Cultiver des plantes dans l’espace, sur la Lune ou sur Mars ?

La conquête de l’espace et la question de la vie sur Mars sont des sujets qui ont toujours fasciné l’Homme. La NASA (Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace) compte envoyer des hommes sur Mars en 2030. La question des ressources alimentaires des astronautes est cruciale. De même quand un jour l’Homme s’installera sur la Lune ou Mars, sera-t-il possible d’y cultiver des légumes et fruits ? Quelles sont les principales différences entre la Terre, la Lune et Mars pour l’agriculture ?

Que mangent les voyageurs dans l’espace actuellement ?

Impossible malheureusement pour le moment de se faire la cuisine à la Stations International Spatiale (ISS). La NASA a défini une liste stricte d’aliments autorisés dans l’espace qui sont principalement des produits déshydratés et thermostabilisés en boites ou des plats préparés : des aliments à humidité intermédiaire (fruits, viande séchée), des noix et des céréales, des viandes ionisées (steaks, saucisses…), des condiments et des boissons (sodas, juste de fruit, café…). La liste exacte est ici. Le ravitaillement en nourriture coûte très cher, c’est pourquoi faire pousser ses propres légumes dans l’espace serait très intéressant et moins coûteux.

Le 10 août 2015, les astronautes de l’ISS ont pu manger pour la 1ère fois de la salade cultivée dans l’espace grâce à la chambre de croissance VEGGIE. VEGGIE est un système de culture installé dans la Station spatiale internationale depuis 2014. VEGGIE contient 6 unités (compartiments). Chaque unité se compose de 3 sous-systèmes : un système de LEDs pour la lumière avec une longueur d’onde de 660 nm (rouge) et de 450 nm (bleu) (les plus efficaces pour la photosynthèse), un système d’aération et un tapis pour la fixation des racines. Ce tapis sert à délivrer les nutriments par transport passif vers les racines. Il est alimenté par l’équipage avec une solution de nutriments.  Sa surface cultivable est de 0,16 m². Les plantes peuvent atteindre 45 cm au maximum de hauteur. Les astronautes ont réussi à faire pousser leurs premières laitues avec VEGGIE après 28 jours de culture puis ces premières salades ont été envoyées sur Terre afin d’être analysées et pour voir si elles ne comportaient pas de risque de toxicité. En Janvier 2016, l’équipe de Scott Kelly à l’ISS a réussi à faire fleurir un Zinnia, première fleur éclose dans l’espace.

veggie system culture nasa espace plante space

L’hypogravité sur la Lune et Mars ou l’apesanteur dans l’espace

Une des différences majeures entre la lune et la terre est la gravité. Elle permet de diriger les flux vers le bas. Elle est mesurée en g, une unité d’accélération correspond à l’accélération de la pesanteur à la surface de la terre. A cause de cette faible gravité, on ne peut pas ramener des pots avec de la terre sinon cette terre s’éparpillerait dans toute la station spatiale.

Cette hypogravité entraîne des difficultés dans le transport des nutriments ou des gaz dans un fluide. Si on arrose les plantes, l‘eau ne s’écoulera pas naturellement vers le bas.

Schema bioregenerative Life support system ecosystème

Des chercheurs ont utilisé le modèle TOUGH-REACT pour décrire la dynamique du sol et ses réactions biogéochimiques impliquées dans le cycle du Carbone et de l’azote. Ils ont scénarisé des sols à différentes gravités (0,38g pour Mars et 0,16g pour la Lune) pour modéliser le sol de la terre, de la Lune et de Mars et l’ISS dans le cadre de Bioregenerative Life Support Systems (BLSS). Les BLSS sont des écosystèmes artificiels qui reproduisent les associations et les relations entre les être vivants et l’environnement terrestre. Ce sont des systèmes autonomes en cycle fermé.

Ils ont conclu qu’une baisse de la gravité entraînerait une diminution du lessivage (ou lixiviation = perte de nutriments hydrosolubles du sol qui sont dissous et entraînés par les eaux d’infiltration à la suite de pluie ou d’irrigation) et une augmentation des émissions de gaz CO2, de N2O, N2 plus forte (+80%). La biodisponibilité des nutriments pour les micro-organismes était plus importante dans le cas des sols à faible gravité, ce qui augmenterait la biomasse microbienne.

Un environnement hostile à la vie

cratere bonneville mars surface
Cratère d’impact de 192 m de diamètre à l’intérieur du cratère Gusev, à la surface de la planète Mars. Crédit : NASA

Des sols pauvres en matière organique

Sur la lune, on parle de régolithe pour désigner les surfaces des corps célestes sans atmosphère qui subissent des impacts de météorites et les vents solaires. Les « sols » sur Mars et la Lune semblent être composés de tous les éléments minéraux nécessaires à la croissance des plantes, excepté pour les espèces azotées (NO3, NH4). Ces « sols » sont très pauvres en azote. De plus, la matière organique (composés carbonés) est absente de Mars et la lune. Je mets « sol « entre-guillemets parce qu’un sol par définition contient de la matière organique. Sur Terre, la minéralisation de la matière organique permet la synthèse de ces molécules azotées. Ce problème pourrait être résolu en utilisant des espèces fixatrices de nitrogène. En symbiose avec des bactéries, ces espèces (par exemple les légumineuses) peuvent transformer les nitrogène de l’air en nitrate. Cependant, on ne trouve pas non plus de nitrogène dans l’air sur Mars ou la lune, puisque ces astres n’ont pas d’atmosphère.

