Alimentation et régime sans gluten : quelle légitimité ?
Jo-Wifried Tsonga, Lady gaga ou Jennifer Aniston ont adopté le « gluten free diet » pour perdre du poids. De plus en plus de personnes adoptent le régime sans gluten pour des raisons de bien-être, de performance sportive ou pour maigrir ou pour des vrais raisons de santé. D’après LSA-conso, le marché sans gluten est en expansion avec une augmentation des ventes de +38% cette année en grande distribution. Le marché est dominé principalement par Schär (Distriborg), Gerblé sans gluten, Valpiform ou Allergo. Les marques de la grande distribution ont aussi sorti leurs propres marques : Mieux vivre (Auchan), Chaque jour sans gluten (Leclerc).
Qu’est-ce que le gluten et où le trouve-t-on ?
Le gluten est le réseau élastique formé par le mélange de 2 protéines du blé qui interagissent avec l’eau : la gluténine et la gliadine. Le gluten est utilisé en agroalimentaire pour ses propriétés viscoélastiques et d’imperméabilité aux gaz. Par exemple, il permet au pain de gonfler. Il permet également d’apporter des protéines végétales. Le gluten se trouve dans les céréales de blé, de seigle et d’orge et dans tous les aliments dérivés : semoule de blé, pains, pâtes, pizzas, biscuits, gâteaux… En revanche, le riz, le maïs, la pomme de terre ou le quinoa n’en contiennent pas. Le gluten peut être utilisé dans certaines préparations industrielles (viandes/poissons panés, desserts glacés contenant un biscuit, biscuits apéritifs…). Voici une petite fiche mémo pour connaître quels ingrédients éviter et que manger : cliquer ici pour avoir l’infographie.
Il existe deux allégations nutritionnelles sur le gluten selon le règlement CE n°41/2009 « très faible teneur en gluten » pour les produits alimentaires avec moins de 100mg de gluten/kg d’aliments et le « sans gluten » pour moins de 20mg de gluten/kg d’aliments.
Attention, la mention « bio » ne signifie pas « sans gluten ».
Qui est vraiment concerné par ce régime ?
Ce sont les personnes qui ont la maladie cœliaque, une maladie inflammatoire du tube digestif. Cette pathologie toucherait environ 1% de la population. Cette intolérance provoque une inflammation qui détruit l’épithélium de l’intestin grêle (atrophie villositaire) et qui induit une malabsorption des nutriments. Il existe des facteurs génétiques de prédisposition : avoir l’hétérodimère HLA-DQ2/8 ou avoir une expression anormale du récepteur CD71 sur la muqueuse intestinale. Les principaux symptômes sont le retard de croissance pour l’enfant, la diarrhée chronique, des douleurs abdominales, un amaigrissement, une fatigue chronique, des carences en nutriments (en particulier le fer ou les folates). Il ne faut pas confondre l’intolérance au gluten (maladie cœliaque) et allergie au gluten qui implique des anticorps (les immunoglobulines IgE). L’allergie alimentaire met donc en jeu une sur-activation de nos défenses immunitaires et elle peut provoquer dans les pires cas un œdème de Quincke ou un choc anaphylactique.
Le principal traitement est le régime sans gluten qui permet au corps de reconstruire sa muqueuse intestinale. Ce régime peut être difficile à réaliser puisqu’on en retrouve dans beaucoup d’aliments quotidiens.
Le sans gluten a un coût
En comparant le prix des pâtes sans gluten et des pâtes standard, j’ai remarqué que le « sans gluten » est un business fleurissant. Sur les quelques produits que j’ai trouvés, en moyenne les pâtes sans gluten sont 2 à 3 fois plus chères (prix cités à la fin de l’article), jusqu’à 15€ le kilo pour les marques spécialisées sans Gluten comme Schär. Je me demande si les industriels ne profitent pas de cette « mode » pour gonfler les prix, même s’il est vrai que la technique sans gluten a un certain coût…
Le régime sans gluten n’est pas optimal pour tout le monde
Le régime sans gluten n’est pas fait pour maigrir et ne fait pas maigrir. Les personnes qui affirment cela changent souvent grandement leurs habitudes alimentaires (et pas que supprimer le gluten).
Giorgia Vici a analysé 21 études de 1990 à 2015 portant sur des individus qui ont suivi un régime sans gluten. Ils ont observé certaines déficiences nutritionnelles récurrentes :
- Une diminution de l’apport en fibres. Les produits sans gluten sont souvent faits à partir d’amidon ou de farines raffinées, caractérisées par une faible teneur en fibres. La consommation de pseudo-céréales est conseillée pour pallier ce manque : quinoa, amarante, chia, sarrasin…
- Des déficiences en vitamines B9 (folates), B12 et D.
