Comment les additifs alimentaires sont autorisés ? Danger et risques réels vs perçus pour la santé

Les additifs alimentaires sont très présents dans les produits transformés et ultra-transformés (biscuits, sodas, desserts, bonbons…). Récemment plusieurs additifs (comme les nitrates, le dioxyde de titane) ont soulevé des inquiétudes. Pour comprendre pourquoi les additifs sont autorisés, il faut revenir aux processus d’évaluation scientifique des risques pour la santé humaine.

Qu’est-ce qu’un additif alimentaire ?

Une définition règlementaire

Les additifs alimentaires sont des substances ajoutées intentionnellement dans un but technologique spécifique à la différence des substances présentes dans l’alimentation de façon non voulue (contaminants, résidus de pesticides, résidus de médicaments vétérinaires, mycotoxines…).

Les additifs alimentaires sont strictement encadrés par le règlement européen n°1333/2008. Les additifs autorisés ne doivent pas :

  • poser de problèmes pour la santé du consommateur aux doses proposées
  • répondre à un besoin technologique qui ne peut pas être satisfait par d’autres méthodes
  • ne trompent pas le consommateur

Article 3 : « Toute substance habituellement non consommée comme aliment en soi et non utilisée comme ingrédient caractéristique dans l’alimentation, possédant ou non une valeur nutritive, et dont l’adjonction intentionnelle aux denrées alimentaires, dans un but technologique, au stade de leur fabrication, transformation, préparation, traitement, conditionnement, transport ou entreposage a pour effet, ou peut raisonnablement être estimée avoir pour effet, qu’elle devient elle-même ou que ses dérivés deviennent, directement ou indirectement, un composant de ces denrées alimentaires »

Les mono- et disaccharides, les pectines, les arômes, les enzymes, les bases de gomme à mâcher, les acides ainés, la caséine et l’inuline, les auxiliaires technologiques et quelques autres substances sont exclus de la catégorie des additifs.

Comment repérer les additifs ?

Source : moi-même

Les additifs sont obligatoirement mentionnés dans la liste des ingrédients sur l’emballage avec le nom et/ou le numéro E établis par le présent règlement ou une dénomination de vente comprenant le nom et/ou le numéro E de chaque additif. Certains additifs comportent des mentions obligatoires :

  • polyols: «Une consommation excessive peut avoir des effets laxatifs»
  • aspartame/sel d’aspartame-acésulfame: «Contient une source de phénylalanine
  • Avertissement pour 6 colorants : E104 (jaune de quinoléine), E110 (jaune orangé S), E124 (ponceau 4R), E122 (carmoisine), E129 (rouge allura), E102 (tartrazine) doivent comporter la mention « peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants) » (annexe V)

Pour éviter les additifs alimentaires, le mieux est d’acheter frais et non transformé et de cuisiner maison !

Quelle utilisation des additifs alimentaires en France ?

L’Oqali a mené une enquête sur 30 000 produits alimentaires, en voici un résumé des résultats :

Processus d’autorisation des additifs

L’autorisation ou le renouvellement d’un additif alimentaire suit un processus strict et se base sur l’évaluation des risques et les preuves scientifiques disponibles. Elle s’effectue principalement au niveau européen.

Un additif autorisé doit se trouver dans la liste « positive » du règlement n°1333/2008. La procédure d’autorisation (règlement n°1331/2008) commune aux arômes, additifs et enzymes commence à l’initiative de la Commission ou d’un État-membre suite à la demande de la partie intéressée. Si la demande est recevable (complète en terme de données, dans le champ des additifs), cette demande est envoyée à l’Autorité de Sécurité Alimentaire (EFSA European Food Safety Authoriry) qui rend un avis scientifique dans un délai de 9 mois. Ce délai peut être prolongé si nécessaire. Ce n’est pas l’EFSA qui autorise/refuse un additif !

Les avis scientifiques sont délivrés par les Panels de l’EFSA et sont issus de décisions collectives et de délibérations collégiales. Pour les additifs, c’est le Panel FAF. Aucun expert, pas même le président, ne peut indûment influencer les décisions des groupes scientifiques. Dans le cas, où il n’y a pas de consensus, les avis minoritaires/divergents sont consignés dans les avis scientifiques. Les conflits d’intérêts sont interdits et exposent les experts à leur bannissement du groupe de travail et des sanctions pénales. Si le dossier satisfait à toutes les conditions d’autorisation (innocuité, répondre à un besoin technologique et la non-tromperie du consommateur) la commission élabore un projet de loi qui sera voté dans le cadre de la procédure de comitologie, associant Commission et États membres représentés au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire. Le Conseil et le Parlement européen seront également consultés puis la publication s’effectuera dans le journal officiel européen.

