C’est quoi les fibres alimentaires solubles et insolubles ? Sources, microbiote et prévention des maladies chroniques
De nombreuses études épidémiologiques ont démontré les avantages des fibres alimentaires sur la santé gastro-intestinale et sur la réduction du risque de maladies chroniques par la consommation d’aliments non raffinés comme les céréales, les légumineuses, les légumes et les fruits. Mais qu’est-ce que sont les fibres ? Où les trouve-t-on (table de composition à la fin de l’article) ? Pourquoi est-il conseillé d’en consommer ?
La famille des sucres

D’un point de vue purement chimique, les glucides (carbohydrates ou sucres) engoblent de nombreux composés qu’on peut différencier par leur degré de polymérisation : les mono- et disaccharides (1-2 monomères), les oligosaccharides (3-9 monomères) et les polysaccharides (>9 monomères). Le glucose, le fructose ou le galactose sont des monosaccharides alors que le saccharose (le sucre blanc) ou le lactose dans le lait sont des dissacharides.
D’un point de vue nutritionnel, on peut distinguer deux grandes catégories de glucides :
- ceux qui sont digérés et absorbés dans l’intestin grêle et produisent de l’énergie à l’organisme (les macronutriments sont caloriques)
- ceux qui ne sont pas digérés ni métabolisés: Les glucides non digestibles sont appelés les fibres alimentaires
Diverses définitions des fibres alimentaires
Le terme de fibres alimentaire est apparu à partir des années 70. En 2009, après près de 20 ans de discussions, l’Organisation mondiale de la santé et le Codex Alimentarius ont fourni une définition : « tous les glucides qui ne sont ni digérés ni absorbés dans l’intestin grêle et ont un degré de polymérisation (DP) d’au moins dix unités monomères ». L’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (EFSA) a donné une définition plus large qui inclut tous les glucides qui ne sont ni digérés ni absorbés dans l’intestin grêle et qui ont un degrés de polymérisation d’au moins 3 unités.
Les fibres sont donc des enchaînements de sucres d’origine végétale, qui ne sont pas digérées par les enzymes humaines et associés ou non dans la plante à de la lignine ou des constituants non glucidiques (polyphénols, saponines, cutine etc…). La plupart des fibres alimentaires proviennent des parois de cellules végétales : pectines, cellulose, hémicellulose… Certains additifs (les gommes de guar ou xanthane ou les carraghénanes), les amidons résistants, les oligosaccharides indigestibles sont également considérés comme des fibres.


- Les fibres alimentaires solubles se dissolvent dans l’eau pour former une substance épaisse semblable à un gel dans l’estomac. Elles sont décomposées par les bactéries du gros intestin (fermentation) et fournissent quelques calories. Les fibres solubles comme la gomme de guar, les béta-glucanes de l’avoine ou du seigle peuvent également ralentir l’absorption des nutriments au niveau de l’intestin dans la circulation sanguine. Cela peut aider à contrôler le niveau de glycémie en empêchant une augmentation rapide de la glycémie après un repas.
- Les fibres alimentaires insolubles ne se dissolvent pas dans l’eau et peuvent traverser le tractus gastro-intestinal de manière relativement intactes (partiellement ou totalement fermentées dans le colon) et ne sont donc pas une source de calories. Celles-ci peuvent former un mucilage qui retient l’eau, gonfle dans le tube digestif et accroît l’excrétion fécale. Les fibres alimentaires insolubles peuvent accélérer la vidange gastrique.
- Les fibres alimentaires solubles et insolubles théoriquement peuvent vous donner une sensation de satiété, même si c’est avec un niveau de preuve faible (non démontré dans cette revue systématique par exemple Warrilow et al. 2018).

Quelques mécanismes d’action des fibres
Les fibres alimentaires ont des caractéristiques physico-chimiques (par exemple, solubilité, viscosité, fermentescibilité) qui déterminent sa fonctionnalité dans le tractus gastro-intestinal, y compris ses effets sur, par exemple, la disponibilité des micronutriments, le temps de transit intestinal, la formation de selles et la diversité microbienne dans l’intestin. Le temps de transit intestinale diminuait de 0,78h par gramme supplémentaire par jour de fibres de blé chez des participants sains d’après une revue systématique (De Vries et al. 2015).
La fermentation des fibres dans l’intestin par le microbiote produit des acides gras à courtes chaînes (AGCC). Des études animales ont montré que les AGCC stimulent l’activité de contraction du colon, peuvent influencer la réponse immunitaire adaptatives intestinales (Gill et al. 2020). Ces AGCC sont également impliqués dans le maintien de la barrière intestinale.