- La malabsorption intestinale et l’inflammation contribuent à une diminution de la densité minérale osseuse. Ils ont constaté que 75% des patients diagnostiqués avec une maladie cœliaque ont un risque de fracture des os plus élevé de 40% par rapport à une population saine. Cependant, le régime sans gluten permet d’améliorer cette densité osseuse (en diminuant a destruction des cellules intestinales
- Il est conseillé de manger des aliments riches en fer, puisque la malabsorption intestinale de la maladie coeliaque entraîne souvent des anémies en fer et la rémission de cette carence peut prendre 6 à 12 mois pour revenir à un taux normal de fer.
- Les produits sans gluten sont souvent plus riches en graisses saturées, ce qui augmente le risque d’obésité.
Une autre étude de Haller a suivi pendant 10 ans, des patients atteints de maladie cœliaques. Ils ont analysé leur taux de vitamines B12 et folates par prise de sang. Le groupe des patients avec un régime sans gluten avait un moins bon statut en vitamine B9 et B12 que le groupe contrôle. Cette étude est critiquable par le faible nombre de participants, mais cela interroge la légitimité que des personnes saines effectuent ce type de régime. Par ailleurs, les manques en vitamine peuvent être complété par des compléments alimentaires avec l’accord du médecin ou en mangeant plus de fruits/légumes/pseudo-céréales.
Une dernière étude récente a montré que les personnes qui effectuent le régime sans gluten souvent reconnaissent aussi mal les produits/aliments sans gluten que les personnes saines.
Pour finir, je tenais à ajouter que le régime sans gluten peut être tout à fait équilibré si on compense la suppression du pain, des pâtes par des aliments équivalents « nutritionnellement ».
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Sources :
Hallert C, Grant C, Grehn S, Grännö C, Hultén S, Midhagen G, Ström M, Svensson H, Valdimarsson T – Evidence of poor vitamin status in coeliac patients on a gluten-free diet for 10 years – Aliment Pharmacol Ther. 2002 Jul;16(7):1333-9.
Silvester JA, Weiten D, Graff LA, Walker JR, Duerksen DR – Is it gluten-free? Relationship between self-reported gluten-free diet adherence and knowledge of gluten content of foods – Nutrition. 2016 Jul-Aug;32(7-8):777-83. doi: 10.1016/j.nut.2016.01.021. Epub 2016 Feb 13.
Vici G, Belli L, Biondi M, Polzonetti V – Gluten free diet and nutrient deficiencies: A review – Clin Nutr. 2016 May 7. pii: S0261-5614(16)30088-7. doi: 10.1016/j.clnu.2016.05.002.
Bonsoir, Ca dépend quand même par quoi on remplace les aliments avec gluten :o) Il y en a de bien plus sains non raffinés qui évitent les carences (avoine, millet, sarrasin, farine de riz complet …) même pour les pâtes :o)
Bonne semaine
Merci pour ta juste remarque 🙂 oui en effet, il y a largement de quoi garder un régime équilibré tout en supprimant le gluten puisqu’il y a toujours les pâtes, le riz, le soja, les pseudos-céréales comme tu le dis (millet, sorgho, quinoa…), la viande/poisson, fruits et légumes à volonté…
Hello !
Ton article est très intéressant.
Tu parles de maladie inflammatoire de l’intestin, je pense que tu fais allusion, notamment à la maladie de Crohn (mais pas que, il en existe d’autres).
Je suis moi-même atteinte d’une maladie inflammatoire de la même lignée que Crohn mais qui, chez moi, ne touche pas le système digestif mais d’autres organes. Après quelques recherches en nutrition et avoir discuté avec plusieurs personnes à ce sujet, il semblerait que le gluten soit déconseillé pour de nombreuses maladies auto-inflammatoires (uvéite auto-immune, spondylarthrite ankylosante, rhumatisme psoriasique, etc). Néanmoins, ces sources ne sont pas purement médicales et il semblerait aussi que cela ne soit pas prouvé. Aurais-tu des infos à ce sujet ?
Merci 🙂 j’ai entendu parler du régime FODMAPs qui consiste à réduire la consommation d’oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles par la flore intestinale. Cependant, certaines études disent que ce régime ne permet pas de maintenir une rémission : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3625021/
Deux associations sur les maladies inflammatoires chroniques : http://www.afa.asso.fr/ http://www.efcca.org/
Pour le gluten, je ne sais pas vraiment. Tu pourrais poser la question à un médecin spécialisé dans ces troubles digestifs. Après j’ai l’impression qu’il n’y a pas de régimes ou d’aliments spécifiques qui aient montré de réels bénéfices pour ce type de maladies auto-immunes. Bon courage à toi 🙂