On peut remarquer que dans l’Union Européenne, l’évaluation des risques (EFSA) et la gestion des risques (Commission, États-Membres) sont séparés.

Les différents additifs autorisés en Europe

Il existe 5 grandes catégories d’additifs : les colorants, les édulcorants, les conservateurs, les antioxydants et les agents de texture. Voici un tableau résumant plus en détail les sous-catégories :

Les origines des additifs sont variées. Oui les additifs alimentaires « naturels » existent !

  • Certains additifs sont extraits de parties de végétaux ou d’animaux comme la curcumine (E100) extrait des racines de Curcuma longa, l’acide carminique (E120) extrait de la cochenille, l’extrait de cassis (E163iii) ou le gélifiant carraghénanes (E407) qui est une algue marine.
  • D’autres additifs sont obtenus par modification d’extraits naturels (le sucralose par exemple), par synthèse chimique (reconstitution identique à a substance naturelle comme pour l’acide citrique = jus de citron ou l’acide ascorbique = vitamine C).
  • D’autres additifs sont entièrement artificiels et n’existent pas dans la nature comme l’aspartame (E951) ou la saccharine (E954).

Certains additifs sont produits par plusieurs sources. Par exemple, la riboflavine (E101, vitamine B2) est un colorant présent en petite quantité dans les cellules végétales. Il peut être extrait à partir des levures, des germes de blé, des œufs mais également par voie de synthèse chimique.

Exemple d’utilisation technologique : la conservation

Certains additifs ont un rôle de conservateur (E200 à E290). Ils inhibent le développement des bactéries, des levures ou des moisissures, cela permettra notamment d’allonger la Date Limite de Consommation DLC. Par exemple, l’acide benzoïque est très lipophile. A pH acide, il peut traverser les membres cellulaires des micro-organismes. En rentrant, il va perturber le fonctionnement de la cellule (modifie le pH intracellulaire, inhibe des enzymes, l’assimilation d’acides aminés…) et jouer le rôle d’antimicrobien à large spectre.

D’autres additifs ont un rôle antioxydant qui protège des altérations provoquées par l’oxydation. Cela permet de ralentir par exemple le rancissement des graisses avec de la vitamine C (E300) ou la vitamine E (E306).

Certains conservateurs peuvent aider à prévenir du botulisme. Le botulisme est une toxi-infection (infection bactérienne) grave principalement d’origine alimentaire avec l’ingestion de toxines de Clostridium Botulinum. Le botulisme débute par des atteintes oculaires, une sécheresse de la bouche puis une paralysie des muscles et respiratoires. C’est l’insuffisance respiratoire qui provoque le décès (Institut Pasteur). En 2016, d’après Santé Publique France, sur les 21 malades recensés, 12 ont été hospitalisés, 2 mis sous assistance respiratoire et un malade est décédé. Les aliments mis en cause étaient de la charcuterie de fabrication familiale (donc sans additif).

Autre usage : la modification des propriétés organoleptiques

Les propriétés organoleptiques comprennent la couleur, l’odeur, la saveur ou la texture du produit alimentaire. Le glutamate (E623) permet d’exalter les arômes. Les polyols ou les édulcorants (saccharine E954 ou le cyclamate E952) permettent de donner un goût sucré. Les colorants azoïques (tartrazine E102 ou le noir brillant par exemple) permettent de modifier ou intensifier la couleur. Les carraghénanes (E407) sont utilisés comme texturants pour faire des flans par exemple. Ces modifications de propriétés organoleptiques sont beaucoup plus accessoires et ne font que répondre à une demande du consommateur. Je ne vais pas présenter toutes les fonctions technologiques comme le but de l’article n’est pas de faire une liste.

Comment est évalué l’innocuité des additifs ?

Il est important d’avoir en tête que l’autorisation ou le renouvellement d’une substance se base sur une évaluation du risque (et non pas du danger). Le danger est une source susceptible (propriété intrinsèque) de causer des effets néfastes. Le risque est la probabilité (exposition x danger) que survienne un danger qui entraîne un préjudice.

Dans le cas des additifs alimentaires, l’exposition dépend de la teneur en additif dans la denrée alimentaire et de la fréquence/quantité de consommation alimentaire de cette denrée contenant l’additif.

