Alimentation ultra-transformé et maladies inflammatoires de l’intestin : une association positive d’après l’étude internationale PURE
L’étude internationale PURE dans 21 pays montre qu’une consommation régulière d’aliments ultra-transformés est associée à un risque plus élevé de survenue de maladies inflammatoires de l’intestin, telle que la maladie de Crohn d’après une publication du 15 Juillet 2021 dans le British Medical Journal.
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) regroupent plusieurs pathologies (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) caractérisées par une inflammation de la paroi du tube digestif liée à un trouble du système immunitaire. Environ 212 700 personnes étaient touchées en 2015 en France (Inserm) par ces douleurs abdominales, des diarrhées fréquences ou des atteintes de la région anale. A cela peut s’ajouter des problèmes de fatigue, de malabsorption intestinale (et donc de dénutrition) et plus rarement d’arthrites, de psoriasis ou uvéites. Malheureusement, il n’existe pas de traitement curatif pour les MICI (à part de traiter l’inflammation).

Alimentation, microbiote et MICI
Une revue systématique (Hou) de la littérature de 2011 sur 19 études avait constaté des associations positives entre des consommations élevés de graisses saturées, mono- et polyinsaturées, de mono- et disaccharides, de viande et un risque accru de Maladie de Crohn alors que la consommation de fibres et de fruits était associée à un risque réduit. Et la consommation de légumes était associée à une diminution du risque de colite ulcéreuse. Plus récemment la recherche s’est tournée vers les aspects non nutritionnels de l’alimentation avec l’incorporation de nombreux ingrédients et additifs dans les formulations industrielles. Par exemple, il a été démontré que certains émulsifiants comme la carboxyméthylcellulose pourrait augmenter l’adhérence bactérienne à l’épithélium intestinal et pourrait conduire à une prolifération bactérienne et à une infiltration de bactéries dans les espaces entre les villosités intestinales (Swidsinski 2009).

Une autre étude plus récent avait montré que le polysorbate-80 et la carboxyméthylcellulose peuvent augmenter la perméabilité membranaire, ce dont je vous parlais dans cet article : https://quoidansmonassiette.fr/additifs-et-microbiote-intestinal-les-emulsifiants-entrainent-chez-des-souris-inflammation-syndrome-metabolique/
Chez les malades atteints de MICI, une dysbiose (trouble du microbiote, l’ensemble des micro-organismes de l’intestin) pourrait jouer un rôle dans l’initiation et la sévérité de l’inflammation.

Récemment, une étude prospective de la cohorte NutriNet (Vasseur 2021) sur 105 832 volontaires n’avait pas retrouvé d’association entre la consommation d’aliments ultra-transformés, des profils alimentaires et les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Les résultats de l’étude PURE
Une nouvelle étude internationale PURE sur 136 384 adultes âgés de 35 à 70 ans venant de 21 pays (Argentine, Bangladesh, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Inde, Iran, Malaisie, Palestine, Pakistan, Philippines, Pologne, Afrique du Sud, Arabie saoudite, Suède, Tanzanie, Turquie, États-Unis Émirats arabes et Zimbabwe) a évalué les liens entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de développement de MICI. Les aliments ultra-transformés incluaient tous les produits qui contiennent des additifs alimentaires, des arômes artificiels, des colorants ou autres ingrédients chimiques : viande transformée, céréales pour petit-déjeuner, divers types de sauce, boissons gazeuses, aliments sucrés raffinés (par exemple, bonbons, chocolat, confiture, gelée, brownies, pudding), chips, glace crème, pâtisseries commerciales biscuits et boissons aux fruits. De nombreuses caractéristiques des sujets ont été prises en compte : l’âge, le niveau d’éducation, la consommation d’alcool, la localisation, le statut tabagique, l’IMC, l’activité physique, l’énergie totale… autant de facteurs qui peuvent influencer le risque de développer une MICI.
L’analyse finale portait sur 116 037 participants avec un suivi médian de 9,7 ans et 0,4% de cas de MICI (467 participants dont 90 participants atteints de la maladie de Crohn et 377 atteints de rectocolite hémorragique). Ce tableau ci-dessous montre une association graduelle entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de MICI. Ce tableau représente les rapports de risque relatif (Hazard Ratio HR) entre des individus consommant peu d’aliments ultra-transformés (<1 portion/jour) vs ceux en consommant beaucoup. Un rapport de risque supérieur à 1 indique une association positive entre consommer des aliments ultra-transformés et un risque accru de MICI.
Consommer plus d’aliments ultra-transformés augmentait également le risque de maladie de Crohn. Les mêmes associations ont été retrouvés chez les moins de 50 ans ou 50 ans ou plus quand ils étaient analysés séparément.

Par contre, la consommation de viande blanche, de viande rouge, de produits laitiers, d’amidon, de fruits, légumes et légumineuses n’était pas associés à la survenue d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Il y avait une association uniquement avec les aliments fris. Les chercheurs expliquent donc que ce n’est peut-être pas l’aliment lui-même qui confère un risque, mais plutôt la façon dont les aliments sont transformés ou ultra-transformés.
Des études supplémentaires sont nécessaires pour identifier les potentiels facteurs qui expliquent cette relation avec les aliments ultra-transformés.

Les forces de l’étude sont qu’elle porte sur un grand nombre de participants dans 21 pays. Les données alimentaires ont été récoltées avant le diagnostic de MICI ce qui permet d’avoir la temporalité de la relation. De nombreux facteurs socioéconomiques ont été pris en compte dans les analyses. Les limites de l’étude sont que les auteurs n’ont pas évalué les changements alimentaires au cours du temps (donc avec l’hypothèse que le régime alimentaire des participants reste stable). Les données alimentaires ont été récoltées par des questionnaires de fréquence qui peuvent limiter la précision. Il reste une possibilité de facteurs de confusion résiduels qui pourraient expliquer cette relation (car ils n’ont pas été mesurés ou sont inconnus), cette limite est inhérente à toutes les études observationnelles de ce type.
Source : Narula N, Wong ECL, Dehghan M, et al. Association of ultra-processed food intake with risk of inflammatory bowel disease: prospective cohort study. BMJ. 2021;374:n1554. Published 2021 Jul 14. doi:10.1136/bmj.n1554
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Je suis nutritionniste et je suis tres interessé par cet article et ce que vous publiés generalement. Merci