Déclaré non cancérigène : Vers une poursuite de l’utilisation du Glyphosate et du RoundUp dans l’UE ?

L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a déclaré ce mercredi 15 mars, qu’elle ne classait pas  le glyphosate parmi les agents cancérogènes. Cette molécule active du RoundUp de l’entreprise américaine Monsanto est une des plus utilisées en agriculture. Ce pesticide controversé avait été déclaré suspecté cancérigène par l’OMS, dénoncé par plusieurs ONG et des groupes parlementaires.

Qu’est-ce que le glyphosate ?

Molécule du Glyphosate, principe actif du RoundUp

Le glyphosate C3H8NO5P est un herbicide à spectre large de la famille des amino-phosphonates, utilisé depuis les années 1970. Il se présente sous forme solide incolore. Il est utilisé en agriculture contre les mauvaises herbes. Il est utilisé dans plus de 750 produits différents (cancer-environnement.fr) et c’est un des composants principaux du Roundup de l’entreprise américaine Monsanto. Certaines plantes culturales transgéniques commercialisées par Monsanto sont résistantes au glyphosate comme le soja Roundup Ready.

En France en 2009, 6000 tonnes de ce pesticides ont été commercialisées (INERIS).

Comment l’Homme est exposé au glyphosate ?

  • par voie cutanée : lors d’une utilisation ou si on touche une plante encore humide près utilisation du glyphosate. Cependant, il passe difficile la peau humaine (NPIC).
  • par voie respiratoire ou digestive : si on ne se lave pas les mains après son utilisation et que l’on fume ou mange, ainsi que par les résidus de pesticides dans l’alimentation.

glyphosate pesticide roundup monsantoDans l’environnement ?

Le glyphosate n’est pas naturellement présent dans l’environnement, ses principales sources sont son utilisation humaine en tant qu’herbicide.  Dans l’air, il subsiste pendant quelques semaines. Le glyphosate persiste jusqu’à 6 mois dans le sol selon le climat et le sol. Il est dégradé par les bactéries en acide aminométhylphosphonique.

Des risques sanitaires ?

La controverse sanitaire de ce pesticide repose surtout sur son caractère cancérigène suspecté. La dose journalière admissible (Acceptable Daily Intake) pour les consommateurs est de 0.5mg/kg poids corporel/jour (EFSA  2016). Le mécanisme d’action suspecté pour la cancérogénicité est la génotoxicité (mutations de l’ADN) et le stress oxydatif.

  • Mutations et dommages à l’ADN et aux chromosomes : les études in vitro ne montrent pas d’effets négatifs, de même que pour les études in vivo, seule une étude a montré un effet génotoxique à des doses élevées qui ne sont pertinentes dans le cadre d’exposition usuelle humaine.

  • Également suspecté comme perturbateur endocrinien (US EPA) : des rats et souris étaient nourris avec un régime contenant de glyphosate pur à 99% pendant 13 semaines, une réduction significative de la qualité du sperme a été observée aux doses de 25 000 et 50 000 ppm. Les autres études animales/humaines n’ont pas observé cet effet.

D’après l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Alimentaire), le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’Homme est relativement limité et ne permet au glyphosate d’être classé 1A ou 1B (cancérigène avéré ou présumé pour l’Homme) mais le classement en catégorie 2 (suspecté cancérogène) peut se discuter. L’agence française de risque alimentaire invitait en 2016 l’ECHA l’Agence européenne des produits chimiques à ré-évaluer cette molécule.

Des avis des différentes instances scientifiques divergentes

En 1986 et 1991, le glyphosate avait été évalué comme non cancérigène pour l’Homme à des doses usuelles. En 2015, il avait été réanalysé par le CARC (Cancer Assessment Reviw Committee) comme « improbablement cancérigène pour l’Homme ».

Cependant en Mars 2015, l’IARC (CIRC Centre de Recherche International contre le Cancer), une sous-division de l’OMS (Organisme Mondial de la Santé) a évalué ce pesticide comme « probablement cancérigène » en groupe 2A. Ils ont observé un niveau de preuve suffisante pour la cancérogénicité chez l’animal et un niveau de preuve limité pour le lymphome non hodgkinien chez l’Homme. Une étude rapportait une augmentation des marqueurs sanguins de lésion chromosomique (micronoyaux) chez les résidents de plusieurs communautés après épandage de formulations à base de glyphosate (Bolognesi C. et al. 2009). Le ministère français de l’environnement était également en faveur d’un retrait du glyphosate.