Les données requises pour un dossier d’évaluation des risques

Plusieurs éléments sont nécessaires à la partie technique d’un dossier pour l’évaluation des risques :

  • publication intégrale des études publiées et non publiées
  • la stratégie de recherche/collecte des information (hypothèses émises, mots clés utilisés, bases de données consultées, période couverte, critères restrictifs…)
  • les études toxicologiques doivent être menées selon les bonnes pratiques de laboratoires et les critères de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Les données critiques pour les additifs requises sont :

  • l’identité et la caractérisation de l’additif. Le cas échéant, la taille des particules, les caractéristiques physicochimiques
  • le procédé de fabrication
  • la présence d’impureté
  • la stabilité, la réaction et le devenir dans les aliments de l’additif
  • les autorisations et évaluation des risques pré-existantes le cas échéant
  • les doses d’utilisation normale et maximale
  • une évaluation de l’exposition alimentaire
  • des données biologiques et toxicologiques : toxicocinétique, toxicité subchronique, génotoxicité, toxicité chronique, carcinogénicité et toxicité pour la reproduction et le développement

Évaluation des effets toxicologiques des additifs

La toxicocinétique est l’étude de comment une substance est absorbée dans le tractus gastrointestinal (tier 1) : on parle de « métabolisation ». Pour cela des études in vitro (sur des cellules) et in vivo (sur les animaux) avec des composés marqués sont menées. Si le composé est absorbé dans l’intestin puis la circulation sanguine, on étudie son absorption, sa distribution, son métabolisme et son excrétion avec différents paramètres comme le temps de demi-vie, la biodisponibilité, la Concentration Maximale, l’Aire sous la courbe (AUC) et les métabolites produits (produits de dégradation ou métabolisation).

Si la substance peut s’accumuler (bioaccumuler), on va plus loin et on fait des études animales avec des doses répétées voire des études avec des volontaires humains.

Une substance est génotoxique si elle peut compromettre l’intégrité physique (cassure chromosomique) ou fonctionnelle du génome (c’est-à-dire l’ADN). La génotoxicité est testée avec des essais de mutations génétiques sur les cellules comme par exemple le test des comètes qui
qui mesure les cassures induites directement par un agent génotoxique. Ce test se base sur la migration des composés du noyau (l’ADN) : si l’ADN a été endommagé il migrera décrivant la queue de la comète. Il existe d’autres essais quantifiant les mutations.

La toxicité chronique, sous-chronique et la carcinogénicité sont testées avec des rongeurs qui reçoivent pendant 90 jours des doses répétées de l’additif pour identifier la survenue d’effets neurotoxiques, immunologiques, reproductifs, endocrines, pathologiques et physiologiques. Des essais sur 12 mois peuvent être faits sur d’autres espèces. Des souris transgéniques p53 +/- peuvent être utilisées car elles développement rapidement des tumeurs spontanées (30% de survie à 18 mois).

La reprotoxicité et la toxicité de développement sont testés des essais de 90 jours sur des rongeurs à doses répétées. La neurotoxicité pour le développement, l’allergénicité, l’immunotoxicité, l’hypersensibilité…peuvent être évalués. On peut donc constater que de nombreux effets toxiques sont évalués.

L’évaluation des risques faite par l’EFSA

1.Identification des dangers : on recense les potentiels effets néfastes pour la santé à travers des essais à court et long terme sur des cellules ou sur l’animal.

2. Caractérisation du danger : on cherche à définir le mode d’action, la voie d’exposition, la relation dose-réponse (est-ce que plus on est exposé, plus élevé est l’effet toxique ?). C’est l’évaluation quantitative et/ou qualitative des effets adverses du danger. On dérive un seuil protecteur appelé DJA.

La dose journalière admissible DJA est la quantité journalière ingéré durant toute une vie sans risque pour la santé du consommateur sur la base des preuves connues au moment de l’évaluation. Ce concept a été développé en 1956 par R. Truhaut et repris par l’OMS. La DJA est calculée à partir d’une autre valeur toxicologique la NOAEL sur la base de ces précédentes études de toxicité à court et long terme, de cancérogénicité, de mutagénicité, de reproduction, de développement et de métabolisme sur plusieurs espèces.

