pigments dans les végétaux
Chlorophylle, vert et photosynthèse
La chlorophylle a une structure similaire à celle de l’hémoglobine et pourtant donne une tout autre couleur : le vert. Elle est présente surtout chez les plantes, les algues et certaines bactéries.
Ce pigment vert est essentiel à la réalisation de la photosynthèse des plantes, certaines algues et bactéries, cela leur permet de produire du glucose à partir de CO2 et de l’eau. Quand les légumes contenant de la chlorophylle sont cuits, celle-ci change de couleur et devient terne ou marron à cause de la perte de son atome Mg2+ ou de la chaine phytol avec la chaleur.

Les caroténoïdes et les teintes jaunes-orangées
Les caroténoïdes sont une grande famille de pigments de couleur jaune-orangée, répandus dans le règne végétal, animal et les micro-organismes. En voici quelques exemples : α-carotène, β-carotène, ϒ-carotène, chlorophylle, lycopène, lutéine, astaxanthine, cryptoxanthine zeaxanthine… Le béta-carotène est notamment utilisé comme colorant alimentaire (E160a).
Ce caroténoïde a été cristallisé pour la 1ère fois en l’extrayant de la carotte qui en est riche dans les années 1830. Ces caroténoïdes se trouvent également dans les tomates (lycopène, phytoène), les oranges, les fruits et légumes verts (α-carotène, β-carotène) mais aussi les crevettes, le saumon (sous forme d’astaxanthine, canthaxanthine et astacène) et certaines levures et algues telles que Xanthophyceae et certaines bactéries comme Rhodopseudomonas spheroides. A la différence des plantes et des micro-organismes, les animaux ne savent pas synthétiser de caroténoïdes. Ces pigments proviennent alors entièrement de leur alimentation. Certains caroténoïdes sont d’importantes sources de vitamines A.
Ces molécules peuvent également protéger les tissus et les cellules du stress oxydant. Inhiber l’oxydation du cholestérol LDL permettrait de ralentir la formation de plaque d’athérome et donc réduire le risque cardiovasculaire. Cependant, dans certains cas comme le cancer du poumon, l’efficacité antioxydante de la β-carotène a été remise en question chez les fumeurs. Le bêta-carotène pourrait chez eux augmenter leur risque de cancer du poumon (Goralczyk R 2009).
Des recherches également portent sur la fucoxanthine trouvée dans les algues brunes. En effet, ce pigment pourrait avoir des effets anti-prolifératifs cellulaires.

Anthocyanes et couleurs rouge, bleu ou violette
Les anthocyanes sont solubles dans l’eau de couleur rouge, bleu ou violette. On les retrouve dans les fruits et les légumes (en particulier avocat, mûre, cassis, cerise, cranberry, prunes, oranges, olives, aubergines), les fleurs et certains micro-organismes. Ils sont sensibles aux changements de pH : rouges en conditions acides et bleues en conditions alcalines. Les anthocyanes appartiennent également à une plus grande famille de molécules : les flavonoïdes.
Voici les réactions acido-basiques liés à l’ajout d’ions H+ (acidité) aux anthocyanes :

Après le lavage à l’eau et la cuisson, le chou fleur est devenu bleuté (ph neutre). Après ajout de jus de citron, celui-ci vire au rouge/rose.

Le changement de couleur se voit encore mieux avec le jus de cuisson riche en anthocyanes.
Les flavonoïdes (connus sous le nom d’anthoxanthine) sont sans couleur ou jaunâtres. Cette famille se divise en 5 sous-groupes : flavanols flavanones, flavonols, flavones et isoflavones. Ces flavonoïdes ont également une activité antioxydante mais relativement faible. Ces molécules peuvent également piéger les ions Cuivres et Fer et elles pourraient affecter négativement l’absorption intestinale du fer.
Par exemple, les thés verts et blancs sont une source de catéchine (un flavonoïde).
Et la couleur du lait ?
Pas de pigments pour le lait mais la couleur blanche du lait est expliquée par un phénomène d’optique.
Le lait se compose d’eau principalement (90%), des matières grasses, de sucres (surtout du lactose), des protéines (surtout de la caséine) et du calcium, du phosphore, du fer et du magnésium. Les matières grasses sont des incolores et les caséines s’assemblent en particules en suspension appelés micelles. Les micro-globules de matière grasse et les micelles diffractent et diffusent la lumière ce qui donne une couleur blanche au lait.
D’autres pigments pour d’autres couleurs
La bétalaïne (du nom betterave) a soit une couleur jaune-orange (bétaxanthines), soit une couleur rouge (bétacyanines) dans la betterave rouge). Ce pigment est exclusif aux plantes. Ce pigment est très sensible à la lumière et la chaleur.
Les mélanines ont une couleur brune-noire. Elles résultent de réactions enzymatiques de composés phénoliques (tyrosine par exemple). Ces pigments sont largement présents dans les cheveux, la peau, les yeux afin de protéger les tissus des UV. La phéomélanine est responsable des cheveux roux. Un déficit de mélanine provoque de l’albinisme
Les tannins sont sans couleur ou jaunes/bruns et trouver dans certains arbres. Ils sont retrouvés dans le thé, le café, les fruits non mûrs, l’écorce des arbres, les grenades, les cranberries et les noix par exemple. Ils ont un goût astringent en bouche qui est déplaisant.
Les xanthones sont des pigments jaunes trouvés chez principalement 3 espèces végétales : Bonnetiaceae, Clusiaceae et Podostemaceae.
Les fruits et légumes, un mélange de pigments

Globalement, les fruits et légumes présentent une diversité de teintes puisqu’ils contiennent plusieurs pigments qui peuvent varier selon la maturité du fruit par exemple.
Les tomates, les poivrons rouges, les framboises contiennent des anthocyanines et du lycopène.
Les abricots, ananas, carotte, citrouille, orange, pomme de terre contiennent surtout des bêta-carotène et des flavonoïdes.
Les légumes verts (chou, brocoli, kiwi) contiennent surtout de la chlorophylle, de la lutéine et des indoles.
Les fruits violets/bleus (mûre, prune, cassis) sont vecteurs d’anthocyanines et de composés phénoliques.
Il existe d’autres pigments chez les algues et les cyanobactéries.
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Sources :
Benjamin K. Simpson, Soottawat Benjakul, and Sappasith Klomklao – Natural Food Pigments Ch.37
Solymosi et al. Food colour additives of natural origin – https://www.researchgate.net/publication/273767472_Food_colour_additives_of_natural_origin
merci pour cette information qui sont important