Fibres et microbiote
Nous ne sommes pas capables de métaboliser les fibres mais notre microbiote intestinal le peut grâce à des enzymes qui vont hydrolyser les liaisons chimiques au sein de certaines fibres alimentaires. Des études d’observationnelles (De Filippo 2010) ont montré qu’il y a des différences dans la composition du microbiote fécal entre les populations industrialisées et rurales. Ces différences ont été attribuées au régime occidental typique composé d’aliments qui sont très raffinés et pauvres en fibres alimentaires, en particulier fibres fermentescibles. Dans l’étude de PNAS, une comparaison du microbiote fécal d’enfants de 1 à 6 ans a montré que le microbiote au Burkinafaso contenait plus de Bacteriodetes et moins de Firmicutes, avec la présence de bactérie Prevotella et Xylanibacter (« des bonnes bactéries ») qui contiennent des enzymes pour digérer la cellulose et le xylane. Le microbiote des enfants africains avait moins d’entérobactéries (Shigella et Escherichia), des bactéries responsables d’infections.

Les enfants du Burkina (barres en noir) Faso avaient plus d’acides gras à courtes chaînes comme l’acide propionique, l’acide acétique et l’acide butyrique, que les enfants européens (barres en gris). Or ces acides gras à courtes chaînes sont produits lors de la fermentation bactérienne par le microbiote de fibres et ce sont des facteurs nutritionnels protecteurs de l’inflammation.

Ces différences de microbiote pourraient être le résultat de co-évolution avec la teneur en oligosaccharides/fibres du régime. Si vous souhaitez plus de détails, j’ai un peu plus commenté l’étude sur Twitter :
Une autre étude indique que l’occidentalisation des régimes est associée à un changement du microbiote en comparant le microbiote fécal d’amérindiens, de malawiens et d’habitants des États-Unis. Ce graphique ci-dessous permet de discriminer les individus selon leur microbiote et on voit que le microbiote des Etats-Uniens est différent de ceux des Amérindiens (ils utilisent une analyse en composante principale et ils mesurent la similarité des microbiotes avec la distance UniFrac qui estime la distance entre des communautés dans un arbre phylogénétique).

D’après la revue de Nature, réduire les apports en fibres fermentescibles par le microbiote était associé à une couche plus mince de mucus intestinal et donc une diminution de la protection de l’épithélium intestinal, une altération du microbiote intestinale.
Fibres et maladies chroniques
Cancer colorectal
Il a été démontré que les fibres alimentaires ont un certain nombre d’effets protecteurs par rapport aux maladies chroniques et la mortalité dans les études épidémiologiques et interventionnelles. Le WCRF (Fond mondial de la recherche contre le cancer) estime que la consommation accru de fibres est associée à une diminution du risque de cancer colorectal avec un niveau de preuve probable. Les travaux de méta-analyse du WCRF ont montré une réduction de 10% du risque associée aux fibres des céréales et que la consommation de 3 portions de produits céréaliers complets était associée à une réduction de 21% du risque de cancer colorectal et à une diminution de 16% pour le risque de cancer du côlon. Une autre méta-analyse incluant 25 cohortes (Aune 2011) a retrouvé le même résultat avec le risque relatif de cancer colorectal qui diminue quand les apports totaux en fibres et les fibres venant de céréales complètes augmentent. Je parle de risque relatif parce qu’on compare un groupe plus exposé aux fibres vs moins exposé et on calcule une sorte de rapport d’incidence du cancer colorectal (risque relatif). Cet effet protecteur pourrait être lié à la production d’acides gras à courtes chaînes.

Prévention du diabète de type 2 et des maladies cardiovasculaires
La consommation de fibres (de produits céréaliers complets) pourrait être associée à un risque réduit de diabète de type 2. Les aliments complets contribuent à ralentir l’absorption des glucides, ce qui engendre un meilleur contrôle de la glycémie. L’Agence Nationale de sécurité alimentaire (ANSES, p.22) écrit qu’il existe une réduction du risque associée à la consommation des fibres alimentaires, pour les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et les cancers du côlon-rectum et du sein à partir de 25g/j et de façon plus concordante pour un apport de 30g/j. Voici une méta-analyse (Threapleton 2013) sur 22 cohortes qui illustre l’effet protecteur des fibres par rapport aux maladies cardiovasculaires : le risque cardiovasculaire diminue avec la consommation de fibres