La NOAEL (No Observed Adverse Effect level) est la dose maximale en-dessous de laquelle il n’y a aucun effet toxique observé. La NOAEL la plus basse obtenue sur l’espèce la plus sensible et pertinente par rapport à l’Homme est utilisée pour calculer la DJA. Cette NOAEL est divisée par des facteurs de sécurité de 100 (variation intraspécifique, variation interspécifique). Des facteurs additionnels peuvent être ajoutés si les effets observés sont trop sévères ou si le dossier est jugé insuffisant. Il existe d’autres méthodes d’établissement de valeurs toxicologiques comme les benchmark doses que je ne présenterai pas.

Pour extrapoler des résultats d’études animales vers l’homme deux hypothèses sont faites :

  • sur la dose : les effets observés à fortes doses chez les rongeurs pourraient apparaître à plus faible dose chez l’Homme
  • sur l’espèce : si des effets sont perçus chez l’animal, peuvent-ils apparaître chez l’Homme ? et par quels mécanismes et modes d’action biologiques ?

La question de la dose

La question de la dose ingérée dans l’organisme est centrale pour évaluer le risque. Dans le cas de la toxicité aiguë, on peut s’intéresser à un indicateur la Dose létale médiane LD50. C’est la quantité d’une substance administrée en 1 fois qui cause la mort de la moitié d’une population. Par exemple pour tuer la moitié d’une population de rat (pesant chacun 250g), il faudrait environ 48mg de caféine ou 2,5g de dioxyde de titane E171 mais seulement 0,43mg d’aflatoxine. On peut constater que les additifs ne sont pas dans les substances avec des DL50 basses (= pour les substances très toxiques comme les toxines bactériennes ou des moisissures).

3. Évaluation de l’exposition : elle se calcule en combinant les consommations alimentaires avec les concentrations en additifs dans ces aliments consommés. Divers scénarios sont possibles en utilisant des données d’achats ou de consommation d’enquêtes, des niveaux maximum autorisés en additif ou des mesures analytiques réelles.

4. La caractérisation du risque : on estime la fraction de la population qui pourrait excéder les Doses Journalières Admissibles (DJA) ainsi que dans des sous-groupes à risque (enfants, femmes enceintes etc…).

L’additif peut être autorisé à la dose quantum satis (dose qui doit suivre les bonnes pratiques de fabrication) ou avec une teneur maximale règlementaire pour toutes les denrées alimentaires ou de façon spécifique à certaines catégories alimentaires.

La réévaluation des additifs est enclenchée s’il y a un risque de dépasser les DJA, si les données utilisées dans les précédentes évaluations manquaient de qualité et fiabilité. De nouvelles études ne confirment pas les précédents résultats.

La ré-évaluation commence par un appel public de données, puis une pré-évaluation des documents, puis un brouillon d’une opinion scientifique est préparée. Cette opinion est discutée dans les groupes de travail. Des appels additionnels de données peuvent avoir lieu. L’opinion finale est préparée puis adoptée.

L’exemple de l’aspartame

L’aspartame (E951) est un agent avec un pouvoir sucrant 200 fois supérieur au sucre et très faible en calories. Il est utilisé dans de nombreux produits light ou sans sucre ou hypocaloriques (chewing-gums, boissons…). C’est un édulcorant ancien découvert en 1965 par James Schalatter. Il est entièrement dégradé dans l’intestin en acide aspartique, en phénylalanine et méthanol. Cet édulcorant est à éviter pour les personnes atteintes de phénylcétonurie, puisqu’elles ne peuvent pas métaboliser la phénylalanine en tyrosine.

En 2005, la fondation italienne Ramazzini a semé le doute sur l’innocuité de l’aspartame en mettant en avant des effets carcinogènes liés à la consommation d’aspartame chez des rats (Soffritti, 2006). L’agence européenne EFSA a par la suite ré-évalué quatre fois en 2006, en 2009, en 2011 et en 2013 l’aspartame en actualisant les données scientifiques. A chaque fois, le panel d’experts a toujours conclu à l’innocuité de l’aspartame compte-tenu de l’exposition alimentaire et des études toxicologiques.