Pas d’atmosphère sur Mars et la Lune

L’atmosphère de Mars est arrachée par les vents solaires chargés en particules ionisées (comme on peut le voir sur la vidéo ci-dessous – Crédit : NASA ; Jakoksky 2015). Mars n’a pas de bouclier magnétique (magnétosphère) qui la protège de ces vents solaires. La Lune n’a également pas d’atmosphère ni de champ magnétique.

Pas d’eau dans l’espace

L’eau élément essentiel à la vie est indisponible sur la lune ou en quantité très limitée sur Mars sous forme de glace (pergélisol). D’après le CNRS, la Lune pourrait également contenir de l’eau aux fonds de cratère dans ses 2 pôles mais actuellement les instruments de mesure ne permettent pas de sonder le sol à cette profondeur. De même, il y a quelques milliards d’années, certains chercheurs pensent qu’il y a eu de l’eau sur Mars puisqu’on a retrouvé des chenaux d’écoulement ou des vallées qui semblent avoir été sculptés par une rivière. Probablement à l’époque de l’activité volcanique de Mars lors du dégazage, Mars a eu une atmosphère plus dense.

Faire pousser des plantes sur Mars ou la Lune ?

Dans l’étude de la revue scientifique Plos-One, des chercheurs ont voulu savoir si des plantes pouvaient germer sur des sols apparentés à la Lune/Mars. L’étude ne portait que sur la qualité nutritionnelle des sols/pseudo-sols. Ils ont comparé la germination de  graines et la croissance de plantes introduits dans 3 types de sol. Chaque pot contenait 5 graines  avec un de ces 3 types de substrat avec 25g d’eau déminéralisée :

  • 100g de pseudo-sol martien (JSC-1A Mars Simulant) créé par la NASA, de composition proche du sol martien et puisé à un volcan d’Hawaï.
  • 100g de sol terrestre venant du fond du Rhin à 10 m de profondeur, très pauvre en nutriments et exempt de matière organique.
  • 50g de pseudo-sol lunaire créé par la NASA imitant le sol lunaire et puisé dans un désert d’Arizona.
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Wieger Wamelink – pots avec des pseudo-sols terrestres, lunaires et martiens

Les graines ont été plantées à une température de 20°C avec un taux d’humidité de 65%. Les graines utilisées sont celles de tomates, carotte, moutarde, orties, chardon, fétuque rouge, lupin, lotier des marais, mélilot officinal, vesce commune et seigle…

Au final, le pseudo-sol martien est celui avec le plus de graines germées alors que le sol lunaire est celui avec le taux de germination le plus bas, cependant les auteurs signalent que la qualité des graines a pu également interférer avec le processus de germination. La formation de feuille a eu lieu sur les pseudos-sols martiens et lunaires. Seules 3 espèces (moutarde, seigle et cresson) ont produit des fleurs et des nouvelles graines.

Globalement, le pseudo-sol martien a eu de meilleures performances, ce qui pourrait être expliqué par une meilleure capacité de rétention d’eau. Néanmoins cette meilleure capacité pourrait être expliquée par des traces de matières organiques lors de la « fabrication du pseudo-sol martien ». Le pH élevé (8.3 pour la terre, 9,6 pour la lune) dans les sols terrestres et lunaires pourrait aussi expliquer des difficulté au développement des plantes.

Néanmoins, cette étude ne montre pas qu’on puisse faire pousser des plants sur Mars ou sur la Lune, puisqu’il reste à évaluer de nombreux paramètres tels que l’effet de la lumière, la faible gravité, les conditions atmosphériques, l’équilibre des nutriments… paramètres qui n’ont pas été évalués dans cette étude. Cette étude ne portait que sur les qualités nutritionnelles des sols/pseudo-sols en conditions non stériles. Elle n’a pas reproduit les conditions atmosphériques ni l’hypogravité pour faire croître les plantes.

Une solution ?

Au final, il faudrait bâtir un endroit clôt et contrôlé sur Mars, reproduisant les conditions atmosphériques de la Terre et surtout protégeant des radiations cosmiques (qui endommagent l’ADN). Il faudrait introduire des végétaux pour purger les métaux lourds ensuite enrichir en azote le sol avec des légumineuses par exemple et des bactéries rhizobium pour les cultures suivantes. Bref nous sommes encore loin de cultiver des carottes et des navets sur Mars.

Et la question de l’eau sur Mars et de sa disparition reste encore débattue.

water on mars eau sur mars

Sources :

Federico Maggi, Céline Pallud – Space agricultureinmicro and hypo-gravity : A comparative study of soil hydraulics and biogeochemistry in a cropping unit on Earth, Mars, the Moon and the space station – Planetary and Space Science 58 (2010) 1996 –2007

P. Zabel, M. Bamsey, D. Schubert, M. Tajmar – Review and analysis of over 40 years of space plant growth systems – Life Sciences in Space Research 10 (2016) 1–16

G. W. Wieger et al. – Can Plants Grow on Mars and the Moon: A Growth Experiment on Mars and Moon Soil Simulants – PLoS ONE 9(8): e103138. doi:10.1371/journal.pone.0103138

 MAVEN observations of the response of Mars to an interplanetary coronal mass ejection – http://science.sciencemag.org/content/350/6261/aad0210

https://www.nasa.gov/content/veggie-plant-growth-system-activated-on-international-space-station/

http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doseau/decouv/univers/eauMars.html

 

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