Des métabolites associés au régime bio et à des biomarqueurs de stress oxydatif chez les enfants
Une étude Chypriote publiée dans Environment International a identifié des métabolites (acide aminomalonique et glucose) mesurés chez des enfants associés au régime bio.
La métabolomique est une science qui étudie le métabolome d’un organisme dans des conditions biologiques données. Le métabolome regroupe l’ensemble de composés de faible masse molécule retrouvés dans un échantillon biologiques (urine, sang, tissu adipeux…). Il s’agit de composés impliqués, produits, transformés par le métabolisme de l’organisme (appelés métabolites). Cela inclut des métabolites externes (médicaments, pesticides, contaminants…et leurs produits de dégradations – on parle de molécules exogènes), des métabolites endogènes (issus de l’organisme). Ces métabolites comprennent les oligopeptides, les acides aminés, les sucres, les polyphénols, les vitamines, les acides biliaires, les acides gras ou toutes molécules utilisées ou synthétisées par les cellules ou un organisme.

Comment identifier les métabolites ?
Il existe deux approches d’analyse du métabolome :
- Une approche ciblée qui va détecter et quantifier un nombre limité de composés prédéterminé
- Une approche non ciblée qui a pour but d’obtenir un profil de composé le plus exhaustif au possible
Cette identification des composés passe par l’utilisation de la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse. La chromatographie en phase gazeuse va séparer les composés d’un échantillon liquide volatil selon leur affinité avec un gaz porteur qui va migrer dans la colonne. Une fois séparées, ces différentes composantes sont détectées en sortie de colonne par un détecteur, le spectromètre de masse. La spectrométrie de masse permet séparer et de détecter en phase gazeuse des molécules chargées (ions) en fonction de leur rapport masse/charge (m/z).

A quoi sert la métabolomique ?
Ces outils ont déjà utilisé pour discriminer les produits bio des produits conventionnels à partir de profils de métabolites (comme une sorte d’empreinte métabolite) pour les carottes (Cubero-Leon 2018), le riz (Xiao 2018) ou le choux (Mie 2014). D’autres études ont regardé les liens entre des métabolites associés aux pesticides et des voies du métabolisme (Yan 2021). Le métabolisme comprend l’ensemble des transformations chimiques qui s’accomplissent dans l’organisme. L’étude de Yan et al. sur 176 personnes âgées vivant en Californie a identifié plusieurs voies métaboliques (notamment le métabolisme énergétique mitochondrial, le métabolisme des acides gras et des lipides et le métabolisme des acides aminés) et des métabolites sont associés à des pesticides. Les perturbations du métabolome sérique suggèrent que l’exposition chronique aux pesticides pourrait entraîner un stress oxydatif, des réactions inflammatoires et un dysfonctionnement mitochondrial, impliqués dans une grande variété de maladies.

Quelques études ont également évalué les liens entre les métabolites et des maladies. Par exemple, une étude suédoise (Shillemans 2021) a constaté que des métabolites associés aux contaminants perfluorés (PFAS) et aux diacylglycérols (un lipide estérifié) étaient liés à un risque accru de diabète de type 2. Une autre étude sur 102 sujets Chinois a rapporté qu’une exposition prénatale à un mix de pesticides (surtout le β-hexachlorocyclohexane) était associée à une réduction du poids de naissance (Yang 2020). Certains métabolites étaient des médiateurs de cette relation. Ceux-ci étaient impliqués dans le métabolisme des glycérolipides et le métabolisme hormonal de la thyroïde.

Impact d’un régime bio sur les métabolites
L’essai clinique randomisé ORGANIKO (NCT02998203) mené à Chypre porte sur 149 enfants en bonne santé à l’école d’âge moyen de 11 ans qui ont dû suivre soit 40 jours de régime bio suivi de 40 jour de régime alimentaire conventionnel (ou l’inverse pour l’autre groupe). Ils ont dû fournir des plusieurs échantillons d’urine au début de l’étude et pendant les deux régimes. C’est dans ces échantillons qu’ont été menées les analyses de métabolomique non ciblée. Le but de cette étude était d’évaluer les changements métabolomiques urinaires associés 1) aux pesticides (3-PBA et 6-CN) 2) induits par le régime bio et 3) associés au stress oxydatif. Le stress oxydatif correspond à une production excessive de radicaux libres (des molécules instables hautement réactives) qui peuvent s’attaquer à des constituants de la cellule comme les protéines ou l’ADN.
Ils ont ensuite mené une étude d’associations exposomique (Exposome-wide association study) qui consiste à faire des régressions pour chaque métabolite (variable réponse à prédire). Trois types de modèles ont été construits avec comme prédicteurs de ces régressions : le sexe, l’IMC, la créatinine, le jour de l’intervention.
- Le modèle 1 a évalué les associations entre le régime reçu (bio ou conventionnel) et les métabolites
- Le modèle 2 a évalué les associations entre des biomarqueurs d’exposition aux pesticides (3-PBA et 6-CN) et les métabolites
- Le modèle 3 a évalué les associations entre des biomarqueurs de stress oxydatifs et les métabolites. Les p-values des modèles ont été corrigées par le taux de faux positifs (FDR).
42 métabolites étaient associés au régime bio et/ou aux pesticides et/ou aux biomarqueurs de stress oxydatif. Deux métabolites (acide aminomalonique et glucose) étaient associés à l’intervention alimentaire biologique, deux autres métabolites étaient associés aux pyréthrinoïdes (3-PBA) et neuf autres liés à des biomarqueurs du stress oxydatif.
- L’acide aminomalonique était positivement associé au régime bio et est impliqué dans l’oxydation radicalaire des protéines. Cet acide pourrait être un marqueur de diabète de type 2 d’après une petite étude cas-témoin nichée sur 197 participants Chinois (Lu 2016).
- Le glucose était négativement associé au régime bio
- L’acide urique était associé au marqueur 8-OHdG du stress oxydatif. Cette acide urique est un produit d’oxydation final du métabolisme des purines. Des études épidémiologiques récentes chez les enfants ont montré une association de l’acide urique avec l’hypertension débutant dans l’enfance et se poursuivant à l’âge adulte (Jr et al., 2004, Kubota, 2019), le syndrome métabolique (Bussler et al., 2017, Kubota, 2019).
Les forces de cette étude sont son design prospectif et la randomisation et le fait d’avoir 2 à 6 échantillons urinaires par participants ce qui améliore la précision des mesures. Ils ont utilisé un modèle statistique prenant en compte des mesures répétées. Les limites de cette étude est d’effectuer de nombreux tests statistiques ce qui peut augmenter la chance d’avoir des fausses relations significatives (malgré le fait qu’ils ont effectué une correction de la p-value). Certains métabolites avaient également un rôle biologique inconnu.
Cette étude n’a pas étudié d’association entre les métabolites associés au régime bio et une maladie.
Follow @T_Fiolet
Si l’article t’a plu ou si tu souhaites suivre des sujets d’actualités controversés, un petit like :
Source : Konstantinou C, Gaengler S, Oikonomou S, Delplancke T, Charisiadis P, Makris KC. Use of metabolomics in refining the effect of an organic food intervention on biomarkers of exposure to pesticides and biomarkers of oxidative damage in primary school children in Cyprus: A cluster-randomized cross-over trial. Environ Int. 2022;158:107008. doi:10.1016/j.envint.2021.107008