Les études concluant à la toxicité de l’aspartame (principalement études de la fondation Ramazzini) souffraient de méthodologie :

  • les animaux étaient plus enclins à développer des cancers
  • les facteurs de confusion : dans l’étude de la fondation Ramazzini, les animaux souffraient d’affections inflammatoires chroniques touchant les poumons.
  • le diagnostic des tumeurs par des examens indépendants
  • faibles échantillons pour les études humaines, pas de double aveugle randomisé

Les conclusions de l’EFSA : en français, en anglais (rapport complet), éditorial du journal EHP

Dans la dernière ré-évaluation de 2013, on peut constater que les apports alimentaires en aspartame sont pour les adultes et les enfants en moyenne 1000 fois inférieur à la dose maximale sans effet chez les rats (NOAEL, le seuil au-dessus duquel apparaît des effets de toxicité chronique comme la cancérogénicité). Seuls les plus grands consommateurs (Percentile 95 = les 5% des plus grands consommateurs et les enfants de 20-30 kg buvant 1L de soda à 600 mg d’aspartame. ) s’approchent de la Dose Journalière Admissible de 40 mg/kg poids corporel/j. On constate que l’exposition alimentaire est bien en-dessous des seuils toxicologiques.

La gestion des risques alimentaires

Le but de la gestion des risques est d’établir la signification du risque estimé, de comparer les coûts de sa réduction aux bénéfices obtenus, de comparer les risques estimés aux bénéfices pour la société suite au risque encouru, et d’appliquer les procédures politiques et institutionnelles nécessaires à la réduction du risque. Les gestionnaires du risque sont la Commission Européenne et le Ministère de la Santé, de l’Agriculture et la DGCCRF.

Voici quelques incertitudes liées à l’évaluation des risques sur les additifs (non exhaustif !) :

  • la grande variabilité des données disponibles ou des données manquantes
  • la difficulté à mesurer les habitudes de consommation alimentaire avec l’exactitude de l’estimation de l’ingestion au niveau individuel
  • la prise en compte des constituants naturels (phosphates, benzoates, nitrates) pour certains additifs
  • Difficulté de chiffrer quand l’additif est utilisé comme tel pour les édulcorants de table par exemple
  • Le concept de DJA est critiqué pour le choix du modèle animal de référence, le choix de l’effet toxique critique « endpoint » et des facteurs de sécurité appliqués (qui peuvent aller de 100 au million). Les doses d’additif utilisées dans les études animales sont souvent beaucoup plus importante que celles auxquelles l’Homme est soumis. Les animaux de laboratoire sont également souvent identiques au niveau de la génétique, chez l’Homme, il faut s’attendre à une plus grande variabilité de relations dose-réponse.

Pourquoi l’attention est focalisée sur les additifs ?

  1. Les media généralistes entretiennent la confusion entre le danger et le risque. Certaines études sur des modèles cellulaires ou animaux avec de faibles effectifs ou des biais méthodologiques découvrent des effets toxiques qui sont relayés ensuite en grands titres. Souvent ces résultats sont relayés rapidement sur les réseaux sociaux. On parle d’amplification sociale du risque. La question de l’exposition alimentaire aux additifs par rapport aux seuils toxicologiques n’est pas souvent discutée. A une certaine dose, quasiment toutes les substances peuvent devenir nocives. Les apports en additifs sont souvent bien plus faibles que les seuils toxicologiques dérivés des études animales. Le niveau de preuve entre les différents types d’études n’est pas souvent identifié dans la presse généraliste.
  2. L’alimentation est un sujet qui nous touche et concerne tous. Chacun a donc sa propre opinion personnelle dessus en fonction de ses expériences et connaissances. Dans l’alimentation, il y a une différence entre le risque réel, le risque observé et le risque perçu. La notion de risque est la probabilité d’occurrence d’un événement indésirable pondérée par a gravité de cet événement. La population générale a une perception du risque différente de celle des experts en évaluation des risques : les consommateurs voient les risques alimentaires actuels comme plus élevés qu’ils ne le sont. Dans un système fiable en maîtrise des risques sanitaires, paradoxalement, plus un risque devient faible, moins le risque résiduel est accepté. On aboutit à des situations anxiogènes : les accidents d’avion ne sont pas tolérés alors qu’ils sont extrêmement rares et que c’est le moyen de transport le plus fiable.
Les risques d’avoir un problème de santé ou de décéder. La proportionnalité des bulles ne se veut pas hyper exacte. Le but est d’illustrer la différence entre le risque perçu (mesurable par questionnaires) et le risque réel observé (utilisation de données de parts attribuables à une maladie/décès dans les études épidémiologiques par exemple) Source :
Journal of Occupational and Environmental Hygiene

Lors d’une crise alimentaire, un spécialiste y verra que c’était impossible à prévoir et que le système de maîtrise des risques fonctionne alors que le consommateurs y verra la manifestation d’un système défaillant et d’experts incompétents. Tout cela est également lié à des nombreux biais cognitifs, quelques exemples (non exhaustif) :

  • le biais de représentativité : tout le monde raisonne par rapport aux clichés, aux références passées, aux représentations et souvent pas à partir d’informations objectives dont il dispose
  • le biais de disponibilité : on se souvient mieux des événements produits récements ou qui nous touchent personnellement
  • le biais de présentation : les pertes sont ressenties plus intensément émotionnelelment que les gains. Une viande composée de 25 % de gras ne sera pas perçue de la même façon qu’une viande à 75 % de maigre
  • l’effet de halo : chacun sélectionne des informations qui confortent son point de vue initial.