Un peu plus tard, l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité Alimentaire) a déposé un avis scientifique contraire en 2016 : le glyphosate n’est probablement pas cancérigène. Le panel scientifique (Federal Insecticide, Fungicide, and Rodenticide ct Scientific Advisory Panel (SAP)) de l’US EPA a acté en 2016 que le « glyphosate n’est pas susceptible d’être cancérogène pour l’homme aux doses pertinentes pour les risques pour la santé humaine évaluation ».

Et pour finir, ce mercredi 15 Mars, l’ECHA, l’agence européenne des risques chimiques ne classe pas cette molécule comme cancérigène, ce qui ré-ouvre la voie à une poursuite des ventes de ce pesticide et du RoundUp.

Pourquoi les conclusions scientifiques ne font pas consensus ?

Les approches de l’analyse des risques et de la classification des produits chimiques sont différentes entre le CIRC et l’EFSA/US EPA. L’EFSA évalue la toxicité du glyphosate, comme molécule seule de manière individuelle (et évalue chaque mélange commercial de manière séparée) alors que le CIRC évalue le glyphosate et les formulations contenant du glyphosate, c’est-à-dire les groupes chimiques connexes.

Cette divergence est importante car des études suggèrent que certains mélanges contenant du glyphosate et d’autres molécules chimiques sont génotoxiques (ce qui pose la question d’effet cocktail chimique) alors que d’autres études qui analysent uniquement la molécule active de glyphosate n’indique pas d’effet délétère sur la santé humaine. Bernard Ur, le directeur de l’EFSA estime qu’il faudrait ingérer la nourriture de 20 000 personnes pour avoir une augmentation du risque de cancer (euractiv.fr).

Une initiative citoyenne « Ban Glyphosate » a été enregistré le 25 janvier 2017 où les citoyens pourront voter cette pétition contre le glyphosate. Si la proposition recueil 1 million de signature provenant d’au moins 7 états-membres différents, la Commission Européenne devra évaluer la proposition. Cependant pour le moment, aucune initiative citoyenne n’a abouti sur un texte législatif européen… L’initiative citoyenne en question : https://sign.stopglyphosate.org/

ong glyphosate avaaz ban ue
Des membres d’Avaaz, ONG de cybermilitantisme, manifestant mercredi à Bruxelles contre le glyphosate. Photo John Thys. AFP

Des conflits d’intérêts et des enjeux économiques

L’impartialité de la décision de l’ECHA a été remises en cause par plusieurs ONG dans cette lettre ouverte. Des ONG comme Greenpeace dénonçait des conflits d’intérêts dans les experts scientifiques de l’ECHA chargés d’évaluer le risque de cancer pour le glyphosate : ils critiquent le fait que certains experts ont travaillé par le passé pour l’industrie chimique et que l’évaluation scientifique s’est effectuée sur des études non publiées provenant d’industrielle. La Commission Européenne avait été vivement critiquée  puisqu’elle exigeait un niveau de preuve scientifique d’effets délétères sur l’Homme inatteignable. Elle avait été d’ailleurs condamnée pour inaction par la Cour de Justice Européenne sur le dossier des perturbateur endocriniens.

La controverse du glyphosate va plus loin qu’une préoccupation sanitaire, elle englobe également des enjeux économiques pour le secteur de l’agriculture et l’industrie chimique, mais également la peur de l’introduction des OGM dans l’Union Européenne. Elle exprime également un manque de confiance des consommateurs. Du côté industriel, le Glyphosate Task Force (GTF), un consortium de sociétés phytosanitaires conduit par Monsanto est un lobby important dans ce débat. D’après ce lobby, la production agricole avec une interdiction du glyphosate pourrait engendrer une perte de rendement agricole de 5 à 40% dans certaines régions. Ce pesticide permet de retirer des mauvais herbes, qui seraient des vecteurs intermédiaires de maladies et parasites pour les jeunes cultures.

Et vous qu’en pensez-vous ?

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Sources :

National Pesticides Information Center (NPIC)  Glyphosate General Fact Sheet http://npic.orst.edu/factsheets/glyphogen.html

US EPA (2016) – Glyphosate Issue Paper:Evaluation of Carcinogenic Potential – EPA’s Office of Pesticide Programs September  12, 2016  https://www.epa.gov/sites/production/files/2016-09/documents/glyphosate_issue_paper_evaluation_of_carcincogenic_potential.pdf

EFSA – EFSA explains risk assessment : glyphosate – Fact Sheet http://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/corporate_publications/files/efsaexplainsglyphosate151112fr.pdf

IARC – Monographs Volume 112 : evaluation of five organophosphate insecticides and herbicides (Mars 2015) https://www.iarc.fr/fr/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf

