Bicopoll Project : remplacer les pesticides par les abeilles pour protéger les cultures de fraises BIO

abeille api melliferaUne équipe finlandaise a développé une méthode durable de protection des cultures fruitières bio à l’aide d’insectes pollinisateurs tels que les abeilles.

Les résidus de pesticide dans l’agriculture conventionnelle

Les pesticides sont des produits chimiques dans l’agriculture conventionnelle intensive qui servent à protéger les cultures des insectes nuisibles, des champignons, des mauvaises herbes… Cependant, ces intrants peuvent avoir des effets délétères sur la santé humaine à une certaine dose ou une exposition chronique. Certains sont suspectés cancérigènes, poser des problèmes de développement du fœtus ou des lésions au cerveau. Ces pesticides sont classés par le CIRC pour la cancérogénicité .

L’exposition aux pesticides peut se faire par inhalation, contact ou ingestion par exemple. C’est un problème majeur de santé publique puisque nous pouvons être exposés à des résidus de pesticides à travers notre alimentation. L’agence européenne de sécurité sanitaire EFSA a collecté et analysé en 2014 83 000 échantillons alimentaires  : 97% des échantillons étaient dans les limites légales de résidus de pesticides (53,6% sans pesticide et 43,4% avec des résidus en dessous des limites autorisées). Pour les échantillons d’origine bio, 86.4% étaient sans pesticide (à la limite de détection des instruments de mesure) et 12,4% étaient en dessous des seuils autorisées de pesticides.

L’agriculture bio qui allie un mode de production de qualité et de transformation respectueux de l’environnement, le bien-être animal et la sauvegarde de biodiversité, est une réponse à ce problème, puisque la culture bio limite l’utilisation de pesticides

Les abeilles comme auxiliaire de culture bio

La lutte intégrée (integrated pest management) définie dans l’article 3 de la directive 2009/128/CE consiste à protéger les cultures en utilisant le moins possible de pesticides et en maximisant les résultats économiques de l’agriculteur. Cette conception de la protection des plantes a également pour objectif de diminuer les risques sanitaires pour le consommateur et l’environnement et en perturbant le moins possible les écosystèmes.

Pourriture grise de la fraise

L’entomovection est un néologisme qui vient du département des sciences agronomiques de  l’Université d’Helksinki. Cette technique consiste à utiliser des insectes pollinisateurs pour diffuser des agents biologiques naturels qui vont protéger la plante. Ces agents sont des champignons ou bactéries antagonistes des maladies/pathogènes de la plante. Les principaux insectes pollinisateurs sont les abeilles et les bourdons. On parle également d’auxiliaire de culture, un être vivant qui détruit les ravageurs ou atténue leurs effets. Ces auxiliaires de culture peuvent être des animaux consommant les ennemis des cultures (les coccinelles qui mangent les pucerons) ou des micro-organismes qui donnent des maladies aux ennemies des cultures.

Cette méthode permettrait de réduire l’utilisation de pesticides dans les cultures de fruits et de baies. Les principaux pathogènes visés de ces cultures fruitières sont :

  • des champignons (ou moisissures) : Botrytis cinerea (la pourriture grise de la vigne, des tomates et des fraises) ou Fusarium (provoque la fusariose chez le blé, le maïs, l’avoine…)
  • des bactéries : Erwinia amylovora qui initie le  «  feu  bactérien  » au poires, pommes…

coupe fleur infection moisissure champignonLa fleur une voie d’entrée des pathogènes

L’infection de nombreux arbres fruitiers se fait par la fleur. Le champignon infecte en particulier les parties fanées de la fleur dans des conditions humides. L’infection se propage du bas du calice vers le futur fruit.

La fleur est aussi un endroit propice pour recueillir des insectes ravageurs de culture comme le thrips californien, les  pucerons, les aleyrodidae ou les méligèthes.