3. Le manque de communication claire des autorités et des scientifiques et la complexité des évaluations de risque peuvent donner l’impression qu’on leur cache des choses. Cela laisse surtout le champ libre à des personnes sans compétences ni connaissances en nutrition, biologie ou évaluation des risque sur internet ou les réseaux sociaux donner leur point de vue personnel voire faire de la désinformation. Il est important de vérifier les sources et l’auteur de l’information. Par exemple, il existe des applications qui proposent des scores évaluant la qualité nutritionnelle et les additifs mais pour le moment compte tenu du niveau de preuves scientifiques, il n’est pas possible ni scientifique de mettre un score sur les additifs puisqu’il faut tenir compte de l’exposition alimentaire.

4. Certains additifs ont des restrictions d’utilisation en terme de quantités ou de catégories alimentaires. Certains résultats contradictoires (entre les études observationnelles, d’intervention, humaines ou animales/cellulaires) sèment le doute sur certains additifs (surtout par manque de données/d’études) comme les nitrates/nitrites, le BHA, BHT, certains édulcorants intenses ou certains colorants azoïques ou le dioxyde de titane pour sa fraction nanoparticulaire.

Interdire tous les additifs ?

Certains additifs ont un rôle plus accessoire (colorant, modification du goût, de la texture) mais cela répond à une certaine demande du consommateur. L’exemple des conservateurs et du botulisme ou de l’utilisation des édulcorants par les diabétiques peut remettre en question l’idée de se passer totalement de tous les additifs. Il est important de prendre en compte le rapport bénéfice/risque. Autre question importante, si l’on supprime un additif, par quoi le remplace-t-on ? Est-ce que l’alternative est plus sûr ?

Coca-Cola Clear lancé uniquement au japon, il ne contient pas de colorant caramel

A l’inverse, les colorants ne sont pas indispensables mais est-ce que le consommateur est prêt à ne pas avoir un Coca-cola noir (E150d, colorant caramel) ou un Fanta Orange (E110, Jaune orangé S) ? Est-ce que se déshabituer au goût sucré ne permettrait pas de se passer des édulcorants/polyols ?

Il faut également avoir en tête que dans les facteurs de risque de maladies/mortalités, l’alcool ou le tabac arrivent en tête avec un niveau de preuve bien plus avérés. De même que le surpoids lié à des apports excessifs en calories est également un facteur de risque majeur de maladies cardiovasculaires et métaboliques. Et pourtant les produits riches en calories ou l’alcool ne sont pas interdits. Chercher à manger équilibré (des aliments de bonne qualité nutritionnelle), frais et non transformé est un bon moyen d’être peu exposé aux additifs et de jouer sur des facteurs bien plus avérés de risque/protecteur : la charcuterie, la viande rouge, les fibres, les fruits/légumes etc…

Il reste également des questions sur les effets « cocktails », d’une exposition cumulée à plusieurs additifs par l’alimentation puisque les additifs sont évalués de façon individuelle. Est-ce qu’il existe des effets synergiques, antagonistes ou additifs ? Pour le moment, on ne sait pas y répondre. Des méthodes de modélisation à des expositions aux mélanges sont seulement en train d’être développées surtout pour les pesticides. Pour conclure, il reste des incertitudes sur les risques liés à certains additifs mais il faut se rappeler que les additifs ont suivi un long processus d’évaluation scientifique avant d’être autorisé. Il y a également des limites maximales d’utilisation et des contrôles.

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Pour suivre les autres actualités du blog ou en apprendre plus sur les controverses alimentaires, santé et environnement, un petit like ou sur Twitter :

Sources :

Takala et al. Global Estimates of the Burden of Injury and Illness at Work in 2012. J Occup Environ Hyg. 2014 May; 11(5): 326–337.