Bolognesi C, Carrasquilla G, Volpi S, Solomon KR, Marshall EJ.Biomonitoring of genotoxic risk in agricultural workers from five colombian regions: association to occupational exposure to glyphosate – J Toxicol Environ Health A. 2009;72(15-16):986-97. doi: 10.1080/15287390902929741

INERIS, 2011. Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : Glyphosate et principaux composés / AMPA, 14 p. (http://rsde.ineris.fr/)

http://www.cancer-environnement.fr/426-Vol112-Cancerogenicite-du-tetrachlorvinphos.ce.aspx#

Commission Européenne – Initiative Citoyene Européenne http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/welcome?lg=fr

http://www.greenpeace.org/eu-unit/Global/eu-unit/reports-briefings/2017/20170306_Open_Letter_ECHA_CoI_Concerns.pdf

5 réflexions sur “Déclaré non cancérigène : Vers une poursuite de l’utilisation du Glyphosate et du RoundUp dans l’UE ?

  • 19 mars 2017 à 15 h 11 min
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    Merci d’avoir fait un post équilibré sur ce sujet, c’est si rare!
    La plupart des médias, Le Monde en particulier, ont un discours très orienté voire militant et ils laissent toujours l’impression qu’on a là un énorme scandale sanitaire dont la Commission serait la complice volontaire, victime d’un intense lobby de l’industrie chimique (les méchants) et sourde aux arguments des gentilles ONG -forcément honnêtes et désintéressées.

    Or sur le glyphosate, comme tu le rappelles très justement, la dangerosité est très très loin d’être avérée:
    – Il n’y a qu’un seul organisme, le CIRC, associé à l’OMS qui classe le glyphosate comme « cancérogène probable ». La raison en est que cet organisme est le seul à considérer une notion étrange de « danger intrinsèque », indépendante du niveau d’exposition. Cette notion fait polémique dans le milieu scientifique (voir par exemple cette publication) puisqu’elle aboutit à classer dans la même catégorie charcuterie et gaz moutarde!
    – En dehors de cet organisme, il y a unanimité scientifique sur l’absence de danger avéré. Même l’OMS (pourtant tutelle du CIRC) a conclu lors d’une session spéciale d’évaluation avec la FAO ( voir ici le rapport complet): « the Meeting concluded that glyphosate is unlikely to pose a carcinogenic risk to humans from exposure through the diet. »

    Bref, on ne voit pas très bien où est le scandale sanitaire sur ce sujet. Cela fait des dizaines d’années qu’on emploie le round-up partout dans le Monde sans qu’on ait établi le moindre danger. Des pays pourtant réputés plutôt écolos comme la Nouvelle Zélande et la Suisse viennent d’ailleurs de renouveler son autorisation.

    Alors évidemment il y a effectivement un lobby puissant pour défendre le glyphosate, il y a probablement des conflits d’intérêt chez certains chercheurs. Mais d’un autre côté, l’usage raisonnable de ce produit a permis d’améliorer considérablement les rendements et n’a pas à l’heure actuel de substitut aussi efficace (voir par exemple ce témoignage d’une agricultrice québécoise qui s’est mise au bio et raconte comment elle galère avec ses carotte « en or massif »). Et les ONG sont loin d’être des anges d’objectivité: elles font un travail de lobbying tout aussi puissant, exploitent habilement un marketing de la peur qui s’embarrasse assez peu des arguments scientifiques… Dans cette histoire, la manipulation n’est pas toujours du côté que l’on croit et il faut dire que la Commission Européenne n’est pas très forte pour expliquer ses décisions.

    Pour finir, je recommande la lecture du blog de Seppi, un des rares qui rament à contre-courant sur le sujet: très partisan bien sûr, mais aussi très bien informé.

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    • 19 mars 2017 à 16 h 27 min
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      Merci 🙂 en effet, en général, j’essaye de montrer les différents points de vue sur des sujets très polémiques.

      Merci pour ce complément d’informations sur le sujet 🙂

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  • 20 mars 2017 à 11 h 36 min
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    quoi qu’il en soit du caractère cancérogène du glyphosate, les effets associés aux herbicides sont néanmoins souvent à la base de troubles cutanés, ophtalmologiques, digestifs et neuromusculaires et certains sont allergisants et perturbateurs endocriniens. » voir : La prévention des risques des herbicides : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/risque-chimique/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=69&dossid=533

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  • 20 mars 2017 à 20 h 43 min
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    Article intéressant mais pourquoi utiliser tour à tour les termes « cancérigène » et « cancérogène » comme s’ils étaient synonymes alors que ce n’est pas le cas selon certains dictionnaires ?
    cancérogène : substance qui favorise l’apparition d’un cancer
    cancérigène : substance qui favorise le développement d’un cancer.

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