Le Bicopoll project

La pourriture grise de Botrytis cinereas est une des menaces les plus importantes pour les cultures de fraises. La culture conventionnelle de fraise requière 3 à 8 traitements aux fongicides par saison ! Actuellement, les agriculteurs bio de fraise n’ont pas de moyens contre ce pathogène et perdent toute leur récolte. Dans la culture conventionnelle, la pourriture grise fait perdre entre 10 à 35% de la récolte même avec les fongicides (Hokkanenn 2015)/

Ce projet finlandais utilise des abeilles pour disséminer un mélange de spores de champignons bénéfiques (Gliocladium catenulatum), de talc et de farine de maïs sur des fleurs de fraisiers pour empêcher le développement de la pourriture grise due au champignon Botrytis cinereas. Les abeilles rentrent dans une sorte de « ruche-boite » avec des ouvertures en fente où elles emportent avec elle ce mélange de spores bénéfiques (appelé inoculum). En allant butiner les fleurs de fraisier, elles inoculent ces spores protectrices.

entomovectoring bio organic agriculture strawberry honeybees abeille fraise bio

L’efficacité du dispositif a été évaluée entre autre par l’université d’Helsinki à travers le test de ce mélange Prestop® Mix sur 26 parcelles test. Une ruche avec du Gliocladium était placé à 50m d’un pommier par exemple. Les fleurs des pommiers traités par entomovection et par pesticides conventionnels étaient ensuite cueillies et analysées pour voir lesquelles étaient contaminées par la pourriture grise.

Finalement, durant cette expérience, il a été montré que les ruches avec Gliocladium (biocontrôle) étaient aussi efficaces pour protéger les cultures de fraise de la pourriture grise que les fongicides conventionnels. Ils ont même observé de meilleurs rendements lors de l’utilisation des abeilles. La durée de vie des fraises après cueillette est également allongée lorsque la pourriture grise a été contrôlée dès la floraison. Deux autres études Peng et al. (1992) et Yu and Sutton (1997) ont rapport une réduction de l’incidence de la pourriture grise de 90 à 68% et de 64 à 48% respectivement en appliquant du Gliocladium roseum sur les abeilles ou des bourdons.

Agriculture abeille bio fraise fraisier

Les limites de ce dispositif :

  • la distance entre le dispositif et les cultures : les abeilles avec la mixture ne vont pas forcément aller butiner les fraisiers, du coup, il faut éviter qu’il y ait d’autres sources de nectar que les plantes qu’on veut traiter.
  • la disponibilité de pollinisateur (ou entomovecteurs)
  • le manque de connaissance sur le comportement et le contrôle des abeilles (on n’est pas sûr qu’elles aillent où on veut qu’elles aillent)
  • cela demande de la pratique pour utiliser ce système même si ça parait facile
  • De plus, ça n’a pas été essayé à large échelle, mais ça reste une méthode prometteuse et une alternative aux fongicides !

Il existe d’autres moyens de lutte biologique contre les ravageurs de culture comme les syrphes qui s’attaquent aux pucerons et aux cochenilles ou utiliser des trichogrammes pour tuer les œufs de la pyrale du maïs, une chenille ravageuse.

 

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Sources :

Hokkanenn, Menzler-Hokkanen, Lahdenpera – Managing Bees for Delivering Biological Control Agents and Improved Pollination in Berry and Fruit Cultivation – Sustainable Agriculture Research; Vol. 4, No. 3; June 20, 2015

Abeilles & Cie Nr 152, 2013 l’Entomovection http://bicopoll.net/AINEISTO%20LAATIKKOON%20BICOPOLL%20in%20the%20media/Belgium/Abeilles%20&%20Cie%20Nr%20152,%202013%20l’Entomovection.pdf

Ecophytopic – Zoom sur l’entomovection http://ecophytopic.fr/sites/default/files/L’entomovection.pdf

Core Organic II – http://coreorganic2.org/coreorganic2.asp

The 2014 European Union Report on Pesticide Residues in Food – EFSA Journal – Volume 14, Issue 10, Version of Record online: 26 OCT 2016 https://www.efsa.europa.eu/en/press/news/161026

 

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