Règlements européens n°1333/2008 et n°1331/2008 sur les additifs

Conseil National de l’Alimentation. Avis n°73, adopté le 11 décembre 2014. Communication et alimentation : les conditions de la confiance

EFSA ANS Panel (EFSA Panel on Food Additives and Nutrient Sources added to Food), 2013. Scientific Opinion on the re-evaluation of aspartame (E 951) as a food additive. EFSA Journal 2013;11(12):3496, 263 pp. doi:10.2903/j.efsa.2013.3496

Institut Pasteur. Fiche botulisme (Janvier 2013). https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/botulisme

6 réflexions sur “Comment les additifs alimentaires sont autorisés ? Danger et risques réels vs perçus pour la santé

  • 2 mai 2019 à 10 h 47 min
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    Hello,
    La figure qui reprend les risque perçus vs les risques réels est tirée de l’article du Journal of Occupational and Environmental Hygiene.
    Mais cet article du Journal of Occupational and Environmental Hygiene semble reprendre lui même cette figure d’une autre source que je n’arrive pas à retrouver. Elle est notée ainsi : FIGURE 6. Perceptions of people are different from reality (Sources: S. Hertlich, M. Hamilo, S. Kuvalehti [FI], WHO/ILO/J.Takala).
    Sauriez – vous où je pourrais trouver cette source intiale ?
    Merci de votre aide et à bientot

    Répondre
    • 2 mai 2019 à 12 h 07 min
      Permalien

      Bonjour, j’avais un peu cherché moi-même la source des données : je n’ai pas trouvé de données chiffrées pour les risques perçus pour ces bulles. Je pense que la figure ne se voulait pas précise mais plutôt pour imaginer cette différence : il n’y a d’ailleurs pas d’échelle ou d’unités. Pour les risques réels/observés, je pense que c’est une moyenne globale :
      – EUROSTAT numbers referred by the Health and Safety Executive, U.K. web page: http://www.hse.gov.uk/statistics/pdf/fatalinjuries.pdf(accessed 2014 09 11)
      – Takala J, Hämäläinen P, Saarela KL, LokeYY, ManickamK, Tan WJ, Heng P, TjongC, Lim GK, Lim S, GanSL: Global Estimates of the Burden of Injury and Illness at Work in 2012. JOEH 11: 326-337, May/2014, Taylor & Francis, open access, http://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/15459624.2013.863131ILO
      – Report Contribution by Nenonen N, Hämäläinen P, Takala J, Saarela KL, Lim SL, Lim GK, ManickamK: GLOBAL ESTIMATES OF OCCUPATIONAL ACCIDENTS AND FATAL WORK-RELATED DISEASES IN 2014, based on 2010 and 2011
      – DATA, Report to the ILO, Tampere, Singapore, Geneva 2014, DOI:10.13140/2.1.2864.0647, web page: http://www.wshi.gov.sg/files/Global%20Estimates%20of%20Occupational%20Accidents%20and%20Work-related%20Illness%202014.pdfStephen
      – S Lim, Theo Vos, Abraham D Flaxman, et al. A comparative risk assessment of burden of disease and injury attributable to 67 risk factors andrisk factor clusters I 21 regions, 1990-2010: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2010. Lancet 2012; 380: 2224-60, Institute of Health Metrics and Evaluation web site: http://vizhub.healthdata.org/gbd-cause-patterns/Hämäläinen P.
      – Global Estimates of Occupational Accidents and Fatal Work-Related Diseases. Doctoral dissertation, Publication 917, Tampere University of Technology, Finland, 2010. Accessed on 11 Sep 2014 and available at http://dspace.cc.tut.fi/dpub/bitstream/handle/123456789/6818/hamalainen.pdf?sequence=1Nurminen M & KarjalainenA (2001).
      – Epidemiologic estimate of the proportion of fatalities related to occupational factors in Finland. Scandinavian Journal of Work, Environment & Health 27, 161–213. http://www.sjweh.fi/show_abstract.php?abstract_id=605(accessed 26 March 2014)

      Si vous trouvez les chiffres, je suis preneur. Le mieux serait de contacter le corresponding author. Je n’ai pas poussé les recherches plus loin comme ce n’est pas le centre de mon article mais je me suis posé la question…

      Répondre
  • 2 mai 2019 à 23 h 31 min
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    Bravo pour cet article très intéressant.