En conclusion, les fibres peuvent apporter de multiples bénéfices. Les recommandations alimentaires sont de substituer le pain raffiné par le pain complet et plus généralement préférer les produits céréaliers et féculents complets. Les fibres sont présentes dans les légumineuses, les fruits et légumes, les fruits à coque (non salés de préférence). L’apport en fibre est indiqué sur l’emballage des produits alimentaires. Privilégier les aliments avec au moins 20% apports recommandés en fibres.
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Je vous mets une table de composition nutritionnelle en fibres pour divers aliments :
g/100g | Fibres (total) | Fibres insolubles | Fibres solubles | % (pour 100g) de la recommandation de 30g |
Orge | 17,3 | 58% | ||
Maïs | 13,4 | 45% | ||
Avoine | 10,3 | 6,5 | 3,8 | 34% |
Riz sec | 1,3 | 1 | 0,3 | 4% |
Riz cuit | 0,7 | 0,7 | 0 | 2% |
Blé complet | 12,6 | 10,2 | 2,3 | 42% |
Germe de blé | 14 | 12,9 | 1,1 | 47% |
Haricots verts | 1,9 | 1,4 | 0,5 | 6% |
Soja | 15 | 50% | ||
Pois vert congelés | 3,5 | 3,2 | 0,3 | 12% |
Haricots rouges en conserve | 6,3 | 4,7 | 1,6 | 21% |
Lentilles crues | 11,4 | 10,3 | 1,1 | 38% |
Pomme de terre sans peau | 1,3 | 1 | 0,3 | 4% |
Betterave | 7,8 | 5,4 | 2,4 | 26% |
Feuilles de fenugrec | 4,9 | 4,2 | 0,7 | 16% |
Epinards crus | 2,6 | 2,1 | 0,5 | 9% |
Navets | 2 | 1,5 | 0,5 | 7% |
Tomate crue | 1,2 | 0,8 | 0,4 | 4% |
Oignons verts crus | 2,2 | 2,2 | 0 | 7% |
Aubergine | 6,6 | 5,3 | 1,3 | 22% |
Concombres pelés | 0,6 | 0,5 | 0,1 | 2% |
Chou-fleur cru | 1,8 | 1,1 | 0,7 | 6% |
Céleri cru | 1,5 | 1 | 0,5 | 5% |
Carotte crue | 2,5 | 2,3 | 0,2 | 8% |
Brocoli cru | 3,2 | 3 | 0,29 | 11% |
Pomme non pelée | 2 | 1,8 | 0,2 | 7% |
Kiwi | 3,39 | 2,6 | 0,8 | 11% |
Mangue | 1,8 | 1,06 | 0,74 | 6% |
Ananas | 1,2 | 1,1 | 0,1 | 4% |
Grenade | 0,6 | 0,49 | 0,11 | 2% |
Pastèque | 0,5 | 0,3 | 0,2 | 2% |
Raisins | 1,2 | 0,7 | 0,5 | 4% |
Oranges | 1,8 | 0,7 | 1,1 | 6% |
Prunes | 1,6 | 0,7 | 0,9 | 5% |
Fraises | 2,2 | 1,3 | 0,9 | 7% |
Bananes | 1,7 | 1,2 | 0,5 | 6% |
Pêche | 1,9 | 1 | 0,9 | 6% |
Poire | 3 | 2 | 1 | 10% |
Amandes | 11,2 | 10,1 | 1,1 | 37% |
Noix de coco crue | 9 | 8,5 | 0,5 | 30% |
Arachide grillée | 8 | 7,5 | 0,5 | 27% |
Noix de cajou grillée | 6 | 20% | ||
Grainde de lin | 22,3 | 10,2 | 12,2 | 74% |
Sources : De Filippo C, Cavalieri D, Di Paola M, Ramazzotti M, Poullet JB, Massart S, Collini S, Pieraccini G, Lionetti P. Impact of diet in shaping gut microbiota revealed by a comparative study in children from Europe and rural Africa. Proc Natl Acad Sci U S A. 2010 Aug 17;107(33):14691-6. doi: 10.1073/pnas.1005963107. Epub 2010 Aug 2. PMID: 20679230; PMCID: PMC2930426.
Threapleton D E, Greenwood D C, Evans C E L, Cleghorn C L, Nykjaer C, Woodhead C et al. Dietary fibre intake and risk of cardiovascular disease: systematic review and meta-analysis BMJ 2013; 347 :f6879 doi:10.1136/bmj.f6879
Gill SK, Rossi M, Bajka B, Whelan K. Dietary fibre in gastrointestinal health and disease. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2021 Feb;18(2):101-116. doi: 10.1038/s41575-020-00375-4. Epub 2020 Nov 18. PMID: 33208922.
Bonjour Javier une intervention du rectum suivi d’une stomie qui m’a été retirer le 14 mai 2020 .J’ai eu de la chimio ensuite car métastases sur foie découvertes en septembre 2020.A ce jour douleurs ventrales et épisodes de selles nombreuses dans une même journée puis selles dures.Je ne sais plus quoi faire pour mon transit.avez vous des solutions de regime adapté. Cordialement
Bonjour, merci de votre question. Malheureusement je ne peux pas vous conseiller mais juste vous recommandez d’aller voir un professionnel de santé pour parler de votre problème de santé. Bon week-end. Bien à vous
Bonjour,
L’université Monash publie un guide des aliments apportant des fibres compatible avec un régime limité en FODMAPs
https://www.monashfodmap.com/blog/getting-enough-fibre/
Cordialement