    J’ai l’impression que l’une des raisons qui explique pour quoi les gens craignent tant les additifs c’est aussi pour se déresponsabiliser (et c’est exactement la même chose avec la crainte des pesticides). C’est plus facile de rejeter la faute sur autrui (les méchants industriels qui empoisonnent la nourriture avec les additifs et les pesticides) plutôt que d’admettre que ce qui a un réel impact sur votre santé c’est ce que vous décidez de manger. Accuser les industriels est selon moi, une manière qu’ont beaucoup de personnes pour ne pas remettre en question leurs propres habitudes alimentaires. (Ceci est mon avis personnel, peut être que je me trompe).
    Ceci, je pense que ce n’est pas la seule raison qui explique l’incohérence du comportement des gens; je pense que le biais de l’affect joue aussi un rôle important dans ce phénomène. Ce biais consiste à sous estimer le risque d’une chose si elle est vue comme bonne (par exemple le soleil (qui peut causer le cancer), les piscines (risque d’accident), le vin,….), alors qu’au contraire, si cette chose est vue comme mauvaise, les gens surestiment le risque que représente cette chose. Comme de manière générale, les gens se méfient des « produits chimiques » qui sont vues comme mauvais, cela les fait surestimer le risque. Au contraire, la nourriture peut être bien vue même s’il est prouvé qu’elle est cancérigène ce qui conduit les personnes à sous estimer le risque qu’elle représente.

     » Dans un système fiable en maîtrise des risques sanitaires, paradoxalement, plus un risque devient faible, moins le risque résiduel est accepté »
    De manière plus générale, Tocqueville avait observé ce paradoxe: plus un mal devient rare, plus il devient intolérable.
    On observe ce paradoxe dans beaucoup de domaines de notre société. C’est pas étonnant que souvent, alors que les chiffres prouvent une diminution d’un problème (par exemple la criminalité), les gens pensent que le problème s’aggrave. Ma théorie c’est que quand un mal est courant, on s’y habitue. Si on est dans un pays très violent, on finit par s’y habituer à la violence. Par contre, si un mal est rare, on n’est pas habitué. On aurait beaucoup plus de mal à le supporter et on accorderait bien plus d’importance. Après c’est juste une théorie
    J’avais lu, je ne sais plus où que, plus un problème devient rare, plus nous étendons le champ de ce que nous considérons comme faisant parti de ce problème.
    Et de manière globale, on observe que nos sociétés supportent de moins en moins le risque alors que nos sociétés sont de plus en plus sûrs. C’est vrai partout (pas seulement au niveau sanitaire).

    L’évolution humaine fait que l’être humain a tendance à surévaluer les risques (ce qui était pratique à l’époque où s’il ne faisait pas attention, il pouvait être tué par un prédateur). Sur le risque, un excellent livre à lire: “Risk: The Science and Politics of Fear »de Dan Gardner.
    Même si j’ai lu le livre il y a quelques années et je me souviens plus de tout, je me souviens que ce livre mentionnait le fait que des études ont montré que les gens accordent généralement plus de crédibilité aux études scientifiques qui démontrent un danger ou un risque, qu’à celles qui démontrent qu’il n’y en a pas.

    Je me permets de terminer mon commentaire par une note d’espoir: le fait d’informer les gens sur le sujet des additifs les rends plus enclins à être plus positifs sur ceux ci et à mieux évaluer les risques: https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/risa.12410
    Bravo à vous de vulgariser un sujet aussi complexe que celui ci. Vous êtes l’un des très rares blogs traitant le sujet de l’alimentation de manière fiable.

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  • 8 juillet 2019 à 11 h 31 min
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    Bonjour,

    L’image des ingrédients du Coca Cola provient de la base de données collaborative OpenFoodFacts, le bénévole qui l’a prise en photo vous permets de la réutiliser sous réserve de mentionner la licence Creative Commons qu’il a choisi.
    Je vous ai signalé l’absence des mentions légales sur Twitter les 19 et 26 juin 2019 sans réponse de votre part.
    Pouvez faire le nécessaire svp?

    Merci

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    • 9 juillet 2019 à 5 h 48 min
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      Bonjour, merci pour la remarque. J’ai corrigé par une photo personnelle. Je n’ai pas trouvé votre tweet du 26 juin 2019. Et je n’arrive pas à remonter plus loin que le 25 juin 2019 pour les notifications (au 09/07/2019). Bien à vous.

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  • 10 décembre 2019 à 1 h 27 min
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    Les additifs alimentaires (conservateurs, sulfites) me donnent des crises de goutte. C’est très douloureux.
    Quand je mange sainement, pas de problème. J’ai mis du temps à m’en rendre compte.
    C’est de la chimie… L’organisme humain n’est pas apte à supporter ça.
    Je prends pas mal de médicaments : greffée rénale.

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